LETTRE A MES ANCIENS CAMARADES

Ce texte, j’avais d’abord l’intention de l’écrire au soir du premier tour de l’élection Présidentielle quand le score d’Anne Hidalgo est apparu inférieur à 2%, en dessous du score de Jean Lassalle ou Nicolas Dupont-Aignan. Je n’ai pas pris alors le temps de le faire et c’est tant mieux car il s’est passé beaucoup de choses depuis et j’ai beaucoup d’autres choses à vous dire. Il ne s’agit pas ici de pérorer sur le thème « je vous l’avais bien dit ». Je n’en tire aucune fierté et j’aurais aimé avoir tort. Cependant, il y a dans ma démarche un espoir de faire sortir certains d’entre vous du profond aveuglement dans lequel tout membre du Parti Socialiste est aujourd’hui plongé. Car s’il ouvrait les yeux, il verrait à quel point il n’y a plus aucune raison d’y rester.

Face au score de 1,74%, j’ai lu les nombreux textes ou commentaires sur les réseaux sociaux sous forme de « oui, mais »… Oui, mais le programme était bon. Oui, mais le résultat est injuste. Oui, mais des lendemains meilleurs viendront. Oui, mais c’est la faute aux médias. Non, mes camarades, si vous m’autorisez à vous appeler encore ainsi, derrière un tel score, il n’y a pas de « mais ». Il signe un échec absolu, total et qui ne peut appeler qu’à une remise en question sévère, pour ne pas dire totale. Et il faut comprendre que ce score et cet échec est aussi le vôtre. Je suis resté assez longtemps au PS pour considérer que c’est aussi le mien. Mais dans une telle situation d’échec, j’ai fait ce que j’avais à faire. Ouvrir les yeux, arrêter de prétendre que j’allais changer la vie des gens grâce au PS et partir.

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CHER MONSIEUR ROUSSEL…

…Vous aurez donc ma voix. Vous aurez ma voix à défaut de mon enthousiasme. Je voterai pour vous sûr de mon choix, mais en gardant à l’esprit que j’aurais préféré en avoir un autre.

Je ne voterai pas pour vous par défaut. Tout simplement parce que si je votais par défaut, je n’aurais pas non plus voté pour vous. Certes, je ne voterai pas pour Anne Hidalgo pour les mêmes raisons pour lesquelles j’ai quitté le PS, que j’ai déjà exposées par ailleurs. Certes, je ne voterai pas non plus par Yannick Jadot parce que le voir clamer encore hier que les agriculteurs tuent des enfants alors que son conseiller agriculture est un antivax notoire me donne la nausée. Certes, je ne voterai pas pour Jean-Luc Mélenchon parce que son populisme trouvera toujours sur sa route mon opposition farouche et ne bénéficiera jamais de mon soutien. Et certes, j’aurais pu ne pas voter pour vous à cause de certaines de vos propositions auxquelles je suis profondément opposé, pour votre relation trouble avec la Chine et au final un populisme avec lequel vous flirtez parfois un peu trop à mon goût.

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LE JOUR OU J’AI QUITTE LE PARTI SOCIALISTE

A première vue, cela ressemble à un coup de tête. A 11h, le jeudi 13 janvier 2022, je ne m’imaginais pas quitter le Parti Socialiste. A midi, j’avais claqué la porte. Avec trois jours de recul, je sais que j’ai pris la bonne décision, parce que le soulagement surpasse de loin le doute. Rarement l’expression « la goutte d’eau qui fait déborder le vase » n’aura semblé si bien adaptée pour décrire une situation. Car tout cela vient de loin.

J’ai longuement raconté mon parcours au Parti Socialiste entre 2007 et 2017. Dix années qui s’étaient terminées en mon vote au premier tour de l’élection présidentielle pour un autre candidat que celui de mon parti. En tant que militant, cela poussait déjà à l’interrogation existentielle et la remise en cause. Et depuis ? Le candidat dont je suis le plus heureux d’avoir contribué à l’élection s’appelle Raphaël Glucksmann, dont j’admire le travail en tant que député européen particulièrement engagé. Mais sa principal caractéristique… est de représenter un autre parti que le PS. A côté de ça, j’ai vécu les campagnes des élections municipales et régionales avec le frein à main (pour des raisons très différentes néanmoins). Plus aucun enthousiasme nul part en tout cas.

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TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPILOGUE : Socialiste un jour…

epilogueQuand j’ai commencé le récit que je viens d’achever, j’imaginais l’écrire sur quelques mois, et non en un peu plus de trois ans. Au départ, j’avais prévu de le terminer sur un épilogue intitulé « et maintenant ? ». Cependant, cela n’aurait plus vraiment de sens de l’écrire aujourd’hui. J’aurais pu faire le choix aussi de poursuivre mon récit qui serait devenu « 13 ou 14 ans au Parti Socialiste ». Mais cela n’aurait pas non plus tellement de sens, tant le bloc des dix années entre la défaite de Ségolène Royal et le renoncement de François Hollande constitue un cycle complet avec son début et sa fin. Depuis, c’est une autre histoire qui a commencé à s’écrire et bien difficile aujourd’hui de savoir où elle va mener le Parti Socialiste.

