
Le Capitaine Philippe Legorjus est envoyé en Nouvelle-Calédonie, avec son équipe du GIGN, suite à l’enlèvement de 30 gendarmes, retenus en otage dans un lieu inconnu. Une fois le contact établi avec les rebelles, il commence alors un travail de dialogue pour arriver à une issue pacifique. Mais y a-t-il quelqu’un pour l’écouter alors que le second tour de l’élection présidentielle est dans quelques jours ?
S’attaquer à un tel sujet est une entreprise très courageuse de la part de Matthieu Kassovitz. En effet, même quinze ans plus tard, les plaies sont encore vives, pour preuve les doutes sur la distribution de ce film sur le territoire de Nouvelle-Calédonie. La polémique fait encore rage sur le déroulé exact des évènements et les responsabilités des uns et des autres dans ce qui a constitué incontestablement un désastre humain. L’Ordre et la Morale prend clairement partie et on ne pourra pas reprocher à l’auteur de la Haine de s’être servi d’un événement tragique pour ne chercher qu’à produire un film spectaculaire. Il a souhaité délivrer un message fort. Après on peut toujours le contester, mais ce n’est sûrement pas l’objet d’une critique ciné.
Malheureusement, si on fait abstraction du sujet, L’Ordre et la Morale reste un film cinématographiquement très moyen. On passera rapidement sur le fait qu’une large partie du casting soit composée d’acteurs non professionnels. Si les kanaks s’en sortent plutôt bien, les militaires sont parfois vraiment à la limite du hors-jeu. Comédien, c’est comme soldat, c’est un métier. Mais plus globalement, ce film souffre de trop d’effets de style lourdingues, une sorte de Apocalypse Now du pauvre. On citera notamment une utilisation parfois malheureuse d’effets sonores, censés souligner le caractère dramatique de la situation, mais qui flirtent parfois avec la parodie.

Matthieu Kassovitz n’est pas que le réalisateur de l’Ordre et la Morale, il en est aussi le principal acteur. Sa performance est à l’image de son film. Il y met toute sa conviction et son énergie, mais son rôle connaît trop de faiblesses pour que la performance soit inoubliable. Les dilemmes moraux de son personnage sont au centre du scénario, mais le Colonel Legorjus reste avant tout un militaire qui obéira quoiqu’il arrive aux ordres. Jamais, on ne sent pointer en lui l’envie de révolte et du coup, le personnage paraît un peu plat.
Beaucoup des défauts de l’Ordre et la Morale tiennent à sa volonté de coller avec la réalité des évènements. Mais cette dernière n’a pas toujours le sens du rythme et la profondeur d’une bonne fiction. Du coup, il reste un film qui inspire des sentiments partagés, même si on ne pourra que saluer le courage de Matthieu Kassovitz de s’attaquer à ce sujet encore douloureux.
Distribution : UGC distribution
Réalisation : Mathieu Kassovitz
Scénario : Mathieu Kassovitz, Pierre Geller, Benoît Jaubert, Serge Frydman, d’après le livre de Philippe Legorjus
Montage : Mathieu Kassovitz, Thomas Beard, Lionel Devuyst
Photo : Marc Koninckx
Son : Yves Coméliau, Guillaume Bouchateau, Cyril Holtz, Philippe Amouroux
Musique : Klaus Badelt, Les tambours du Bronx
Durée : 136 mn
Iabe Lapacas : Alphone Dianou
Malik Zidi : JP Perrot
Alexandre Steiger : Jean Bianconi
Daniel Martin : Bernard Pons
Philippe Torreton : Christian Prouteau
Steeve Une : Samy
Sylvie Testud : Chantal Legorjus