RUTLAND PLACE (Anne Perry) : Le charme à l’anglaise opère toujours

rutlandplaceanneperryAh il s’en passe de belles dans les riches demeures du Londres de l’époque victorienne. Si vous en doutez, c’est que vous ne connaissez pas encore Anne Perry et sa série de romans policiers mettant en scène l’Inspecteur Pitt et son inénarrable femme, Charlotte. Un couple que l’on a toujours plaisir à retrouver. Un plaisir renouvelé une nouvelle fois avec ce Rutland Place.

Charlotte rend visite à sa mère qui semble étonnamment inquiète. Elle finit par avouer qu’elle vient de perdre ou de se faire voler un médaillon contenant un secret inavouable. Très vite, elles vont s’apercevoir que tout le quartier est touché par une série de disparitions d’objets personnels divers et variés. Et quand une jeune femme est retrouvée morte pour des raisons obscures, Charlotte commence à se demander si tous ces évènements ne sont pas liés.

Anne Perry se situe dans la grande tradition des romancières anglaises, filles spirituelles d’Agatha Christie. Rutland Place, comme les tomes précédents, fait forcément penser à la maman d’Hercule Poirot. Mais il y a une vraie différence entre les deux puisque l’une aimait les huis-clos dans une seule et même demeure, quand sa successeur nous fait toujours découvrir tout un quartier d’un coup. Mais les deux s’attachent à nous montrer l’hypocrisie d’un milieu où les conventions sociales étouffent totalement l’expression des sentiments, y compris les passions les plus enflammées qui peuvent conduire jusqu’au meurtre.

La grande qualité de Rutland Place repose avant tout sur la manière dont Anne Perry déroule et étoffe progressivement son intrigue qui part sur des bases très anodines. Puis les évènements visiblement sans lien se rassemblent et constituent peu à peu un corps narratif plus consistant. Ensuite, le récit se poursuit de manière beaucoup plus classique. Ce roman est donc un peu un double puzzle : un qui dessine la nature du crime, l’autre, évidemment, l’identité du coupable et ses motivations. Ainsi l’intérêt du lecteur est toujours en éveil, dans un récit qui aurait pu pourtant ressembler à tant d’autres.

Après, évidemment, Anne Perry ne produira jamais de très grande littérature. Rutland Place n’échappe pas à la règle. Cela reste du polar gentillet et divertissant, se lisant à grande vitesse, pas complètement inoubliable, mais qui permet de passer un agréable moment. Le charme de ce genre de série tient aussi dans le plaisir que l’on a à retrouver les principaux protagonistes. Le couple Pitt fonctionne toujours aussi bien, même si le ressort narratif qu’il active reste un peu toujours le même. Mais Anne Perry a la très bonne idée de moins se focaliser sur ses personnages et un peu plus sur l’intrigue. Du coup, on échappe largement à l’impression de déjà vu. De plus, ce roman peut très bien se lire, même si on n’a pas déjà parcouru les épisodes précédents de la série, même si, du coup, les héros pourront sembler décrits un peu succinctement.

La plume d’Anne Perry reste légère et agréable. Le récit est vivant, construit surtout à base de dialogue. Là aussi, on reconnaîtra la trace d’une tradition née avec Agatha Christie. Rutland Place se lit vraiment vite et il est difficile de l’imaginer comme cause première de la moindre migraine. Il nous livre une nouvelle galerie de portraits, les habitants de la rue, mais toujours de manière aussi vivante et savoureuse. Encore une fois, on retrouve un peu les mêmes archétypes que dans le reste de la série, mais le charme continue d’agir, alors on ne se plaint pas trop.

Même si l’hiver est là, Rutland Place constitue une lecture légère, parfaite pour la plage, mais qui peut aussi agrémenter une petite soirée au coin du feu… avec un bon thé… à l’anglaise.

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