Cela ne veut cependant pas dire que je n’aurais rien à raconter sur ces trois années et demi depuis le début de l’écriture de mon récit. Le PS parisien est un monde particulier qui vaut bien celui des Yvelines. Et j’ai trouvé dans le 18ème une Section d’une autre dimension que celle de Viroflay. Avoir Lionel Jospin comme camarade lors des réunions de Section vous donne l’occasion de quoi nourrir une narration. Les dernières élections municipales ont aussi donné lieu à quelques épisodes savoureux. Peut-être un jour viendra où j’aurais envie d’en tirer quelques lignes et à les partager.

Mais rien n’est moins sûr. Si j’ai eu envie de raconter ces dix années, de 2007 à 2017, ce n’est certainement pas pour cracher dans la soupe ou pour dénoncer quoique ce soit. C’est pourtant facile ou tentant de jouer les donneurs de leçons. Je reconnais que je ne suis certainement pas parvenu à échapper totalement à ce travers. Mais j’espère ne pas ressembler à tous ceux que j’ai croisés, prompts à critiquer, sans se remettre eux-mêmes en question et criant au scandale quand ils ne sont simplement pas parvenus à gagner la confiance des autres.

Ecrire ce récit était avant tout une façon pour moi d’essayer de mieux comprendre ce qui a pu se passer lors de ces dix ans. Passer d’une aussi belle ascension vers le succès à une cruelle chute qui a mené le PS au bord du néant. Je ne sais pas si j’y suis parvenu, mais au moins j’ai pu mettre certaines de mes idées et de mes constats au clair et d’avoir une vue d’ensemble des processus de conquête et de déclin.

Si j’ai une conclusion à apporter est que, finalement, l’histoire du PS, comme celle de toute organisation, est une histoire humaine avant tout, largement autant qu’une histoire politique. L’organisation collective est supposée écarter les travers individuels. Je me rends compte aujourd’hui que cette idée est belle sur le papier, mais se heurte à une réalité toute autre. L’histoire que j’ai racontée en est une illustration frappante. Mais je pourrais en raconter des similaires au sein d’entreprises ou d’associations où j’ai pu évoluer. Les organisations humaines souffrent des mêmes défauts que les êtres humains. Si un jour, le PS l’acceptait, il ferait un grand pas en avant…

40 épisodes pour arriver à une conclusion aussi courte… Tout ça, pour ça ! pourrait-on dire… Mais elle me permet de mieux comprendre pourquoi je suis resté « malgré tout ». Je connais beaucoup d’ancien compagnons de route qui me demandent pourquoi j’y crois encore. Je leur répondrais d’abord que tout cela n’est pas une question d’individus, d’organisation ou même d’idéologie. Tout cela est avant tout une question de nature humaine. Alors, je finirais par dire que, tout simplement, ne plus y croire, cela ne serait pas uniquement ne plus croire dans le PS, cela ne serait plus croire dans le fait que l’être humain puisse être meilleur demain. Et ne plus croire en cela, ce ne serait définitivement plus être socialiste. Et ça, ce n’est pas pour demain…

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 40 : Plus dure fut la chute

episode40En racontant cette histoire, je pourrais mentir en disant que je n’ai jamais envisagé de voter pour Benoît Hamon aux élections présidentielles. Je me suis bien posé la question… pendant les quelques jours suivant les primaires où il a semblé bénéficier d’une dynamique suffisante pour avoir ses chances. Cela ne dura pas longtemps avant qu’on lui colle l’étiquette du Monsieur 6%, score que lui promettait les sondages et qui a bien été le sien.

En racontant toute cette histoire, je me suis toujours évertué à éviter de me décrire comme quelqu’un qui aurait toujours tout prévu et qu’on n’aurait jamais écouté. C’est toujours tentant de le faire a posteriori. Mais un beau jour, j’ai écrit ce billet : https://www.julienbouffartigue.net/index.php/blog-actualites/1992-apprendre-de-ses-victoires. Dans celui-ci, j’écrivais : Benoît Hamon a remporté les primaires en étant l’homme qui défendait une idée forte et tous ses adversaires se sont évertués à en faire le centre du débat et lui offrir la victoire sur un plateau. Qu’il continue sur cette voie s’il compte l’emporter. La principale question est de savoir s’il possède encore des munitions pour reprendre la main. S’il compte s’asseoir à l’Elysée avec le seul revenu universel comme étendard, il va au devant d’une grande désillusion.
J’ignore s’il a encore des idées fortes sous le coude. Mais sa victoire sera à ce prix. Et uniquement à ce prix !

Je suis donc en droit de le dire, j’avais anticipé le désastre qu’allait représenter sa candidature. Et pas uniquement à cause de toutes les raisons que j’avais de lui vouer un mépris, voire une certaine forme de haine. J’avais identifié sa faiblesse et il s’est passé exactement ce que j’avais prédit. J’aurais sincèrement préféré que l’histoire me donne tort. Je ne sais pas si cela me confère un titre de gloire, mais cela constitue certainement un des éléments qui m’ont fait m’estimer légitime pour livrer ainsi ma vision de ces dix années.

