MEUTRE SUR UN BATEAU-DE-FLEURS (Robert Van Gulik) : La richesse du Juge Ti

Meurtre sur un bateau-de-fleurs

Si les aventure du commissaire Maigret occupe une place importante dans ces pages, surtout depuis que j’ai mis le Poulpe à la retraite, un autre policier est un habitué des lieux. Enfin non, pas tout à fait un policier, mais un juge. Un juge chinois du VIIème siècle, le Juge Ti, qui a connu une carrière littéraire en Occident sous la plume de Robert Van Gulik. Après le Paravent de Laque, le voici face à de nouvelles affaires sordides qui s’entremêlent dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs. On peut cependant compter sur sa légendaire sagacité pour démêler tout cela.

Une intrigue après l’autre

Comme à son habitude le récit se décompose en plusieurs sous-intrigues qui s’entrecroisent. Mais dans Meurtre sur un Bateau-de-fleurs, il s’attarde d’abord longuement sur celui qui a donné le titre au roman. Cela permet de rentrer vraiment dans l’histoire, de ne pas se retrouver perdu face à tous les personnages, comme c’est souvent le cas. Il s’agit d’une caractéristique appréciable car il gomme un des petits défauts que l’on peut trouver à l’œuvre de Robert Van Gulik. Les histoires complémentaires viennent ensuite enrichir le récit, mais le lecteur a le temps de les intégrer les uns après les autres.

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MAIGRET A NEW YORK (Georges Simenon) : Lost in translation

Maigret à New York

Les aventures du commissaire Maigret sont intimement liées au Quai des Orfèvres et plus largement à la ville de Paris. Elles en explorent tous les quartiers pour aller au-devant de ses habitants et des secrets qu’ils cachent. Parfois, le héros quitte cependant la capitale pour la province (Maigret à Vichy) ou même les Pays-Bas (Un Crime en Hollande). Cette fois-ci, il part encore plus loin, traversant l’Atlantique et nous offrir ainsi, Maigret à New York.

Perdu dans la ville

On retrouve donc le commissaire Maigret loin de son univers familier. Le récit joue avec le dépaysement ressenti par le personnage, lui qui semble toujours savoir où il va. Mais en perdant son héros, Georges Simenon se perd aussi par la même occasion. Il ne semble pas du tout savoir comment donner du corps et du souffle à son récit. Les quelques personnages secondaires qui émergent sont très stéréotypés et manquent d’épaisseur. Maigret à New York n’a donc rien d’une visite guidée avec un accompagnateur ultra-compétent.

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LE FAUCON DE MALTE (Dashiell Hammett) : Aux origines

Le Faucon de Malte

L’adage veut que les livres sont souvent meilleurs, ou du moins plus intéressants, que leur adaptation cinématographique. Comme toutes vérités, cette affirmation souffre de nombreuses exceptions. Certains chefs d’œuvre du 7ème art sont issus de roman qui ne peuvent se targuer d’être des chefs d’œuvre de la littérature. Cela peut arriver même pour des classiques, comme Illusions Perdues, mais plus souvent pour de littérature de gare. James Bond notamment est né au sein de romans très médiocres. Le Faucon Maltais est un film majeur, qui a fait la légende d’Humphrey Bogard. Le Faucon de Malte, le roman de Dashiell Hammett est nettement moins marquant.

Archétype daté

Le Faucon de Malte a pourtant crée un archétype de la littérature. La figure de Sam Spade est devenu le symbole du détective privé, viril et cynique… mais avec un bon fond quand même quand on y regarde à deux fois. Mais pour être honnête, c’est avant tout grâce à sa représentation sur grand écran que la légende est née. Dans le roman, sa psychologie apparaît parfois peu crédible, notamment face à la mort de son partenaire, point de départ de l’intrigue. Sans doute parce qu’un siècle plus tard, on a changé de regard sur les personnages masculins. Mais aussi parce que le roman n’a rien d’un chef d’œuvre de la littérature.

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MORDRE LE BOUCLIER (Justine Niogret) : Pas de cocorico

Mordre le bouclier

Je suis le premier à regretter fortement la faiblesse de la littérature francophone dans le domaine du médiéval fantastique (même si je m’efforce de contribuer à changer les choses). Jean-Philippe Jaworski (Gagner la Guerre, Janua Vera) est un des rares auteurs à émerger dans ce domaine et représente un modèle pour tous les écrivains français en herbe qui naviguent dans ce genre d’univers. Le voir signé la postface de Mordre le Bouclier, un roman signée par une autrice française, Justine Niogret, pouvait donner espoir de voir les rangs se renforcer autour de lui. Malheureusement, le résultat n’est pas du tout à sa hauteur.

