TOUT CA, POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PARTI SOCIALISTE : EPISODE 35 : Présidence déchue

episode35Certains événements ont tellement marqué la conscience collective, que tout le monde, ou presque, est capable de vous raconter où il était, ce qu’il faisait et avec qui ce jour là. Ils peuvent être des événements joyeux comme la victoire de la France en 1998 ou bien des drames terribles. Pour ces derniers, les attentats terroristes occupent une place à part. 11 septembre, Charlie Hebdo et le 13 novembre 2015… autant de moments dont tout le monde se souvient. Pour cette dernière date, je me souviens parfaitement avoir appris qu’il se passait quelque chose à une terrasse. Heureusement pour moi, je me trouvais à Montparnasse. Pas là où le sinistre commando œuvrait.

Je me souviens très bien d’avoir entendu à la télévision les premiers mots de François Hollande. C’était ceux d’un homme tout simplement. Un homme qui avait bien du mal à ne pas être submergé par une émotion terrible. Devenir Président de la République demande une capacité à se glisser dans une armure hermétique. Parfois, le costume devient trop lourd à porter. Mais il n’est jamais loin. Quelques minutes plus tard, alors qu’il arrive sur les lieux du drame, le ton a radicalement changé. Il est froid, dur et déterminé. Ce n’est plus celui d’un concitoyen partageant la même détresse, mais celui d’un chef dont la force doit être capable de nous guider.

Ce sentiment de communion de la Nation autour du chef de l’Etat durera quelques temps. Mais ce genre d’élan ne peut jamais se prolonger éternellement. Le lundi 16 novembre, quand François Hollande s’exprime devant le Congrès, il est encore bien présent. C’est pourquoi, tous les parlementaires, toutes tendances confondues, finissent le discours debout pour l’applaudir. Je ne veux pas douter de la sincérité de ce moment où tout autre attitude aurait paru déplacée. Mais certains d’entre eux n’avaient-ils déjà pas à l’esprit la séquence pathétique qui allait suivre ?

Parmi les annonces du chef de l’Etat ce jour-là figurait la déchéance de la nationalité française pour les personnes condamnées pour des faits de terrorisme et possédant une autre nationalité. Sur le moment, la mesure n’avait pas été plus commentée que n’importe quelle autre. Mais elle allait bientôt se révéler être un boulet pour François Hollande et marqué un point final à la désunion de la majorité.

Avec le recul, on comprend bien le calcul fait par le Président de la République. Pour espérer une union sacrée et le soutien de la droite à la réforme constitutionnelle qu’il proposait, il fallait donner au camp d’en face un os à ronger. C’est à dire une mesure à laquelle il tenait et qui n’aurait jamais pu être proposé par la gauche dans d’autres circonstances. Cet os était donc cette déchéance de nationalité, à l’impact réel extrêmement limité. De manière concrète, elle ne changeait pas grand chose pour grand monde. C’est sans doute pour cela qu’il l’a choisie comme cadeau à la droite.

Mais comme souvent pendant son quinquennat, François Hollande a ignoré deux choses. Premièrement, l’importance de la portée symbolique des actions. L’ancien chef de l’Etat est un homme pragmatique, c’est aussi pour ça que l’apprécie tant. Mais la politique ne peut être faite que de pragmatisme. Il faut savoir donner du sens. Et cette déchéance, venant après un renoncement au droite de vote aux élections locales pour les étrangers, envoyaient un signal particulièrement négatif, pour ne pas dire hostile, à une catégorie de la population ayant largement contribué à son élection.

Deuxièmement, il fit preuve d’un aveuglement sur la division profonde existant déjà dans son propre camp. Même dans ces circonstances exceptionnelles et l’appel à l’union nationale, une partie de la gauche n’avait aucunement l’intention de lui faire le moindre cadeau. Se concentrant sur la nécessité de rallier la droite, il oublia de souder d’abord la gauche qui lui fit payer chèrement. Tout cela est à l’image d’un quinquennat qui se termina sur la Loi Travail sur laquelle on peut largement livrer la même analyse.

Je me souviens très bien d’une session du Conseil Fédéral où était proposé une motion pour demander le retrait de cette proposition. Sans cette proposition, la droite ne suivrait pas, enterrant définitivement la tentative de modifier la Constitution (ce qui finit par advenir). Je me retrouve donc coincé entre une mesure à laquelle je suis opposé dans l’absolu, même si je comprends le calcul politique sous-jacent, et la possibilité d’un soutien à une motion proposée par un courant que je combats depuis de longs mois. Partagé entre le fait qu’on ne peut pas demander à la droite de suivre sans reprendre aucune de ses idées qui nous déplaisent (bref, sans faire un compromis… gros mot en politique) et les arguments qui sous-tendent le texte soumis au vote, qui le tourne en procès politique totalement déplacé.

J’ai alors fait quelque chose que j’ai rarement fait dans la ma vie politique et citoyenne. Je me suis abstenu. Pas forcément le geste le plus courageux, mais pour moi le geste juste. Un geste que je renouvellerai un jour de deuxième tour des primaires. Mais ceci est une autre histoire… même si elle est intimement reliée à celle-ci.

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