J’aurais pu, du coup, me tourner vers Jean-Luc Mélenchon. Mais je pense que tous ceux qui m’ont fait l’honneur de me lire savent à quel point cela ne pouvait constituer une option pour moi. Il ne représente pas à mon sens simplement quelqu’un avec qui je peux avoir des désaccords. Je suis même souvent d’accord avec lui, car c’est certainement un des hommes politiques les plus intelligents de notre pays. Mais il défend une conception globale de la société qui est dangereuse. L’histoire a prouvé à de maintes reprises qu’elle provoquait toujours des drames sanglants à chaque fois qu’elle a eu l’occasion d’accéder au pouvoir.

Comme je l’ai évoqué dans le précédent billet, avant d’être rattrapé par la justice, François Fillon paraissait comme l’immense favori de l’élection présidentielle. Sa victoire aurait marqué une alternance droite/gauche, tout ce qu’il y a de plus classique. Le Nouveau Monde aurait peut-être bien du mal à l’admettre aujourd’hui, mais sans les soucis judiciaires du candidat des Républicains et l’incompréhensible choix de ces derniers de ne pas en changer, il n’aurait jamais pu émerger. Emmanuel Macron allait définitivement arriver au pouvoir par défaut et grâce à des circonstances qui n’ont rien à voir avec son talent ou son sens politique. Sans elles, le fait de ne pas s’appuyer sur un bloc militant fort et historique aurait constitué une faiblesse rédhibitoire.

L’enjeu du premier tour devient donc rapidement de savoir qui accompagnera Marine Le Pen au second tour pour finalement l’emporter certainement contre elle. La lutte est serrée. Si je n’ai jamais cru que Mélenchon puisse vraiment y accéder, le score de François Fillon dans les sondages continuent de se maintenir à un niveau étonnant. Or, je refuse de me voir contraint à un second tour entre la représentante du Front National et le représentant d’une droite réactionnaire et conservatrice. Avoir voté Jacques Chirac en 2002 avait déjà été assez douloureux comme ça.

Là encore, je ne veux pas réécrire l’histoire. Je ne le nie pas. L’émergence d’En Marche m’a interrogé. Si vous avez suivi les 39 épisodes précédents, vous imaginez bien que rejoindre un mouvement donnant un grand coup de pied de la fourmilière du militantisme politique me tente l’espace d’un instant. Mais idéologiquement, tout cela me semble trop flou pour que je puisse m’y engager. Je suis en retrait de la vie du PS et tout me pousse à garder cette posture d’attente. Mais mon choix est fait très vite après les primaires citoyennes. Je vais voter pour Emmanuel Macron dès le premier tour.

La perspective d’un vote d’adhésion, plutôt qu’un vote utile, s’éloigne vite. Les options économiques du programme d’Emmanuel Macron l’éloignent vite du centre gauche, qu’il aurait pu facilement incarner, pour aller chasser sur les terres de la droite. Cyniquement, je ne peux que reconnaître que c’est tactiquement ce qu’il fallait faire. La gauche est en lambeaux et les électeurs comme moi sont résignés à voter pour lui. Pour être sûr d’accéder au second tour, il doit continuer à capter l’électorat qui se serait naturellement tourné vers François Fillon, sans les problèmes judiciaires de ce dernier. J’acte donc vite que je vais voter pour un candidat qui n’est pas sur la même ligne économique que moi. Je me console alors avec le progressisme qu’Emmanuel Macron semble encore afficher sur les questions sociétales. Je vivrais comme une trahison le tournant conservateur de son quinquennat.

Pour le premier tour, je tiens ma place au bureau de vote. Officiellement, je représente… Benoît Hamon. Ce simple fait résume à lui seul à quel point mon univers militant n’est plus qu’un champ de ruines dans lequel je me sens un peu perdu. Le soir, en voyant Emmanuel Macron devancer François Fillon et accéder au deuxième tour, je me sens soulagé. Je sais que Marine le Pen ne pourra pas le battre. Mais, pour moi, qui ai vécu si intensément 2002, la faiblesse de l’écart final restera comme une blessure.

Le jour de la passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron, une page de ma vie se tourne. Non que le PS soit toute ma vie, loin de là, mais elle apporte la conclusion à un long cycle de dix ans faites d’abord de tant de victoires avant une longue agonie. Tout est à reconstruire. Une nouvelle histoire est à écrire… Rendez-vous dans dix ans ?

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 39 : Les primaires si moyennes

episode39François Hollande avait pleinement bénéficié de la dynamique insufflée par les primaires pour être élu Président de la République. Cinq ans plus tard, au moment de renouveler la démarche, l’ambiance et les perspectives n’ont plus rien à voir. Il ne s’agit plus de battre un Président sortant impopulaire. Il ne s’agit plus de primaires organisées par un parti politique qui a enchaîné les victoires aux élections locales pendant dix ans. Il s’agit d’une tentative un peu désespérée de recoller les morceaux au sein d’une gauche en lambeaux. Le résultat s’avérera totalement inverse, mais à l’heure de préparer l’organisation des primaires citoyennes, les militants PS gardent malgré tout un petit fond d’espoir.

