MAGIC SIGN (Martin Courtney), GEMINI RIGHTS (Steve Lacy), THE BIBLE (Lambchop) : La rédemption est encore loin

Magic Sign de Martin Courtney : Sans imagination

Magic Sign de Martin CourtneyOn commence avec un artiste américain, Martin Courtney, et son album Magic Sign, sorti en 2022. Il s’agit de son deuxième album solo, étant par ailleurs le chanteur du groupe The Real Estate. Il nous y livre une musique pop sucrée, un rien évaporée. Le résultat est sympathique et maîtrisé, mais manque quand même d’épaisseur et d’originalité. Cela ressemble parfois aux Beach Boys, l’imagination en moins. Cela reste cependant facile à écouter, agréable et plaisant.

Gemini Rights de Steve Lacy : Intrigant

Gemini Rights de Steve LacyOn reste aux États-Unis avec Steve Lacy, qui signe avec Gemini Rights le deuxième album de sa carrière. Il apparaît tout d’abord comme une sorte de crooner à la voix très aiguë. Cela produit une impression étrange, ne sachant pas bien si on aime ou si on déteste. La suite est plus pop, assez fraîche et la voix revient à des hauteurs plus raisonnables. Mais il y a quelque chose dans sa musique qui ne met jamais tout à fait à l’aise. Ceci conduit l’auditeur à y prêter attention. Surtout que le tout offre beaucoup de variété, de maîtrise et de conviction. Pas toujours facile de savoir quoi en penser mais en tout cas, ça ne laisse pas indifférent. Et c’est déjà beaucoup.

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GUERRE (Louis-Ferdinand Céline) : Voyage sans bout

Guerre de Louis-Ferdinand Céline

Il est fréquent que les chanteuses ou les chanteurs morts continuent de sortir de nouvelles chansons, voire même de nouveaux albums bien après avoir quitté ce bas monde. C’est plus rare dans le domaine de la littérature, mais on connaît quelques macchabées se retrouvant sur les devantures des librairies (sans même parler de Stieg Larsson qui n’aura jamais su qu’il était un auteur à succès). C’est le cas de Céline dont des manuscrits non finalisés ont eu le droit à une édition en bonne et due forme. Guerre a été écrit en 1934, deux ans après Voyage au Bout de la Nuit, mais son auteur n’est jamais allé au bout de son travail. On peut alors se demander s’il était nécessaire de le partager avec les lecteurs.

Gadget littéraire

Je ne doute pas que les amateurs les plus éclairés d’un des auteurs les plus controversés de la littérature française ont trouvé leur comptant en lisant Guerre. Tout cela malgré les mots illisibles qui sont signalés et les personnages qui changent de nom au cours du récit. Pour le lecteur juste curieux comme j’ai pu l’être, l’intérêt est moins flagrant. Il s’agit plus d’une longue nouvelle que d’un roman à proprement parlé. Et les photos des pages manuscrites qui complètent l’ouvrage pour qu’il compte un nombre décent de pages viennent renforcer la sensation d’une sorte de gadget littéraire pour ses admirateurs les plus fervents.

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YANNICK : Au théâtre ce soir

Yannick affiche

Quentin Dupieux est passé d’un réalisateur quasi anonyme de films totalement décalés à un réalisateur majeur, capable de rassembler les plus prestigieux des castings, mais en continuant à nous offrir des films décalés. A ce niveau-là rien n’a changé. Il est aussi devenu un cinéaste particulièrement productif. Deux films en 2022 : Incroyable mais Vrai et Fumer fait Tousser. Il est déjà de retour en 2023 avec Yannick. Un film dans la lignée du reste de sa filmographie, mais qui nous fait nous interroger sur l’intérêt de préférer ainsi la quantité à une plus grande qualité.

Exercice de style inabouti

Yannick n’est pas du tout un mauvais film. Mais cela reste un exercice de style pas totalement abouti. Toutes les bonnes idées ne sont pas exploitées de manière optimale. Le propos de fond est intéressant, même traité au dixième degré, et appelle à une certaine réflexion, mais aurait mérité une écriture un peu plus fine. Bref, tout cela aurait pu bénéficier d’un peu plus de temps et de travail pour prendre une dimension supplémentaire. Cela restera donc un film mineur dans la carrière de Quentin Dupieux. Une comédie sociale et grinçante qui recèle quelques moments de bravoure.