Morne plaine

Quand la quatrième de couverture évoque un événement qui se situe dans une partie très tardive du récit, ce n’est jamais signe. Cela signifie généralement qu’il ne se passe grand chose avant ça. C’est bien le cas avec Mordre le Bouclier. Le roman est court, mais il ne s’y passe pas grand chose. On reste longtemps avec l’impression que l’on se situe toujours dans une phase d’introduction, préalable au démarrage réel de l’intrigue. Si les choses s’accélèrent quelque peu sur la fin, cela ne s’emballe jamais vraiment. On en ressort en se demandant ce que Justine Niogret a vraiment cherché à nous raconter.

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LE MESSIE DE DUNE (Frank Herbert) : Traversée du désert

Le Messie de Dune de Frank Herbert

Dune est une œuvre culte depuis sa sortie en 1965, mais a connu une remise en lumière particulièrement forte avec la sortie de sa nouvelle adaptation cinématographique, signée Denis Villeneuve. Ces derniers mois, il suffisait de regarder l’étagère des commandes Internet à la FNAC pour en voir invariablement au moins un exemplaire en attente. J’ai fait partie de ceux qui ont suivi le mouvement puisque j’ai fini par moi aussi enfin lire le roman. J’ai profondément aimé celui-ci. C’est donc avec beaucoup d’entrain que je me suis décidé à ne pas m’arrêter là et à enchaîner avec les suites de l’épisode initial. En commençant donc par le Messie de Dune, sorti lui en 1969. On y retrouve la plupart des caractéristiques de cet univers, ainsi que le style de Frank Herbert. Mais, malheureusement, pas vraiment l’enthousiasme initial.

Le grand vide

Dune se caractérisait déjà par un caractère contemplatif. Mais au moins, venait-il nous au service d’une histoire forte et riche en aventures et rebondissements. Le Messie de Dune se contente juste d’être contemplatif, sans moult péripéties à mettre sous les yeux. En un mot, il ne se passe pas grand chose. Et ce qui se passe se passe lentement, enrobé dans beaucoup de réflexions intérieures de la part des personnages. Tout cela conduit à un dénouement pas forcément très convaincant, même s’il reste assez cohérent avec ce qui a précédé. On retrouve par moment le caractère fascinant de cet univers, mais cela reste bien trop fugace pour que cela soit au final le sentiment qui domine.

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OLYMPOS (Dan Simmons) : La chute des Dieux

Olympos de Dan Simmons

Après en avoir pris pour 1000 pages, vous en reprendrez bien pour 1000 pages supplémentaires ? Après Ilium, voici Olympos, deuxième partie du diptyque de Dan Simmons qui mélange, sur beaucoup de pages, vous l’aurez compris, mais avec bonheur Antiquité et science-fiction. Mais quand on aime on ne compte pas ! Reste évidemment à aimer et à entrer totalement dans cet univers exigeant où tout n’est pas toujours baigné d’une douce clarté. Le charme opère heureusement dans cette œuvre fascinante à bien des égards. Mais à d’autres, à force de se sentir perdu, le lecteur aimerait qu’il passe plus vite.

Chemins différents

Olympos, comme la plupart des romans de Dan Simmons, est un livre choral. En passant d’un chapitre à l’autre, on change de personnage principal, de lieu et d’enjeux narratifs. Si tout s’était retrouvé relié à la fin d’Ilium, les destins vont à nouveau emprunter des chemins différents. Et de la satisfaction de voir les pièces du puzzle s’assembler, on passe de nouveau à ces histoires multiples forcément inégales. Certains fils sont passionnants, d’autres quelque peu confus. Du coup, on a hâte de quitter ces derniers et de retrouver les premiers.

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MADAME BOVARY (Gustave Flaubert) : Il était temps

Madame Bovary de Gustave Flaubert

J’ai grandi avec l’idée qu’il fallait un jour que je lise Madame Bovary… mais pas tout de suite. En effet, ma mère, dont c’est le livre préféré, m’a toujours expliqué qu’il fallait avoir un certain âge pour l’apprécier pleinement. A 43 ans désormais, je peux aisément considérer que j’ai assez d’expérience et de recul pour enfin passer à l’acte. Je me suis donc attaqué à la plus grande œuvre de Gustave Flaubert avec une certaine curiosité et une réelle envie. Et même si quelques éléments m’ont laissé un peu circonspects, le moins que l’on puisse dire est que je n’ai pas été déçu.

Une incroyable mordernité

Ce roman est d’une incroyable modernité. On imagine facilement comment il a pu profondément choqué à sa parution tant Gustave Flaubert décrit sans détour les situations, de manière encore plu directe que Pot-Bouille de Zola par exemple. Pas de sous-entendu ou de périphrase. Le récit se concentre vraiment sur les sentiments de son héroïne, lui donnant une portée universelle et intemporelle. On peut s’y identifier même avec bientôt deux siècles de distance. Le roman donne voix à la condition féminine au sein de la société bourgeoise du XIXème siècle d’une manière vraiment étonnante pour l’époque. Car à travers l’ennui ressenti par Madame Bovary se dégage une critique sociale beaucoup plus profonde et relativement inédite pour l’époque.

