PALMARÈS 2022 : L’année des cinéastes

Armageddon Time

Un palmarès 2022 très tardif, mais de grande qualité. Il est le reflet de toute la diversité du 7ème art qui fait que jamais on ne se lasse de se rendre dans les salles obscures. Il place les États-Unis une nouvelle fois au sommet du cinéma mondial, même si l’Europe et l’Asie restent évidemment présentes. Mais surtout, ce palmarès nous rappelle à quel point le cinéma appartient avant tout aux cinéastes. Aux auteurs qui ont une vision à transmettre, une personnalité à partager, un propos à défendre. A l’heure où un pur film de producteur consterne le cinéma français, il est bon de se rappeler que l’histoire de l’art a été écrite par les artistes, non les mécènes.

La vision qui triomphe cette année est donc celle de James Gray. Un metteur en scène qui sait allier la beauté esthétique avec la profondeur du fond. Il nous livre avec Armageddon Time une réflexion d’une force bouleversante, qui, à travers une histoire très intimiste, remet en question notre vision du monde. Il offre à Anthony Hopkins un des rôles les plus remarquables de cette année cinématographique. Un film bouleversant dont on ne ressort pas indemne.

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LABYRINTHITIS (Destroyer), THE FANTASY LIFE OF POETRY & CRIME (Pete Doherty et Frédéric LO), (WATCH MY MOVES) (Kurt Vile) : Potentiels inexploités

Labyrinthitis (Destroyer) : A se fermer les oreilles

Labyrinthitis destroyerOn débute avec les Canadiens de Destroyer et leur album Labyrinthitis, sorti en 2022. J’ai déjà discuté ici de trois de leurs albums précédents (Kaputt, Poison Season et Have We Met), qui m’avaient laissé sur des impressions quelque peu mitigés, mais tout de même globalement positive. Ici, on se retrouve immédiatement plongé dans une ambiance éthérée, pas très mélodieuse. Les sonorités sont dissonantes et souvent sans relief. Une certaine attention renaît quand le rythme devient plus dynamique, avec des accents électro, mais comme le résultat casse quelque peu les oreilles, on les referme vite. La voix de Dan Beja est sur cet album étonnamment insupportable.e m L’album est vraiment pénible à écouter tout du long, avec certains titres qui semblent être là juste pour faire du remplissage, même s’il se termine tout même sur une jolie balade.

The Fantasy Life of Poetry & Crime (Pete Doherty et Frédéric Lo) : Inoxydable

The Fantasy Life of Poetry and Crime Pete Doherty Frédéric LoOn poursuit avec une vieille connaissance que la drogue et l’alcool auraient pu faire disparaître de la circulation. Mais il faut croire que Pete Doherty a la peau dure. Il revient, en duo avec Frédéric Lo, un artiste ruthénois, pour un album intitulé The Fantasy Life of Poetry & Crime. Elle s’ouvre sur une balade douce qui sublime sa voix, comme une invitation à le suivre pour le reste de l’album. La suite est tout aussi séduisante, baignant toujours dans l’harmonie. La douceur n’empêche pas l’énergie et la conviction dans les interprétations acoustiques. La qualité est constante et le résultat très solide.

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LES BANSHEES D’INISHERIN : Bons baisers d’Irlande

Les Banshees d'Inisherin affiche

Les plus perspicaces d’entre vous auront peut-être remarqué que je n’ai toujours pas publié mon top de l’année 2022. Je ne comprends d’ailleurs pas pourquoi, je n’ai pas reçu du coup des dizaines de messages de protestation. Sûrement un bug informatique… L’explication est simple, j’ai tardé à voir le dernier film de l’année précédente susceptible d’intégrer ce classement. Ce n’est que tardivement en janvier que j’ai été voir Les Banshees d’Inisherin, un film largement salué par la critique. Le suspense est donc intense pour savoir si, oui ou non, j’ai moi aussi succombé au charme de Martin McDonagh. Je vais vous donner un premier indice : ce long métrage est au moins aussi bon que ses œuvres précédentes, Bon Baisers de Bruges et 3 Billboards. Les cinéphiles auront déjà compris.

Original et inattendu

Martin McDonagh maîtrise une part de son métier de réalisateur à la perfection. Celle qui consiste à peupler ses films de personnages marquants et forts, pour ne pas dire inoubliables. Les deux protagonistes de Les Banshees d’Inisherin sont du genre de ceux qui restent longtemps à l’esprit. Et comme ce film est avant toute autre chose un film de personnages, c’est le film tout entier qui se grave dans l’esprit du spectateur. Après, difficile de dire s’il est à ranger dans les comédies ou les drames. Si le terme de tragi-comédie fait un peu désuet, il convient pourtant parfaitement ici. Mais le plus satisfaisant est le plaisir d’assister à une histoire réellement originale, à partir d’éléments de départ qui ne laissaient pas forcément présumer d’un scénario hors du commun. Aller voir ce film revient forcément à assister à quelque chose d’autre que ce à quoi on pouvait s’attendre, car il est impossible d’imaginer le contenu de cette histoire sans l’avoir parcourue.

