WET LEG (Wet Leg), SKINTY FIA (Fontaines D.C.), GROWING UP (The Lindas Lindas) : Punk au féminin

Wet Leg de Wet Leg : Basique mais efficace

On démarre avec les Britanniques de Wet Leg et leur premier album, tout simplement intitulé Wet Leg, sorti en 2022. Un duo féminin pour une musique électro-rock assez directe, où les introductions sont parfois en option. Les voix sont parfois un rien aigrelettes, mais dès qu’elles se posent un peu pour prendre de la profondeur, elles ont immédiatement plus d’impact. Elles font preuve d’énergie et de conviction. C’est certes un peu basique, mais très efficace. Et surtout suffisamment varié pour que l’on prenne plaisir à découvrir cet album d’une qualité constante.

Skinty Fia de The Fontaine D.C. : Toujours pas ça

Skinty Fia de Fontaine D.C.Skinty Fia est le troisième album du groupe irlandais Fontaine D.C. que j’évoque dans ces pages. Dogrel m’avait profondément déplu, A Hero’s Death ne m’avait convaincu qu’à moitié. Celui-ci m’a encore une fois laissé sur ma faim. Cela début assez mal dans une ambiance sombre et évaporée, presque mystique, avec un rythme lent. Une des voix est franchement pénible pour un résultat répétitif et criard. Puis l’album monte en puissance. Les titres sont plus posés, mais ne parviennent jamais à vraiment embarquer l’auditeur avec lui. Quelques titres plus pop, plus légers finissent quand même par nous ravir. Globalement, le résultat est solide artistiquement, mais assez transparent.

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LA FAMILLE ASADA : La belle famille

La Famille Asada affiche

Chaque année, le palmarès des meilleurs films de l’année comporte son lot de films asiatiques. 2023 n’échappera pas à la règle en nous proposant précocement un petit bijou venu du Japon : la Famille Asada. Un film, qui à l’image de Tempura l’année dernière, comporte plusieurs parties assez différentes. Cette fois cependant, chacune des deux moitiés est d’une qualité égale et nous émeut chacune à sa manière. Deux fois plus de bonheur donc.

Portrait de famille

La première moitié de la Famille Asada est un… portrait de famille. Cela n’étonnera personne vu le titre du film. Mais un portrait aussi tendre que drôle. Avec ce petit rien de décalage qui confère au film toute son originalité et sa personnalité. La seconde moitié nous plonge dans les suites du tsunami ayant déferlé sur la région de Fukishima. Elle nous permet de mieux comprendre l’étendue de ce drame dont nous avons surtout retenu l’incident nucléaire. Un passage moins drôle, mais qui conserve cette infinie tendresse qui nous fait garder le sourire même quand une petite larme vient perler aux paupières.

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BABYLON : Pour l’amour du cinéma

Babylon affiche

Pour beaucoup Damien Chazelle est un grand cinéaste puisque qu’il a signé La La Land pour lequel il a reçu un Oscar. Pour moi, il est un immense cinéaste parce qu’il a signé Whiplash, un des chefs d’œuvre absolus du 7ème art. Pour tous, il est désormais un cinéaste gigantesque parce qu’il a signé Babylon. Un film de trois heures qui semble durer une heure et demi à peine tant il happe le spectateur dès la première seconde que pour le lâcher à la dernière seconde du générique. Entre les deux, un tourbillon de musique, de péripéties, de visions ébouriffantes et d’amour profond du cinéma.

Aux amoureux du 7ème art

Babylon est avant tout un sublime hommage à la part de rêve véhiculée par le cinéma hollywoodien. S’il nous plonge plus particulièrement dans l’ambiance fantasmée d’une époque, il nous fait réaliser dans ses dernières minutes à quel point l’histoire racontée est en fait celle du 7ème art de manière intemporelle. Ou plutôt l’histoire de tous ceux qui se sont un jour rendu dans une salle obscure pour se sortir de la réalité et s’offrir une heure, ou deux, ou trois dans des mondes sans limite. Cette œuvre, qui pouvait paraître relativement impersonnelle, devient dans ses ultimes instants un moment de partage intense avec Damien Chazelle pour tous ceux qui, comme lui, sont amoureux du cinéma.