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FOREVERANDEVERNOMORE (Brian Eno), SONGS FROM A STOLEN GUITAR (Simon Joyner), WHEN THE WIND FORGET YOUR NAME (Built to Split) : Douceur dans la grisaille

ForeverAndEverNoMore (Brian Eno) : Lénifiant

ForeverAndEverNoMore de Brian EnoBrian Eno, 75 ans au compteur, est avant tout connu pour avoir être l’arrangeur d’albums mythiques de David Bowie ou de U2. Mais c’est aussi un musicien à la carrière très riche. ForeverAndEverNoMore, sorti en 2022, est environ son 70ème album en 6 décennies. On y découvre sa voix intrigante après une entrée en matière évaporée, dans une ambiance quasi ésotérique. Mais très vite, on se demande quand tout cela va enfin décoller. Comme ça ce ne vient pas, on commence à vraiment s’ennuyer, surtout qu’aucun titre ne vient casser le rythme ou l’ambiance. Au final, tout cela se montre particulièrement lénifiant et assez peu digne d’intérêt.

Songs From a Stolen Guitar (Simon Joyner) : Intimiste

Songs from a Stolen Guitar de Simon JoynerOn poursuit avec l’Américain Simon Joyner que j’avais découvert avec son album précédent, Pocket Moon. Il revient avec Songs From a Stolen Guitar qui s’ouvre sur une douce ballade. Sa voix relativement originale affiche de personnalité. C’est tant mieux car il se repose beaucoup sur elle. Cela fonctionne car elle transmet beaucoup d’émotions. L’album est homogène, mais pas monotone. L’ambiance y est très intimiste. On regrettera juste les quelques moments où il pousse un peu trop sa voix et où elle perd du coup beaucoup de son charme.

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LE LIVRE DE PTATH (A. E. Van Vogt) : En liberté

Le Livre de Ptath

A.E. Van Vogt est un auteur trop méconnu en France. Pourtant, c’est lui, lorsque Boris Vian a traduit une partie de son œuvre, qui a introduit la science-fiction moderne en France. Personnellement, je connais assez mal son œuvre, n’ayant lu uniquement les Marchands d’Armes, il y a des années de cela. Uniquement, avant de lire le Livre de Ptath. Un roman un peu à part dans sa bibliographie, mais réellement fascinante et qui donne envie de s’intéresser de plus près au reste de son œuvre.

Invention en terre inconnue

Écrire de la science-fiction en 1947, année de publication de le Livre de Ptath, revenait à explorer une terre largement inexploré. C’est le privilège des pionniers comme A.E. Van Vogt qui ont pu inventer leurs propres codes dans une totale liberté. C’est sûrement pour ça que ce roman reste relativement inclassable et incomparable. Ce n’est pas de la pure science-fiction, mais un mélange de cette dernière avec du fantastique et même une pointe d’heroic fantasy, quand bien même ce genre était également balbutiant à cette époque.

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REALITY : En réalité

Reality affiche

A partir de quoi peut-on faire un film ? Les réponses les plus courantes sont un roman ou encore une pièce de théâtre. L’écriture d’un scénario se résume souvent à l’art néanmoins subtil de l’adaptation. On peut aussi s’inspirer d’un événement historique plus ou moins lointain. Généralement, il s’agit d’un fait majeur qui a changé le monde ou au moins bouleversé le cours de la vie d’un grand nombre d’individus. Mais peut-on tirer un film d’un simple procès-verbal d’interrogatoire ? Et surtout peut-on se contenter de le reprendre mot à mot ? Pas évident à première vue, mais Reality prouve que c’est bien possible.

Exercice de style

Reality aurait pu être un simple huis-clos construit autour d’un interrogatoire. C’est un élément classique de beaucoup de polars américains, même s’il occupe rarement la totalité du scénario. Que ce soit le cas ici n’est pourtant pas le plus original dans ce film. C’est bien sa nature de reconstitution au plus proche de la réalité d’un fait réel qui lui donne tout son intérêt. Mais aussi sa plus grande limite. On fait face à un exercice de style très réussi. Le film ne peut du coup n’être rien de plus, ni rien de moins. On l’apprécie pour ce qu’il est, sans possibilité d’enthousiasme supplémentaire.

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LES HÉRÉTIQUES DE DUNE (Frank Herbert) : En plein brouillard

Les Hérétiques de Dune

Dans la saga Dune, on voyage à travers de nombreux mondes et de multiples planètes. On voyage aussi dans le temps, les différents épisodes étant souvent séparés de plusieurs siècles. Les Hérétiques de Dune se déroule 1500 ans après l’Empereur-Dieu de Dune, le tome précédent. Des chiffres qui donnent un peu le vertige, à l’image des sensations que peut procurer de se plonger dans l’œuvre de Frank Herbert. Du vertige au mal de mer, il n’y a souvent qu’un pas. A force de maintenir son lecteur dans une aura de mystère, ce dernier pourrait bien perdre de vue l’intérêt même de cette histoire.