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LE FAUCON DE MALTE (Dashiell Hammett) : Aux origines

Le Faucon de Malte

L’adage veut que les livres sont souvent meilleurs, ou du moins plus intéressants, que leur adaptation cinématographique. Comme toutes vérités, cette affirmation souffre de nombreuses exceptions. Certains chefs d’œuvre du 7ème art sont issus de roman qui ne peuvent se targuer d’être des chefs d’œuvre de la littérature. Cela peut arriver même pour des classiques, comme Illusions Perdues, mais plus souvent pour de littérature de gare. James Bond notamment est né au sein de romans très médiocres. Le Faucon Maltais est un film majeur, qui a fait la légende d’Humphrey Bogard. Le Faucon de Malte, le roman de Dashiell Hammett est nettement moins marquant.

Archétype daté

Le Faucon de Malte a pourtant crée un archétype de la littérature. La figure de Sam Spade est devenu le symbole du détective privé, viril et cynique… mais avec un bon fond quand même quand on y regarde à deux fois. Mais pour être honnête, c’est avant tout grâce à sa représentation sur grand écran que la légende est née. Dans le roman, sa psychologie apparaît parfois peu crédible, notamment face à la mort de son partenaire, point de départ de l’intrigue. Sans doute parce qu’un siècle plus tard, on a changé de regard sur les personnages masculins. Mais aussi parce que le roman n’a rien d’un chef d’œuvre de la littérature.

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AVATAR 2 : LA VOIE DE L’EAU : le rêve de Méliès

Avatar 2 : la Voie de l'Eau affiche

Le 1er volet d’Avatar avait constitué une petite révolution cinématographique. À sa suite, la 3D avait envahi les écrans, mais pour, le plus souvent, un résultat assez médiocre. Ainsi, la mode a fini par passer et les lunettes ont été rangées au placard. Elles ont été ressorties cet automne à l’occasion d’un retour en salle. Ce fut l’occasion pour les spectateurs de redécouvrir ce que peut apporter cette technique, qui n’a rien d’un gadget quand la réalisation a été pensée pour elle. Mais tout cela n’était rien par rapport à la marche qui allait être franchie avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau. Un film qui va certainement ouvrir une nouvelle page de l’histoire du 7ème art. De l’histoire visuelle tout du moins.

Révolution en marche

Si Louis Lumière est généralement considéré comme l’inventeur du cinématographe. Mais comme tout art, le cinéma s’est réinventé à de nombreuses reprises sous l’impulsion des génies qui ont marqué son histoire. Concernant les aspects visuels, l’esprit le plus révolutionnaire fut celui de Georges Méliès. Avec Avatar 2 : la Voie de l’Eau, James Cameron se place comme son héritier. Comme celui qui a quelque part accompli définitivement le rêve de son prédécesseur. Celui d’un cinéma pouvant nous emmener dans des mondes merveilleux, où rien ne ferait obstacle à l’imagination des cinéastes.

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MORDRE LE BOUCLIER (Justine Niogret) : Pas de cocorico

Mordre le bouclier

Je suis le premier à regretter fortement la faiblesse de la littérature francophone dans le domaine du médiéval fantastique (même si je m’efforce de contribuer à changer les choses). Jean-Philippe Jaworski (Gagner la Guerre, Janua Vera) est un des rares auteurs à émerger dans ce domaine et représente un modèle pour tous les écrivains français en herbe qui naviguent dans ce genre d’univers. Le voir signé la postface de Mordre le Bouclier, un roman signée par une autrice française, Justine Niogret, pouvait donner espoir de voir les rangs se renforcer autour de lui. Malheureusement, le résultat n’est pas du tout à sa hauteur.

Morne plaine

Quand la quatrième de couverture évoque un événement qui se situe dans une partie très tardive du récit, ce n’est jamais signe. Cela signifie généralement qu’il ne se passe grand chose avant ça. C’est bien le cas avec Mordre le Bouclier. Le roman est court, mais il ne s’y passe pas grand chose. On reste longtemps avec l’impression que l’on se situe toujours dans une phase d’introduction, préalable au démarrage réel de l’intrigue. Si les choses s’accélèrent quelque peu sur la fin, cela ne s’emballe jamais vraiment. On en ressort en se demandant ce que Justine Niogret a vraiment cherché à nous raconter.

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CORSAGE : Pas royal

Corsage affiche

Les biographies ont valu beaucoup de prix pour les interprètes entrés dans la peau d’un personnage historique. Le but de ces films est de faire revivre ces femmes et ces hommes de manière la plus réaliste possible, même si certains développent un vrai point de vue, comme récemment Elvis. Quelques rares productions ont choisi par contre d’assumer un statut de pure fiction. Elles nous livrent des scénarios inspirés de la vie d’une figure historique, mais sans chercher à respecter la vérité. On pense notamment au Marie-Antoinette de Sofia Coppola. Corsage est dans le même esprit, avec une autre figure royale. Il s’agit cette fois de Sissi, l’Impératrice d’Autriche, qui a déjà laissé une trace profonde dans le 7ème art.