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MOTOMAMI (Rosalia), AVATARS OF LOVE (Sondre Lerche), BEDROOM WALLS (November Ultra) : Potentiels gâchés

Motomami de Rosalia : Trop inégal

Motomami de RosaliaOn début cet avis par une artiste espagnole, dont le nom de scène est simplement Rosalia. Motomami est son troisième album, sorti en 2022. Sa jolie voix se pose sur des titres entraînants aux accents latinos et hip-hop. Il y a de la conviction et de l’énergie. Le résultat est sympathique parfois, varié toujours. Mais à force de partir dans toutes les directions, de s’essayer à différents style, l’album finit par être très inégal. Les meilleurs titres sont ceux énergique et dansants et ceux qui mettent en valeur sa voix. Dommage qu’elle la déforme sur de nombreux morceaux. Comme les instrumentations sont globalement moyennes, cela finit par faire pas mal de déchet. Dans le même style, on préférera l’album Free as A Bird de Soom T.

Avatars of Love de Sondre Lerche : Potentiel dilué

Avatars of Love de Sondre LercheOn reste en Europe, mais en Norvège cette fois, avec Sondre Lerche et son album Avatars of Love. Il s’ouvre sur sa voix douce se posant sur un air de guitare simple et épuré. Le résultat est séduisant et cela ouvre la curiosité, surtout que l’instrumentation se complexifie peu à peu. Mais on finit par trouver ce titre long. Les autres titres vont suivre le même schéma : séduisant mais s’étirant inutilement sur six à dix minutes. Cela donne un incroyable sentiment de gâchis. Le talent et le potentiel sont énormes, mais le tout se dilue de manière très regrettable.

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MEUTRE SUR UN BATEAU-DE-FLEURS (Robert Van Gulik) : La richesse du Juge Ti

Meurtre sur un bateau-de-fleurs

Si les aventure du commissaire Maigret occupe une place importante dans ces pages, surtout depuis que j’ai mis le Poulpe à la retraite, un autre policier est un habitué des lieux. Enfin non, pas tout à fait un policier, mais un juge. Un juge chinois du VIIème siècle, le Juge Ti, qui a connu une carrière littéraire en Occident sous la plume de Robert Van Gulik. Après le Paravent de Laque, le voici face à de nouvelles affaires sordides qui s’entremêlent dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs. On peut cependant compter sur sa légendaire sagacité pour démêler tout cela.

Une intrigue après l’autre

Comme à son habitude le récit se décompose en plusieurs sous-intrigues qui s’entrecroisent. Mais dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs, il s’attarde d’abord longuement sur celui qui a donné le titre au roman. Cela permet de rentrer vraiment dans l’histoire, de ne pas se retrouver perdu face à tous les personnages, comme c’est souvent le cas. Il s’agit d’une caractéristique appréciable car il gomme un des petits défauts que l’on peut trouver à l’œuvre de Robert Van Gulik. Les histoires complémentaires viennent ensuite enrichir le récit, mais le lecteur a le temps de les intégrer les uns après les autres.

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YOUSSEF SALEM A DU SUCCÈS : Gravité légère

Youssef Salem a du Succès affiche

Ramzy Bedia a depuis quelques années suivit le chemin que beaucoup d’autres acteurs comiques ont emprunté avant lui. Celui qui mène au statut d’acteur dramatique, tout autant talentueux. Cela s’est amorcé notamment avec Une Vie Ailleurs en 2017. Youssef Salem a du Succès permet de mesurer à quel point l’ancien complice d’Eric Judor a atteint une grande maturité artistique. Il joue sur ses deux jambes, à l’aise dans une grande palette de registres. Ce très joli rôle lui permet d’en faire étalage, sous la caméra élégante de Baya Kasmi. Une histoire riche qui nourrit la réflexion du spectateur, tout en lui donnant le sourire et lui inspirant de belles et nombreuses émotions. Le genre de film qui nous montre où se situe la vraie richesse du cinéma français.

Richesse grave et légère à la fois

Youssef Salem a du Succès se démarque tout d’abord par la richesse de son propos. On y parle de la famille, de l’intégration, du rapport à la célébrité, de l’affirmation de soi… Beaucoup de sujets donc, mais chacun occupe une vraie place et Baya Kasmi parvient à aller au bout de la réflexion à chaque fois. Malgré cela, le propos est fluide et reste incroyablement léger, même pour les aspects le sujets les plus graves. Ensuite, le film brille par sa pertinence. Le message profondément humaniste fait beaucoup de bien dans une société qui souffre autant de manichéisme et de rejet des visions différentes. Il rassemble sans jamais céder au bons sentiments. La profondeur du propos est réelle et sa bienveillance ne signifie en rien qu’il ferme les yeux sur les aspects les plus douloureux.