La question de la participation éventuelle à des primaires du Président sortant s’étant réglée toute seule, il reste celle de leur périmètre exact. Pendant longtemps, le PS a espéré organiser des primaires « de Macron à Mélenchon ». Je ne sais pas si quelqu’un a un jour vraiment cru à cette éventualité. Mais afficher cette volonté ne coûtait pas grand chose. La participation de deux leaders politiques ayant bâti leur mouvement en siphonnant un côté et l’autre du PS aurait pu paraître incongrue. Pourtant, je reste persuadé que l’un ou l’autre aurait peut-être été finalement élu Président s’il l’avait fait…

Mais qu’est ce que je raconte ? Emmanuel Macron a été élu Président de la République ! Certes… l’histoire oublie cependant souvent que sans le bénéfice qu’il a tiré de l’affaire Fillon, il n’aurait certainement pas remporté l’élection, faute d’une base fidèle et militante suffisante. Je maintiens donc mon propos… Sur lequel je reviendrai dans le prochain et ultime épisode de ce récit. En attendant, les primaires ont lieu sans lui et sans le leader de la France Insoumise. Parmi les candidats sur la ligne de départ, trois favoris : Manuel Valls, Arnaud Montebourg et Benoît Hamon.

Personnellement, je suis plongé dans un profond désarroi. Aucun des trois ne me donne envie de le suivre pour différentes raisons, avant même d’entendre ce qu’ils ont à proposer. Mon déménagement m’ayant conduit à me retrouver en retrait de toute activité militante, je vis tout ça uniquement à travers les médias. Je n’assiste donc pas aux débats en Section et aux déchirements qu’ils engendrent. J’ai eu mon lot pendant cinq ans. Je ne me suis jamais engagé en politique pour assister à des pugilats un peu vains entre camarades, encore moins en tant que pur spectateur.

C’est donc avec un esprit totalement ouvert que j’assiste aux débats entre les candidats pour savoir qui aura ma voix au premier tour. J’avoue que j’espère alors me laisser convaincre par Sylvia Pinel. Non pas parce qu’elle était la seule femme sur la ligne de départ, mais parce que depuis le début je cache un terrible secret. En effet, il est temps de vous faire une révélation… En vrai, au fond, je ne suis pas socialiste. Si je regarde l’histoire des idées et des positions défendues, je suis clairement un raidical de gauche. Mais voilà, un parti dirigé par les héritiers d’un système quasi mafieux, très peu pour moi ! Malheureusement, ce soir-là, elle livre une prestation bien décevante. Non que les idées qu’elle défend me déplaise, mais sa diction hésitante et son manque absolu de charisme ne me permettent pas de voir en elle un candidat potentiel à une élection présidentielle.

Mon choix se porte donc sur un autre outsider, François De Rugy. Si je n’ai jamais eu beaucoup d’amour pour les écologistes politiques, il est pour moi tout simplement celui qui présente le meilleur programme. Il convaincra peu de monde, aussi parce que quasiment personne n’écoute jamais vraiment ce que les candidats ont à dire, à part quelques slogans. Je ne regrette pas mon choix, même si la suite de l’histoire fera que je n’ai plus grand chose en commun avec lui aujourd’hui. Mais cette histoire n’est alors pas encore écrite.

Si je n’ai pas participé aux débats en Section, j’ai tout de même fait savoir à mon Secrétaire que je suis disponible pour tenir un bureau de vote. Cette journée passée à faire voter le peuple de gauche reste tout de même un bon souvenir. Déjà parce que la participation est meilleure que ce que l’on pouvait craindre. Certes, rien à voir avec celles organisées cinq ans plus tôt, mais on n’a vraiment pas le temps de s’ennuyer.

L’identité des deux finalistes ne constitue pas vraiment une surprise, même si les troupes d’Arnaud Montebourg sont très amèrement déçues. Par contre, l’avance nette de Benoît Hamon n’était pas vraiment attendue. Manuel Valls sait qu’il n’a pas forcément un grand réservoir de voix et que peu d’électeurs d’Arnaud Montebourg voteront pour lui. Etre devancé de cinq points ressemble déjà à une défaite. Il reste cependant un débat en face à face entre les deux finalistes pour renverser la tendance.

Cependant, le débat ressemblera à un enterrement pour Manuel Valls. Benoît Hamon se présente avec une idée qu’il martèle, le revenu universel. Qu’on soit d’accord ou pas, convaincu ou non, force est de constater que c’est simple et percutant. Une vraie idée pour rendre une campagne accessible et compréhensible par tous. En face, c’est le néant. L’ancien Premier Ministre ne peut masquer qu’il n’a jamais été un homme qui produit des idées ou des axes programmatiques. On peut lui reconnaître des qualités, mais pas celle-là. Or, cela constitue un handicap rédhibitoire quand on aspire à une telle fonction. Benoît Hamon sort du débat en grand vainqueur.

Cela se confirme dans les urnes le dimanche suivant. Benoît Hamon est désigné candidat du Parti Socialiste pour l’élection présidentielle. Pas avec ma voix, vous vous en doutez pas. Mais son adversaire du soir n’en a pas bénéficié non plus. Impossible pour moi de choisir entre ces deux hommes dont trop de choses me séparent politiquement. Cette journée aura été une des plus difficiles de mon parcours militant. Car dès le soir même, je sais déjà, au fond de moi, que, moi, qui ai toujours été un bon petit soldat du parti s’apprête à le trahir dans les urnes dans quelques semaines.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 38 : Orphelin politique

episode38Nouveau boulot, nouvelle ville, nouvelle appart… en gros nouvelle vie. Et par la même occasion nouvelle Section. Si mon PS viroflaysien a toujours été paisible et convivial, je quitte une fédération des Yvelines en feu, marquée par une violence des rapports entre les forces militantes que je ne regrette pas le moins du monde. On peut même dire que je suis heureux de la quitter en espérant ne plus jamais avoir à militer dans une telle ambiance délétère.

