POURQUOI IL FAUT SE BATTRE…ET QU’IL LE FAUDRA ENCORE DEMAIN : 1ère partie

equilibrePour parler politique, parlons un peu de physique… Oui, je sais, à première vue, ces deux champs d’étude ont peu de rapport l’un avec l’autre, mais il est important pour la compréhension des éléments que je vais exposer d’effectuer un petit rappel sur la définition d’un équilibre stable et d’un équilibre instable.

Comme disait mon professeur de mathématiques de maths spé, un beau dessin vaut mieux qu’un long discours. Je vous propose donc de vous référer à la figure ci-dessus pour comprendre de quoi il s’agit. Dans le cas d’un équilibre stable, si vous éloignez la bille de sa position d’équilibre, elle va naturellement avoir tendance à y revenir et vous devrez déployer beaucoup d’énergie pour l’en éloigner. Dans le cas d’un équilibre instable, si vous éloignez la bille de sa position d’équilibre, elle va naturellement avoir tendance à s’en éloigner et vous devrez déployer beaucoup d’énergie pour l’y ramener.

Bon, après la physique, passons un peu aux maths. Mais non, ne prenez pas peur, vous verrez, tout va bien se passer. Parlons un peu d’un objet d’étude fort célèbre et absolument fascinant, malgré sa simplicité, le dilemme du prisonnier. Il se décrit en racontant la petite histoire suivante : Deux complices sont arrêtés après un braquage et sont interrogés séparément. A chacun d’eux, on leur explique que les choses peuvent se finir de trois façons différentes. Soit ils se taisent tous les deux, et ils iront chacun un an en prison. Soit ils avouent tous les deux et dénoncent chacun leur complice, ils iront chacun cinq ans en prison. Soit l’un des deux avoue et l’autre se tait. Dans ce dernier cas, celui qui a dénoncé son complice est remis en liberté, et l’autre part à l’ombre pour dix ans.

Le bon sens nous fait tout de suite penser que leur intérêt est évidemment de se taire et de faire chacun un an de prison, pour échapper à la menace des cinq ou dix ans d’emprisonnement. Si c’est votre cas, félicitations, vous êtes de gauche… Bon maintenant, faisons un petit effort et raisonnons comme un libéral persuadé que c’est la somme des choix égoïstes et individuels qui doit nous conduire au bonheur final. Si un des complices commencent à penser de cette façon, il va se dire : Bon soit mon camarade se tait et dans ce cas, j’ai tout intérêt à le dénoncer car comme ça, je serai libre. Soit mon camarade me dénonce et dans ce cas, j’ai tout intérêt à le dénoncer pour ne passer que cinq ans en prison et non dix. 

Et là, surprise, quelque soit le choix fait par son complice, un malfrat a tout intérêt à dénoncer ce dernier. Comme les paramètres sont les mêmes pour les deux prisonniers, ils vont tous les deux être poussés à dénoncer leur complice et ainsi, au final, à passer tous les deux cinq ans en prison, quand ils auraient pu n’en passer qu’un. C’est là toute la beauté du dilemme du prisonnier : en agissant uniquement en pensant à son propre intérêt, chaque voleur va au final aller contre son propre intérêt. Magnifique paradoxe qui valu à Steve Nash (le héros du film Un Homme d’Exception) un joli prix Nobel.

Quel est le rapport avec la notion d’équilibre que j’ai évoqué précédemment. Et bien, la situation où les deux malfrats se taisent est un équilibre instable. Dès que l’un des deux modifie son comportement, il va y gagner, il sera donc naturellement poussé à le faire, comme la bille du schéma à dévaler la pente. Au contraire, la situation où chacun se dénonce est un équilibre tout ce qu’il y’a de plus stable. En effet, en partant de cette situation, le premier qui modifierait son comportement (c’est à dire qui se tairait) se verrait condamné à une peine beaucoup plus longue. Il est donc naturellement poussé à ne pas le faire.

La théorie économique néoclassique ultralibérale, celle de l’école de Chicago, celle qui a considérablement influencé Reagan et Thatcher, celle qui trouve encore beaucoup d’écho auprès de la droite française, nous explique que laisser l’économie et la société être guidées uniquement par nos choix égoïstes individuels va nous conduire vers une situation stable (on vient de montrer que c’était effectivement probable), mais surtout optimale. Et ça, on vient de voir que rien ne permet de l’affirmer et qu’au contraire, beaucoup de choses tendent à l’infirmer. Le plus étonnant est que cette théorie a pris son essor dans les années 70 quand les travaux de Nash remontent aux années…40. On voit bien là qu’on est face à une pure idéologie qui ne fait que se travestir sous des habits de scientificité.

Que nous démontre tout ceci ? Tout d’abord que l’optimum économique et sociétal ne se trouve que dans l’action collective, concertée, organisée, négociée. En ne poursuivant que nos intérêts individuels immédiats, on obtient peut-être une stabilité et une certaine sécurité, mais certainement pas, au final, tout ce que l’on aurait pu obtenir. En croyant défendre ses propres intérêts, on ne fait que se tirer une balle dans le pied.

Mais ce qu’il y’a de plus important à retenir, c’est que l’optimum est un équilibre instable. Les forces qui nous en éloignent sont nombreuses, puissantes et s’exercent naturellement. Les contrer et pousser la société vers sont optimum demandent de l’énergie et un combat de tous les instants. L’équilibre entre notre volonté collective et notre égoïsme naturel (ou tout à fait calculé pour certains) déterminent où se situent notre société.

Les hommes ne sont pas moins égoïstes aujourd’hui qu’ils l’étaient hier. Mais depuis le 19ème siècle, l’essor des moyens d’expression collective (démocratie, syndicalisme, liberté associative et d’entreprendre, éducation du plus grand nombre…) a permis un progrès technique et social que le modèle aristocratique de confiscation du pouvoir par une partie réduite de la population n’a jamais permis en des siècles de fonctionnement.

Demain, nos sociétés pourront aller encore plus haut. Mais pour cela, il faudra se battre encore et toujours, car il faut déjà se battre pour ne pas dévaler la pente et rester au même endroit. Ce combat ne devra pas se faire chacun dans son coin à défendre ses intérêts individuels, mais collectivement à défendre l’intérêt général. Les forces qui nous tirent vers le bas seront toujours présentes. Le combat ne cessera donc jamais. Il a été mené hier, il sera à mener demain et surtout, il est à mener aujourd’hui !

P.S : Mon idée à la base était d’écrire un billet beaucoup plus long, illustrant tout ça par des éléments beaucoup plus concrets. Pour éviter l’overdose des quelques et rares courageux qui auront lu ceci jusqu’au bout, je vais m’arrêter ici pour aujourd’hui, réservant tout ça pour une deuxième partie qui viendra d’ici quelques jours.

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