MEME LA PLUIE : Un film qui explose en vol

memelapluieafficheL’histoire se répète inlassablement. La barbarie, l’oppression, l’esclavage, autant d’horreurs que l’on voudrait tant voir appartenir définitivement au passé. Mais quand on y regarde de plus près, on s’aperçoit le plus souvent qu’ils ont simplement changé de forme. Voici la thèse défendue par Même la Pluie, un film espagnol extrêmement ambitieux. Peut-être un peu trop…

Une équipe de tournage débarque au fin fond de la Bolivie pour y réaliser un film sur l’arrivée de Christophe Colomb en Amérique et la génocide qui en découlera. Ce choix a été fait pour des raisons budgétaires car ils sont sûrs de trouver là des centaines de figurants pour un salaire dérisoire. Mais au même moment, commence un conflit entre la population locale et la société chargée de gérer la distribution d’eau. A la tête du mouvement, un des acteurs locaux clés du film. Le tournage pourra-t-il se terminer ?

Pendant deux bon tiers du film, Même la Pluie tient toute ses promesses. Le parallèle entre la situation actuelle et les faits relatés dans le film qu’ils sont en train de tourner se fait avec intelligence et très simplement. Le spectateur ne se voit imposer aucune conclusion. On passe de l’un à l’autre, à chacun de bâtir les ponts qu’il voudra. Evidemment, on sent bien vers quoi on veut nous amener, mais on est libre de faire le chemin ou pas. Bien sûr, on pourra trouver le parallèle entre la compagnie des eaux et les conquistadors un peu caricaturale et simpliste… mais ce parallèle n’est jamais fait expressément.

Malheureusement, le dernier tiers de Même la Pluie vient un peu tout gâcher. Ce qui aurait du être un moment fort et poignant ne tient pas debout. Trop de détails ne sont pas crédibles une seule seconde. Cela nuit fortement à l’intérêt de la description qui nous est faite de l’exploitation actuelle de ces population. La dénonciation est cette fois beaucoup plus directe, mais ces longues scènes d’émeutes urbaines et de violences policières n’apportent pas grand chose. Le propos perd toute subtilité et leur côté spectaculaire n’est pas assez fort pour présenter un réel intérêt à ce niveau-là. Du coup, on en vient à regretter que le film pour lequel on a payé sa place ne soit pas plutôt celui dont le tournage nous est relaté ici. Les scènes censés en être tirées qui nous sont proposées constituent au final les meilleurs moments de ce film qui se prend complètement les pieds dans un tapis qu’il a lui même tissé.

memelapluieC’est fort dommage, car, comme je l’ai dit les deux premiers tiers étaient fort prometteurs. Et ceux grâce aux trois acteurs principaux : Gael Garcia Bernal, qu’on ne présente plus, Luis Tosar, une valeur sûre du cinéma ibérique, et l’étonnant Carlos Aduviri qui tient là un premier rôle prometteur. Malheureusement, à l’image du film, leurs jeux perdent en consistance à mesure que leurs personnages perdent en crédibilité.

Iciar Bollain a donc fini par être débordé par son sujet. Elle fait preuve d’un réel talent pour les scènes « historiques » et la retranscription des tensions qui montent progressivement entre les protagonistes. Mais sa caméra semble perdu quand le rythme s’accélère et l’adrénaline monte. On pouvait pourtant attendre mieux d’un scénario signé Paul Laverty, le scénariste habituel de Ken Loach. On retrouve bien le message direct et sans fioriture que l’on retrouve chez le réalisateur britannique. Sans doute, l’alchimie ne s’est pas faite avec le tempérament latin de l’équipe artistique.

Même la Pluie n’est pas si mauvais que ça, au fond. Mais il s’agit bien d’un film raté, mal maîtrisé et donc au final très décevant.

Fiche technique :
Production : Morena films, Mandarin Cinéma, Alebrije Cine y Video, Vacafilms
Distribution : Haut et Court
Réalisation : Iciar Bollain
Scénario : Paul Laverty
Montage : Angel Hernandez Zoido
Photo : Alex Catalan
Décors : Juan Pedro de Gaspar
Son : Emilio Cortes
Musique : Alberto Iglesias
Costumes : Sonia Grande
Durée : 104 mn

Casting :
Luis Tosar : Costa
Gael Garcia Bernal : Sebastian
Juan Carlos Aduviri : Daniel, Hatuey
Karra Elejade : Anton, Christophe Colomb
Carlos Santos : Alberto, Bartolomé de la Casas

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