Cependant, mon arrivée à Paris correspond à la période des désignations au PS pour les élections législatives et sénatoriales. Le député sortant est Daniel Vaillant. Il occupe ce mandat depuis 1988 (avec quelques interruptions). Il a aussi été maire de l’arrondissement de 1995 à 2014. Autant dire que ce n’est pas n’importe qui. A bientôt 70 ans, on lui a fait comprendre qu’il est temps de passer la main. Mais il rechigne. Pour faire passer la pilule, on lui promet en échange d’un renoncement une place éligible sur la liste PS des sénatoriales.

Le timing des événements va proposer un scénario dont seul le PS a le secret. La date limite des dépôts de candidature à la candidature pour la députation est atteinte avec une seule d’enregistrée, ce qui aurait dû permettre de régler la question de la succession sans heurt. Le lendemain, le Conseil Fédéral se réunit et annonce la liste pour les sénatoriales. Daniel Vaillant en est absent. Il crie à la trahison et annonce sa volonté de briguer malgré tout un nouveau mandat de député. Mais les statuts du PS ne lui permettent pas de le faire sous cette étiquette, la date butoir pour la valider à travers le vote des militants étant passée.

Le jour du vote en Section, il n’y a officiellement qu’une seule candidate. Pourtant, c’est bien Daniel Vaillant qui récoltera le plus de bulletins à son nom. D’un point de vue formel, autant de votes nuls, mais un terrible désavoeux pour celle qui est finalement investie. J’ai eu depuis des échos de la violence des échanges ayant eu lieu à cette occasion. Tout ceci prouve également une nouvelle fois, qu’au nom de la fidélité, les militants de terrain pardonnent facilement à ceux qui s’accrochent au pouvoir quand ils les connaissent, alors qu’ils dénoncent facilement ce genre de comportement chez les autres.

Je vois ça de loin, car je n’ai pas encore participé à la moindre réunion de Section. J’ai juste fait la connaissance de mon Secrétaire qui organisait une distribution de tracts juste en bas de chez moi. Il m’a fait immédiatement une excellente impression, ce qui se confirmera par la suite. Il fait partie de ces quelques personnes qui me rappellent pourquoi militera au PS représente aussi l’occasion de croiser des personnes hors du commun. Donc j’aurais pu me sentir impatient de découvrir mes nouveaux camarades. Mais voilà, ce que je perçois de la situation me rappelle trop ce que je viens de quitter. Du coup, je me mets en retrait pendant un long moment…

L’annonce du 1er décembre 2016 m’incitera d’autant moins à sortir de cette hibernation. Ce soir-là, quand le Président de la République prend la parole, la plupart s’attendent à l’annonce de sa candidature à l’élection de 2017. Ce sera au contraire un renoncement. Ce n’est pas non plus une surprise totale, tant le chemin vers une réélection parait semé d’obstacles insurmontables (dont un certain Emmanuel Macron). C’était même objectivement la meilleure décision à prendre. Mais pour ceux qui, comme moi, on a passé cinq ans à se battre pour le défendre et le plus souvent contre ses propres camarades, le coup est rude.

Je me définis ce jour-là comme un orphelin politique sur les réseaux sociaux. Je mesure l’immensité du vide qui s’ouvre devant ceux qui revendiquent l’étiquette de sociaux-démocrates. Ce vide frappera aussi tous ceux qui, à gauche, jubilent à cette annonce. La suite des événements me prouvera malheureusement à quel point j’avais raison et à quel point certains auraient dû mesurer leur joie. Ce sentiment de se retrouver sans cap, ni boussole ne m’a pas vraiment quitté depuis. Et le moins que l’on puisse dire est que personne n’a repris le flambeau. Tous ceux qui ont lui craché dessus pendant cinq ans en pensant pouvoir s’en saisir avec facilité ont échoué à entraîner une part significative de l’opinion.

Pourtant un homme aurait pu, aurait dû tenter sa chance. L’histoire l’a oublié, mais les quelques mois de Bernard Cazeneuve comme Premier Ministre, auront été les tels que le quinquennat tout entier aurait dû être. Il parvient à renouer la confiance avec une partie de ceux qui avaient rejoint la fronde. Son évidente modestie, son sens du devoir, que personne ne peut lui contester, vu son parcours, restaure une certaine confiance, mais bien trop tardive. Peu après avoir clamé mon statut d’orphelin, je me dis prêt à devenir cazeunvien. J’aurais pu l’être avec la même sincérité que j’ai été hollandais. Bernard Cazeneuve fera le choix de l’esquive et ne jouera aucun rôle dans la période de turbulences dans lequel le PS allait s’enfoncer. Tant pis pour lui, le PS, la gauche et sans doute le pays. Ses velléités de retour manifestées récemment sont vouées à l’échec. Personnellement, je ne lui pardonnerai pas cette forme de lâcheté.