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LE CHAGRIN ENTRE LES FILS (Tony Hillerman) : Voyage à Vide

Le Chagrin Entre les Fils

A travers le cinéma ou la littérature, on a l’impression de tout connaître et savoir des États-Unis. Mais il reste tout de même quelques rares zones conservant un minimum de mystère. Les réserves indiennes en font partie. Les romans de Tony Hillerman se déroulent dans ce décor vraiment particulier. Le Chagrin entre les Fils est le 19ème (et dernier, écrit peu avant la mort de l’auteur) roman de cette série que je ne connaissais pas. Une nouvelle découverte après celle de Val Mc Dermid récemment Malheureusement, ce ne fut vraiment pas une révélation et je pense pas découvrir les autres volumes.

Une tapisserie sans éclat

Le titre le Chagrin entre les Fils comporte le mot fil au pluriel. En effet, l’histoire tourne notamment autour d’une tapisserie navajo. Un point de départ qui ne vend pas du rêve… et ce n’est pas pour rien puisque l’intrigue n’a rien de bien passionnante. On a beaucoup de mal à se passionner pour cette chasse à l’homme, sur les traces d’un tueur supposé mort des années auparavant. Le tout dans une enquête menée par un policier qui se sent obligé de sortir de sa retraite. Tout cela est un peu cliché à première vue… et en fait à seconde vue également.

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LE PUITS DES HISTOIRES PERDUES (Jasper Fforde) : Visite libre

Le Puits des Histoires Perdues

Quand on aime vraiment un livre ou un film, on dit que l’on rentre dans l’histoire. Une expression à prendre au second degré évidemment. Sauf chez Jasper Fforde. En effet, son personnage principal, Thursday Next est détective littéraire, ce qui lui permet de rentrer dans le monde des livres. Au sens le plus premier qui soit. Après l’Affaire Jane Eyre et Délivrez-Moi, voici le troisième volet de ses aventures : le Puits des Histoires Perdues. Un roman où l’auteur prend un malin plaisir à explorer toutes les possibilités offertes par son idée de départ. Pour le plaisir du lecteur, cela reste plus discutable.

Exploration

Avec le Puits des Histoires Perdues, Jasper Fforde se fait plaisir. En effet, il se fait plaisir en explorant toutes les possibilités offertes par l’univers délirant qu’il a crée. Il multiplie les éléments anecdotiques, mais souvent drôlatiques et décalés, comme autant de clins d’œil parfois réellement savoureux lancés aux grands lecteurs. Mais en faisant cela, il en oublie quelque peu de raconter une véritable histoire. L’intrigue ne prendra réellement de l’épaisseur que dans les dernières pages. Un peu trop tard pour enthousiasmer le lecteur qui, sans s’être réellement ennuyé, à parcouru ces pages d’un œil quelque peu discret.

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IL ÉTAIT UNE FOIS À HOLLYWOOD (Quentin Tarantino) : Adaptation inversée

Il était une fois à Hollywood

Il est classique de voir un roman à succès être adapté à l’écran. Certains films commerciaux à grand succès font parfois l’objet d’une « novelisation », c’est à dire l’écriture d’un roman (souvent médiocre tiré directement du scénario). Il est par contre beaucoup plus exceptionnel de voir réellement un roman tiré d’un film en menant un réel travail d’adaptation, c’est à dire en prenant parfois quelques libertés par rapport à l’œuvre originale. Et comme on n’est jamais aussi bien servi que par soi-même, Quentin Tarantino s’est livré à l’exercice à partir d’un de ses propres films. Ainsi, Il Était une Fois à Hollywood est un roman tiré du film Once Upon a Time in Hollywood.

L’histoire du roman et du film sont donc très proches mais présentent néanmoins un certain nombre de différence, donc le dénouement. Sa lecture se montrera tout aussi plaisante pour ceux qui ont vu le long métrage que pour ceux qui vont lire directement cet ouvrage. Les deux œuvres ont pour point commun d’être clairement celle d’un cinéphile qui raconte une histoire profondément imprégnée de cinéma. Quand on connaît le pedigree de l’auteur, cela n’est guère étonnant. Le lecteur appréciera d’autant plus le roman s’il partage aussi cet amour. Mais les lecteurs voulant simplement se plonger dans l’ambiance d’une époque et d’un milieu pourront aussi prendre beaucoup de plaisir à parcourir Il Était Une Fois à Hollywood, même sans saisir toutes les références ou savoir exactement qui sont tous les artistes, réalisateurs, actrices ou acteurs, cités au fil des pages.

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