Noyés dans le bavardage

Il serait évidemment mal venu de se montrer surpris devant le style particulièrement bavard de Frank Herbert. Il reste sa marque de fabrique depuis le début du premier tome. Mais les Hérétiques de Dune, plus long que ses prédécesseurs, atteint des sommets en la matière. La principale conséquence est que les rares informations importantes, celles qui font vraiment avancer l’histoire ou délivrent un élément clé se retrouvent totalement noyés dans un flot d’éléments décoratifs. Le dénouement, en particulier, est vraiment ardu à comprendre. Lire le résumé Wikipédia permet d’identifier les quelques mots susceptibles de nous faire deviner à demi-mot ce qui se passe vraiment. Sans cela, on passe très facilement à côté.

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OPPENHEIMER : Le destin d’un monde

Oppenheimer affiche

La frontière entre le bien et le mal est souvent ténue, floue, faisant naître une large zone grise où les deux notions s’entremêlent. Pourtant, le plus souvent, au cinéma, la séparation est nette. D’un côté les gentils qui défendent le bien et de l’autre les méchants format ce que l’on appelle communément les forces du mal. Robert Oppenheimer est une des figures les plus complexes et ambiguës de l’histoire occidentale. « Père » de la bombe atomique d’un côté, il paiera cher de l’autre ses positions pacifistes. L’histoire d’un homme dépassé par sa création. Une histoire magnifiquement racontée par Christopher Nolan dans Oppenheimer.

L’histoire d’un dilemme moral

Oppenheimer est l’histoire d’un dilemme moral. Ce genre de situation est à la base de beaucoup de scénarios, mais qui auront rarement atteint la force dégagée par ce film. Sûrement parce qu’au-delà du destin d’un personnage historique, il nous dit beaucoup sur les tensions qui continuent de parcourir notre monde. De celles qui pourraient nous conduire à l’apocalypse en suivant des logiques qui apparaissent rationnelles, mais qui relèvent en fait de la folie. Le film ne raconte pas simplement l’histoire d’un scientifique dépassé par son invention. Il raconte l’histoire d’une humanité dépassée par son propre pouvoir.

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LA MORT DE BELLE (Georges Simenon) : Travers universels

La Mort de Belle

Georges Simenon a dressé un portrait unique de la petite bourgeoisie française du milieu du XXème siècle à travers son œuvre. La plupart de ses romans se déroulent à Paris, quelques uns en province. Mais certaines de ses histoires se déroulent dans d’autres pays. Il a par exemple emmené son personnage fétiche de l’autre côté de l’Atlantique avec Maigret à New-York. Avec la Mort de Belle, la démarche est encore différente puisqu’il nous raconte une histoire qui nous plonge cette fois dans la petite bourgeoisie américaine. Pour s’apercevoir qu’elle n’a rien de bien différente.

Justesse psychologique

On peut même se demander pourquoi la Mort de Belle n’a pas Paris pour cadre. L’histoire n’aurait pas été très différente. Mais on peut tout simplement imaginer qu’au sein d’une œuvre aussi pléthorique, Georges Simenon puisse avoir envie d’un peu de variété. Du coup, le portrait est peut-être un peu moins mordant d’un point de vue sociologique. Néanmoins, la psychologie des personnages n’en perd pas moins de sa justesse et de sa profondeur. Il sait, mieux que personne, faire ressortir les travers les plus retors de la nature humaine.

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BARBIE : Barbie world !

Barbie affiche

Rarement un film aura provoqué autant de curiosité avant sa sortie que l’événement cinématographique de cet été. Je veux évidemment parler de Barbie. Le long métrage de Greta Gerwig a fait couler beaucoup d’encre, provoqué bien des débats et surtout attiré beaucoup de gens dans les salles obscures. Beaucoup de gens habillés en rose pour se mettre aux couleurs du phénomène. Et comme tout ce bruit s’est avéré avant tout très élogieux, Mattel peut se frotter les mains. Même si le scénario se consacre avant tout à égratigner la marque américaine.

Un vrai sujet

Peu de gens auraient imaginé que la figure de Barbie puisse donner naissance à un tel film. Son intelligence, l’épaisseur de la réflexion qu’il porte ont quelque chose d’inattendu. Même les plus critiques ne peuvent que l’admettre. On n’aurait pas autant débattu si Barbie était vide. On ne se demanderait pas à longueur d’articles et de critiques si le film est vraiment, faussement, un peu, beaucoup, passionnément féministe s’il n’était pas porteur d’un vrai propos, auquel on est évidemment pas obligé d’adhérer. Rien que pour cela, le film vaut réellement le détour. Si je n’ai pas été profondément convaincu par 100% des éléments de la réflexion, j’ai vraiment apprécié cet aspect.

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