Je n’en veux pas à François Hollande. Je l’aurais soutenu jusqu’au bout de la défaite. Son absence d’entêtement, qui contraste avec le retour raté que mènera Nicolas Sarkozy, prouve une nouvelle fois une forme d’intelligence et d’humanité qui auront fait sans doute aussi sa grande faiblesse. Sa présidence laissera un goût d’inachevé, de gâchis, mais pour avoir eu la chance de le voir depuis et d’échanger quelques mots avec lui, je sais qu’il vaut bien mieux que tous ceux qui auront osé le regarder de haut, sans avoir réalisé le centième de ce qu’il aura accompli.

Par contre, soyons clairs. Si le renoncement a fait de moi un orphelin, il trouverait en moins un farouche opposant s’il cherchait réellement à revenir. On ne réécrit pas l’histoire et je serais très triste de le voir substituer une triste fin par une fin pathétique.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 37 : La fin d’une vie

episode37En août 2016, ma période d’essai vient de se terminer. Je suis donc en mesure de mettre en oeuvre la dernière étape de mes envies de changement. Je me mets donc en recherche d’un appartement sur Paris… que je trouve à ma première visite. Je suis plutôt chanceux pour le coup. Mais une fois le préavis donné et le bail signé, une course contre la montre commence. Beaucoup de démarches, beaucoup de cartons et un coup de fil à passer.

Auparavant, je n’avais jamais appelé le Maire de Viroflay au téléphone. Il n’a jamais eu rien à craindre de moi et moi, jamais rien à espérer de lui. Nous nous sommes toujours témoignés une forme d’indifférence. J’ai mené une campagne municipale, sans jamais l’évoquer et je n’ai jamais fait de politique pour le plaisir d’être son opposant. Ce jour là pourtant, je suis sur le balcon de mon bureau pour lui annoncer que je m’apprête à lui envoyer un courrier de démission du Conseil Municipal. L’échange sera court et sans affect.

Je ne me souviens plus très bien du moment où j’ai prévenu mes camarades de mon départ. Je crois bien que c’est avant de trouver un appartement, peut-être même avant l’été. En tout cas, en le faisant, je me libère d’un poids. Je peux enfin arrêter de mentir, même si c’est mentir par omission. Les réactions sont bienveillantes. Il faut dire qu’une des différences entre la gauche et la droite à Viroflay tient aussi dans le rapport à la ville. Un des objectifs des élus de la majorité, rappelés sans cesse, étaient de permettre à leurs enfants d’y habiter (vaut mieux nos enfants, que des pauvres dans les logements sociaux…). Notre objectif était de permettre à nos enfants d’accomplir leurs rêves, qui passent souvent par un autre horizon que cette ville parfois désespérément calme…

En septembre 2016, j’assiste donc à mon dernier Conseil Municipal. Le dernier acte de ma vie d’élu. Il se passe normalement. A la fin, le Maire m’invite à faire un discours. J’avais évidemment réfléchi à ce que je voulais dire. J’hésitais sur le ton à adopter. J’aurais pu être cinglant, rappeler à la majorité une dernière fois ce qui nous séparait. Mais au dernier moment, un peu ému, j’opte pour un discours nettement plus consensuel. Je parle de l’engagement, de sa difficulté et de la fierté que chacun autour de cette table peut ressentir d’avoir fait ce choix, indépendemment de son camp. Je le termine sous une vraie salve d’applaudissements. Je sais que la plupart sont sincères. Au cours de ces années, je pense avoir gagné un profond respect de la part de beaucoup d’élus de la majorité, pour ne pas dire parfois de l’admiration. Et peut-être même un peu d’envie. Je suis sûr que certains auraient aimé qu’on leur donne les moyens d’être plus ambitieux dans leur mission.

Le Maire prononce quelques mots positifs à mon égard. Pas d’effusion non plus. Il se lève pour me faire un cadeau. Un livre sur l’histoire de Viroflay qu’il m’a dédicacé. Je lui fais alors remarquer que j’ai déjà ce livre puisqu’il a été donné précédemment à tous les élus… Ce cadeau dénué de toute imagination lui ressemble tellement… Enfin le petit mot à l’intérieur est plutôt sympathique alors j’ai substitué dans la ma bibliothèque cet exemplaire à celui qui s’y trouvait déjà. Je quitte pour de bon la salle du Conseil, tournant le dos à huit années de ma vie et à une expérience un rien frustrante, mais que je ne regrette certainement pas.

La soirée en mon honneur organisé par mes camarades me touchera infiniment plus. Touché par le nombre d’entre eux à être venus, même quand ils avaient pris quelque peu leurs distances avec le PS. C’est un des rares moments dans mon parcours politique où j’ai vraiment ressenti pourquoi nous nous surnommons « camarades » entre nous. Ils auraient pourtant pu me tenir rigueur pour un départ finalement peu de temps après qu’ils m’aient témoigné une grande confiance en me confiant la tête de la liste. Je n’ai ressenti ça dans aucun regard, dans aucun mot. Mais plutôt de la gratitude et des regrets de me voir partir.

Si je n’ai alors aucun regret de quitter Viroflay, j’ai ce soir là un gros pincement au coeur en quittant mes camarades viroflaysiens !

