AU REVOIR : Le dur et austère chemin de l’exil

aurevoirafficheLe cinéma iranien est à l’honneur cette année. Le magnifique Une Séparation a reçu l’Ours d’Or au Festival de Berlin. Voici désormais, Au Revoir, prix de la mise en scène au dernier Festival de Cannes. Un film engagé qui vaut à son réalisateur un procès dont il attend aujourd’hui le verdict. Mais un film également nettement moins enthousiasmant que son prédécesseur.

Une femme iranienne vit une situation de plus en plus désespérée : elle apprend que le bébé qu’elle porte est trisomique et elle perd sa licence d’avocate, car son mari, journaliste très critique face au régime, est contraint de vivre désormais dans la clandestinité. Alors elle décide de fuir son pays. Mais le chemin de l’exil est semé d’embûches.

Au Revoir constitue un poignant témoignage sur la situation actuelle en Iran, sur les lourdeurs de cette société qui oppresse et opprime. Le récit nous fait partager à la fois le quotidien des victimes de ce régime et le désespoir causé par les difficultés d’y réchapper. Car l’Iran ne tolère pas que l’on quitte son sol, même si on est un opposant (contrairement à Cuba qui ferme facilement les yeux). On suit la jeune femme dans toutes les étapes de la préparation de sa fuite, sentant à chaque instant la présence de l’étau prêt à se refermer sur elle.

Sur le fond, l’intérêt d’Au Revoir est incontestable. Sur la forme, le film peut rebuter. Il en effet particulièrement austère. Le prix de la mise en scène reçu à Cannes montre bien qu’il y a là une vraie démarche artistique volontaire. Mohammad Rassoulof a voulu nous faire ressentir de manière visuelle la dureté de la société iranienne. En effet, ce film est tourné exclusivement en plan fixe. Jamais la caméra ne se déplace. Les plans sont généralement assez longs, jamais moins de dix secondes et souvent supérieurs à la minute.

Au Revoir est donc un film incroyablement statique. Le spectateur est ainsi enfermé par l’image, comme l’est la protagoniste principale. La sensation est étouffante, presque claustrophobique. Mais cette âpreté dans la forme rend du coup ce film particulièrement froid, car le spectateur n’est pas avec la jeune femme, mais de l’autre côté du mur constitué par l’écran. On reste en dehors de l’histoire, n’arrivant pas vraiment à tisser de lien avec elle, tout comme elle n’arrive pas à en créer avec tous ceux qui l’entourent. On ne s’attache pas vraiment, on ne ressent que trop peu ses émotions, qu’elle n’a de toute façon très peu d’occasion d’exprimer.

aurevoirAu Revoir présente donc un vrai parti-pris artistique. On peut saluer la démarche et le risque encouru. Mais peut-être aurait-il mieux fallu rendre la forme plus accessible pour mieux faire passer le message. Surtout que ce film vient peu après Une Séparation, qui traite globalement du même sujet, mais avec infiniment plus d’émotion. La déception prédomine donc quelque peu, face à ce personnage qu’on aurait souhaité aimer, au-delà de la simple compassion, mais qui reste bien trop une étrangère.

L’actrice Leyla Zareh n’aura par contre rien à se reprocher. Certes, son jeu est lui aussi très austère, mais elle arrive à porter entièrement Au Revoir sur ses épaules sans jamais faiblir une seule seconde. On espère surtout qu’elle échappera à la répression qui frappe le réalisateur et on peut imaginer le courage qu’il a fallu avoir pour interpréter ce rôle. Le même courage dont fait preuve le personnage qu’elle interprête.

Au Revoir ne laisse pas indifférent, aussi bien sur la forme que sur le fond. Mais malheureusement, ce sentiment n’est pas que positif et une mise-en-scène radicale éloigne trop un spectateur qui aurait tant voulu entrer dans ce film.

Fiche technique :
Production : Mohammad Rasoulof films
Réalisation : Mohammad Rasoulof
Scénario : Mohammad Rasoulof
Montage : Arastoo Givi
Décors : Saeid Asadi
Distribution : Pretty Pictures
Son : Hussein Mahdavi
Durée : 100 mn

Casting :
Leyla Zareh : la jeune avocate

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