Creux et répétitif

On ne peut pas assurer aux amateurs de l’œuvre de Sofia Coppola ou aux fans de Romy Schneider qu’ils trouveront leur bonheur avec Corsage. En fait, on ne peut l’assurer à personne. A moins d’aimer les films creux, répétitifs et sans éclat artistique. L’idée de départ était pourtant intéressante. A défaut de respecter la vérité historique, le film aurait pu effectivement mettre en lumière, de manière moderne, la personnalité de l’ancienne Impératrice. La volonté d’émancipation de celle-ci a bien été réelle, mais le scénario ne parvient pas à donner un souffle à la vision qu’il cherche à porter. Et du coup, on succombe assez vite à l’ennui.

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LE MESSIE DE DUNE (Frank Herbert) : Traversée du désert

Le Messie de Dune de Frank Herbert

Dune est une œuvre culte depuis sa sortie en 1965, mais a connu une remise en lumière particulièrement forte avec la sortie de sa nouvelle adaptation cinématographique, signée Denis Villeneuve. Ces derniers mois, il suffisait de regarder l’étagère des commandes Internet à la FNAC pour en voir invariablement au moins un exemplaire en attente. J’ai fait partie de ceux qui ont suivi le mouvement puisque j’ai fini par moi aussi enfin lire le roman. J’ai profondément aimé celui-ci. C’est donc avec beaucoup d’entrain que je me suis décidé à ne pas m’arrêter là et à enchaîner avec les suites de l’épisode initial. En commençant donc par le Messie de Dune, sorti lui en 1969. On y retrouve la plupart des caractéristiques de cet univers, ainsi que le style de Frank Herbert. Mais, malheureusement, pas vraiment l’enthousiasme initial.

Le grand vide

Dune se caractérisait déjà par un caractère contemplatif. Mais au moins, venait-il nous au service d’une histoire forte et riche en aventures et rebondissements. Le Messie de Dune se contente juste d’être contemplatif, sans moult péripéties à mettre sous les yeux. En un mot, il ne se passe pas grand chose. Et ce qui se passe se passe lentement, enrobé dans beaucoup de réflexions intérieures de la part des personnages. Tout cela conduit à un dénouement pas forcément très convaincant, même s’il reste assez cohérent avec ce qui a précédé. On retrouve par moment le caractère fascinant de cet univers, mais cela reste bien trop fugace pour que cela soit au final le sentiment qui domine.

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LES BONNES ÉTOILES : Soleil levant au matin calme

Les Bonnes étoiles

Prendre le meilleur du cinéma japonais et coréen pour les condenser en un seul film, voilà qui ne pouvait que ravir les amateurs de 7ème art. Les Bonnes Étoiles réalise cette synthèse En effet, il est réalisé par Hirozaku Kore-eda, un des plus grands cinéastes nippons, à qui on doit notamment Tel Père, Tel Fils ou une Affaire de Famille. Mais il a été tourné en Corée, lui permettant de bénéficier de l’incroyable vivier de grands comédiens qu’offre ce pays. Le résultat est un film tendre, flirtant entre comédie ou drame, à l’image de ce que peut être la vie telle qu’elle est vraiment vécu. Mais même quand il est aussi proche du réel, le film sait être magique.

Nuances de gris

Les Bonnes Étoiles confirme la capacité des films coréens et japonais de nous proposer des anti-héros attachants. Pourtant, on s’imagine mal se prendre d’affection pour des trafiquants d’enfants. Mais le scénario nous prouve à quel point tout n’est jamais noir ou blanc dans l’existence. L’histoire est ici tout en nuances de gris où on découvre surtout des personnages un peu perdus, cherchant leur chemin dans une existence qui ne leur a pas fait de cadeau. Le film ne tombe jamais dans la mièvrerie, même s’il dégage ce qu’on peut aisément qualifié de bons sentiments. Tout cela mène vers un dénouement lui aussi.

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OLYMPOS (Dan Simmons) : La chute des Dieux

Olympos de Dan Simmons

Après en avoir pris pour 1000 pages, vous en reprendrez bien pour 1000 pages supplémentaires ? Après Ilium, voici Olympos, deuxième partie du diptyque de Dan Simmons qui mélange, sur beaucoup de pages, vous l’aurez compris, mais avec bonheur Antiquité et science-fiction. Mais quand on aime on ne compte pas ! Reste évidemment à aimer et à entrer totalement dans cet univers exigeant où tout n’est pas toujours baigné d’une douce clarté. Le charme opère heureusement dans cette œuvre fascinante à bien des égards. Mais à d’autres, à force de se sentir perdu, le lecteur aimerait qu’il passe plus vite.

Chemins différents

Olympos, comme la plupart des romans de Dan Simmons, est un livre choral. En passant d’un chapitre à l’autre, on change de personnage principal, de lieu et d’enjeux narratifs. Si tout s’était retrouvé relié à la fin d’Ilium, les destins vont à nouveau emprunter des chemins différents. Et de la satisfaction de voir les pièces du puzzle s’assembler, on passe de nouveau à ces histoires multiples forcément inégales. Certains fils sont passionnants, d’autres quelque peu confus. Du coup, on a hâte de quitter ces derniers et de retrouver les premiers.

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