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 36 : Fin de règne

episode36Après les élections régionales et la déchéance de nationalité, le moral des militants socialistes ne se situent pas au beau fixe en ce début d’année 2016. L’échéance électorale de l’élection présidentielle se rapproche à grande vitesse et rien ne vient laisser penser que le quinquennat pourra être sauvé. Le dernier clou sera mis par la Loi Travail. J’ai beau être me situer sur l’aile droite (même si je récuse ce titre) du PS au niveau économique, il faut avouer que défendre cette initiative pouvait difficilement être défendu avec cœur et enthousiasme par un militant socialiste.

2016 restera pour moi une belle année d’un point de vue personnel. Celle d’un grand changement dans ma vie qui va venir bouleverser ma vie de militant. Depuis septembre 2015, je me rends tous les lundis matin dans les locaux de l’association de anciens de mon école d’ingénieur pour suivre une « formation » pour chercher efficacement un nouveau travail. Dans ma tête, le changement est donc désormais inéluctable. Il intervient au printemps, où je change d’emploi. Un nouveau job situé en plein Paris et m’offrant un salaire qui me donne les moyens de réaliser un vieux projet de vie : vivre enfin dans la capitale intra-muros.

Cette dernière étape n’interviendra qu’en septembre. Mais je l’ai en ligne de mire depuis septembre 2015. Je le garde pour moi, tant que le changement ne se concrétise pas, mais je vis désormais tout avec un certain détachement. L’histoire du PS de Viroflay et des Yvelines s’écrira bientôt sans moi et je le sais. Alors je me sens de moins en moins concerné, avec une envie de moins en moins forte de m’investir pour résoudre les difficultés qui surviennent. Mon univers militant est de plus en plus mal en point et je sais que je ne ferai pas grand chose pour y remédier.

La Section du PS de Viroflay a vu ses effectifs diminuer peu à peu depuis l’élection de François Hollande, chaque polémique apportant son lot de démissions, alors que les recrutements sont peu nombreux. Cette situation se retrouve partout en France. Pendant mes dix ans de militantisme dans mon ancienne commune, j’ai refusé à plusieurs reprises de devenir Secrétaire de Section. Il serait donc doublement injuste de ma part d’émettre la moindre critique envers celui qui exerçait alors cette fonction. Mais force est de constater que beaucoup des militants restant me font part régulièrement de leur mécontentement quant à l’animation et le contenu des réunions. En tant que leader politique, c’est vers moi qu’ils se tournent.

Si je n’avais pas su mon départ proche, j’aurais pris mes responsabilités et aurais tenté de devenir Secrétaire de Section à l’occasion du Congrès de Poitiers. A la place de ça, je constate les dégâts, le coeur serré. Je n’ai pas la prétention d’affirmer que j’aurais pu inverser une tendance aussi générale. Mais au moins, j’aurais eu le sentiment d’avoir fait le maximum. Le plus dur est cependant de taire mon départ inéluctable, même quans l’avenir est évoqué. Surtout une fois mon nouveau travail trouvé. Je dois expliquer à plusieurs reprises qu’il est tout à fait accessible de Viroflay (ce qui est vrai), quand on s’inquiète d’un éventuel départ à cause de ça. Mon envie de venir habiter Paris ne tient de toute façon pas à mes trajets domicile-travail.

Au niveau des Yvelines, notre collectif s’est aussi effiloché depuis les élections régionales. Les deux principales déçues ont adopté des attitudes différentes. L’une s’est mise en retrait, l’autre, celle dont on se méfiait, fait cessession. Son futur parcours à la République en Marche montre bien qu’elle aura toujours plus brillé par son arrivisme que par ses convictions.

Elle m’aura fait vivre une des moments les plus hallucinants de bêtise humaine causée par l’activisme politique. J’ai l’occasion de la croiser dans le cadre de mon activité professionnelle, un jour d’inauguration. Autour du buffet, elle m’aborde avec la même cordialité que celle que l’on se témoignait avant les régionales. Nous ne sommes donc pas dans le cadre d’une réunion politique, mais ça ne l’empêche pas de me livrer alors un réquisitoire d’une violence absolue contre le leader de notre mouvement, celui qui l’accuse de l’avoir trahie pour jouer sa carte personnelle. Sauf que les arguments employés tiennent plus du délire paranoïaque que de l’argumentation étayée. En gros, elle l’accuse d’être un mythomane qui nous manipulerait.

Comment pouvait-elle imaginer une seconde que j’allais lui donner raison et me laisser convaincre par son tissus de « faits alternatifs » comme on dit maintenant ? La politique pousse des gens pourtant brillants, normalement rationnels à ce genre de comportement proche du pathologique. Peut-être ai-je déjà sombré dans de tels travers. En tout cas, j’aurais passé toutes ces années à tout faire pour l’éviter.

Suite à cela, lors d’une réunion de notre groupe, certains plaident pour une réconciliation. Je prends alors ma parole et évoque l’incident précédent. Et je pose une question qui se pose à tous les forces minoritaires dans le jeu politique : doit-on, sous prétexte de renverser un pouvoir qui nous semble néfaste, nous allier avec quiconque mène le même combat que nous ? Doit-on légitimer ces travers pour combattre ceux de la majorité ? Je n’ai pas de réponse définitive. Car se diviser quand on est minoritaires, c’est se condamner définitivement à la défaite. Mais passer l’éponge sur tout, c’est péréniser à jamais ce genre de comportement. Cynisme efficace ou idéalisme vain, voilà le dilemne qui se propose à tous les militants politiques.