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TIRAILLEURS : Déracinés

Tirailleurs

En 2006, le film Indigènes avait rappelé de manière brillante l’apport de soldats venus des colonies lors de la Seconde Guerre Mondiale. Mais cette réalité n’a évidemment pas concerné que ce conflit, mais aussi le conflit de 14-18. Les amateurs du 7ème art ne peuvent désormais plus l’ignorer grâce à Tirailleurs. Un film très bien écrit et qui ne tombe jamais dans la facilité. Et qui, de manière universelle, nous rappelle, comme 1917 avant lui, à quel point cette guerre fut une véritable boucherie à la dimension absurde terrifiante.

Père et fils

Le grand mérite de Tirailleurs est de se construire autour d’un socle qui n’enferme pas le film dans son sujet. La relation entre le père et le fils qui se heurte à une hiérarchie militaire qui inverse les rôles constituent un fil rouge transposable dans bien d’autres contextes. Ne pas être qu’un cri revendicatif n’affaiblit pas le message. Bien au contraire, il le crédibilise en lui donnant un surplus de hauteur. Il s’agit d’un film simplement humaniste même s’il met en lumière une histoire bien particulière qui n’appartient qu’à ceux qui l’ont vécu et en ont souffert.

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MAIGRET A NEW YORK (Georges Simenon) : Lost in translation

Maigret à New York

Les aventures du commissaire Maigret sont intimement liées au Quai des Orfèvres et plus largement à la ville de Paris. Elles en explorent tous les quartiers pour aller au-devant de ses habitants et des secrets qu’ils cachent. Parfois, le héros quitte cependant la capitale pour la province (Maigret à Vichy) ou même les Pays-Bas (Un Crime en Hollande). Cette fois-ci, il part encore plus loin, traversant l’Atlantique et nous offrir ainsi, Maigret à New York.

Perdu dans la ville

On retrouve donc le commissaire Maigret loin de son univers familier. Le récit joue avec le dépaysement ressenti par le personnage, lui qui semble toujours savoir où il va. Mais en perdant son héros, Georges Simenon se perd aussi par la même occasion. Il ne semble pas du tout savoir comment donner du corps et du souffle à son récit. Les quelques personnages secondaires qui émergent sont très stéréotypés et manquent d’épaisseur. Maigret à New York n’a donc rien d’une visite guidée avec un accompagnateur ultra-compétent.

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ARCHIVE MATERIAL (Silverback), YOU BELONG THERE (Daniel Rossen), AMEN (Get Well Soon): Voyage dans le temps

Archive Material (Silverback) : Sympathique mais limité

Archive Material de SilverbackOn commence par le deuxième album d’un groupe peu connu (qui n’a même pas de page Wikipédia), à savoir Archive Material des britanniques de Silverback. Celui-ci, sorti en 2022, commence de manière assez directe. Cela semble quelque peu bordélique, mais ça possède quelque chose de réjouissant. Les titres où se fait entendre la voix féminine sont les plus accrocheurs. Le reste est assez inégal et reste toujours relativement basique. L’énergie rend le tout assez sympathique, même si cela touche assez vite ses limites.

You Belong There (David Rossen) : Sans fioriture

You Belong There Daniel RossenAutre découverte, Daniel Rossen, un américain qui signe avec You Belong There, un premier album solo, après une carrière avec un groupe appelé Grizzly Bear. Les sonorités nous ramènent à la fin des années 60. Le résultat est propre, maîtrisé et interprété avec conviction. Le tout est sans fioriture, mais du coup sans vraiment de raison de s’enthousiasmer. Surtout que l’album perd de sa consistance peu à peu. Les hésitations deviennent plus prégnantes, même s’il reste tout de même globalement assez agréable.

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GODLAND : Avis de grand froid

Godland affiche

Une contrée désertique. Des paysages grandioses. Des hommes venus d’ailleurs dotés d’un léger complexe de supériorité vis-à-vis d’autochtones auxquels ils sont persuadés d’apporter une part de civilisation à ces sauvages. Des hommes rudes, fier de leur virilité. Une population entretenant une relation particulière avec les chevaux. Tout ça fait forcément penser à un western. Pourtant, il s’agit ici de l’Islande et de sa « colonisation » par les Danois. Une histoire peu connue que nous fait découvrir Godland. A condition d’aimer les films fortement contemplatifs.

L’ennui qui guète

Entre beau, long et ennuyeux, notre cœur balance au moment de se qualifier Godland. C’est le genre de film que l’on passe en se disant que si cela continue comme ça encore cinq minutes, on va finir par s’ennuyer ferme. Sauf que l’ennui ne vient jamais vraiment. Mais à force de flirter avec elle, on a bien du mal à se montrer pleinement enthousiaste. On est intéressé par le spectacle mais uniquement avec l’intellect. Le cœur reste sur sa faim, faute d’émotion.

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