On rêve tous d’un idéalisme efficace. Mais tous les rêves ne se réalisent pas.

TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 35 : Présidence déchue

episode35Certains événements ont tellement marqué la conscience collective, que tout le monde, ou presque, est capable de vous raconter où il était, ce qu’il faisait et avec qui ce jour là. Ils peuvent être des événements joyeux comme la victoire de la France en 1998 ou bien des drames terribles. Pour ces derniers, les attentats terroristes occupent une place à part. 11 septembre, Charlie Hebdo et le 13 novembre 2015… autant de moments dont tout le monde se souvient. Pour cette dernière date, je me souviens parfaitement avoir appris qu’il se passait quelque chose à une terrasse. Heureusement pour moi, je me trouvais à Montparnasse. Pas là où le sinistre commando œuvrait.

Je me souviens très bien d’avoir entendu à la télévision les premiers mots de François Hollande. C’était ceux d’un homme tout simplement. Un homme qui avait bien du mal à ne pas être submergé par une émotion terrible. Devenir Président de la République demande une capacité à se glisser dans une armure hermétique. Parfois, le costume devient trop lourd à porter. Mais il n’est jamais loin. Quelques minutes plus tard, alors qu’il arrive sur les lieux du drame, le ton a radicalement changé. Il est froid, dur et déterminé. Ce n’est plus celui d’un concitoyen partageant la même détresse, mais celui d’un chef dont la force doit être capable de nous guider.

Ce sentiment de communion de la Nation autour du chef de l’Etat durera quelques temps. Mais ce genre d’élan ne peut jamais se prolonger éternellement. Le lundi 16 novembre, quand François Hollande s’exprime devant le Congrès, il est encore bien présent. C’est pourquoi, tous les parlementaires, toutes tendances confondues, finissent le discours debout pour l’applaudir. Je ne veux pas douter de la sincérité de ce moment où tout autre attitude aurait paru déplacée. Mais certains d’entre eux n’avaient-ils déjà pas à l’esprit la séquence pathétique qui allait suivre ?

Parmi les annonces du chef de l’Etat ce jour-là figurait la déchéance de la nationalité française pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme et possédant une autre nationalité. Sur le moment, la mesure n’avait pas été plus commentée que n’importe quelle autre. Mais elle allait bientôt se révéler être un boulet pour François Hollande et marqué un point final à la désunion de la majorité.

Avec le recul, on comprend bien le calcul fait par le Président de la République. Pour espérer une union sacrée et le soutien de la droite à la réforme constitutionnelle qu’il proposait, il fallait donner au camp d’en face un os à ronger. C’est à dire une mesure à laquelle il tenait et qui n’aurait jamais pu être proposé par la gauche dans d’autres circonstances. Cet os était donc cette déchéance de nationalité, à l’impact réel extrêmement limité. De manière concrète, elle ne changeait pas grand chose pour grand monde. C’est sans doute pour cela qu’il l’a choisie comme cadeau à la droite.

Mais comme souvent pendant son quinquennat, François Hollande a ignoré deux choses. Premièrement, l’importance de la portée symbolique des actions. L’ancien chef de l’Etat est un homme pragmatique, c’est aussi pour ça que l’apprécie tant. Mais la politique ne peut être faite que de pragmatisme. Il faut savoir donner du sens. Et cette déchéance, venant après un renoncement au droite de vote aux élections locales pour les étrangers, envoyaient un signal particulièrement négatif, pour ne pas dire hostile, à une catégorie de la population ayant largement contribué à son élection.

Deuxièmement, il fit preuve d’un aveuglement sur la division profonde existant déjà dans son propre camp. Même dans ces circonstances exceptionnelles et l’appel à l’union nationale, une partie de la gauche n’avait aucunement l’intention de lui faire le moindre cadeau. Se concentrant sur la nécessité de rallier la droite, il oublia de souder d’abord la gauche qui lui fit payer chèrement. Tout cela est à l’image d’un quinquennat qui se termina sur la Loi Travail sur laquelle on peut largement livrer la même analyse.

Je me souviens très bien d’une session du Conseil Fédéral où était proposé une motion pour demander le retrait de cette proposition. Sans cette proposition, la droite ne suivrait pas, enterrant définitivement la tentative de modifier la Constitution (ce qui finit par advenir). Je me retrouve donc coincé entre une mesure à laquelle je suis opposé dans l’absolu, même si je comprends le calcul politique sous-jacent, et la possibilité d’un soutien à une motion proposée par un courant que je combats depuis de longs mois. Partagé entre le fait qu’on ne peut pas demander à la droite de suivre sans reprendre aucune de ses idées qui nous déplaisent (bref, sans faire un compromis… gros mot en politique) et les arguments qui sous-tendent le texte soumis au vote, qui le tourne en procès politique totalement déplacé.

J’ai alors fait quelque chose que j’ai rarement fait dans la ma vie politique et citoyenne. Je me suis abstenu. Pas forcément le geste le plus courageux, mais pour moi le geste juste. Un geste que je renouvellerai un jour de deuxième tour des primaires. Mais ceci est une autre histoire… même si elle est intimement reliée à celle-ci.