THE LADY : Sous le film politque, le mélo

theladyafficheLuc Besson est un peu le Jean-Jacques Goldman du cinéma. Il écrit et produit de la bouse en tube pour les autres et garde ses éclairs de génie pour lui-même. Enfin génie est peut-être un bien grand mot, mais au moins un réel et incontestable talent. Une nouvelle preuve avec The Lady avec un sujet plutôt inattendu pour le réalisateur du Grand Bleu et du Cinquième Elément, mais un sujet plutôt maîtrisé.

Michael Aris annonce à son frère qu’il est atteint d’un cancer et n’en a plus pour longtemps. Les derniers jours de sa vie, il ne pourra les passer auprès de son épouse. Car cette dernière est San Suu Kyi, leader de l’opposition birmane et assignée à résidence dans son pays. Une femme qui voue sa vie au combat pour la démocratie. Un combat qui la pousse à tout sacrifier.

The Lady porte assez mal son nom. Ou plutôt, il passe sous silence ce qui constitue une bonne moitié de ce film. Il aurait du plutôt s’appeler The Lady and his husband. En effet, les deux personnages jouent chacun un rôle aussi important l’un que l’autre et leur relation constitue le vrai fil rouge de l’intrigue. On n’est donc pas devant le film avant tout politique auquel on s’attendait, mais aussi face à un pur mélo, combien même le contexte est quant à lui extraordinaire (au sens premier du terme).

The Lady peut décevoir si on n’accepte pas le fait de ne pas assister au spectacle attendu. Mais on peut aussi se laisser prendre dans cette histoire qui fonctionne parfaitement. L’émotion est réelle et arrachera des larmes même aux plus durs à cuire. Et puis, on apprend tout de même beaucoup de choses sur San Suu Kyi, son histoire et son combat. Le portrait est très intime, presque people diront les détracteurs, mais même les grands hommes ont une vie privée. On peut trouver regrettable de faire passer le combat contre la junte birmane au deuxième plan derrière des drames domestiques, mais le film cherche à montrer comment la petite histoire se mêle à la grande, même si c’est cette dernière que la postérité retient.

Si on se laisse totalement prendre par The Lady, il faut bien admettre que faire pleurer avec un cancer n’est pas non plus l’exploit cinématographique du siècle. Dans un autre contexte, on trouverait peut-être ça larmoyant et insupportable. L’émotion est un peu facile. Mais elle est là et bien là, alors on ne peut que saluer le talent de Luc Besson pour avoir su masquer certaines grosses ficelles qu’il emploie. Le cinéma, c’est comme la magie, il y a des trucs qui marchent à tous les coups, du moment qu’ils sont réalisés avec assez d’habileté. Après, on peut toujours jouer a posteriori les « on ne me la fait pas à moi », n’empêche que sur le moment, on y a vu que du feu !

theladyThe Lady nous rappelle aussi que Luc Besson sait tenir une caméra. On l’oublie souvent, mais ses films sont souvent visuellement très travaillés et c’est sûrement un de meilleur dans ce domaine avec Jean-Piere Jeunet au niveau de l’Hexagone. Il a opté cette fois pour la sobriété mais il alterne les scènes intimistes avec les scènes de foule avec le même bonheur. Par contre, il s’obstine à confier la bande-originale à Eric Serra, son éternel complice, qui continue à faire un tantinet dans le too much. Du coup, au lieu de porter l’émotion, elle exaspère parfois par une lourdeur superflue.

Niveau interprétation, on retiendra la métamorphose de Michelle Yeoh, qui rejoint la longue liste des acteurs mimétiques d’un personnages célèbres. Pas de prothèse ou de maquillage, juste du talent à l’état pur, comme en avait fait preuve Forest Whitaker dans le Dernier Roi d’Ecosse ou Jamie Foxx dans Ray. Mais il ne faut pas oublier David Thewlis, le Remus Lupin de Harry Potter, qui, vous l’aurez compris, n’est pas loin finalement d’occuper le rôle principal. Il contribue lui aussi à tirer le film vers le haut dans un très beau rôle.

The Lady n’est sans doute pas un grand film. Il possède certaines limites qui auraient pu être dans d’autres circonstances totalement rédhibitoires. Mais au final, le film fonctionne parfaitement et le spectateur finit par adhérer. San Suu Kyi méritait peut-être mieux, mais Luc Besson n’a sûrement pas à rougir de ce bel hommage.

Fiche technique :
Production : EuropaCorp, Left Bank Pictures, France 2 Cinéma
Distribution : EuropaCorp distribution
Réalisation : Luc Besson
Scénario : Rebecca Frayn
Montage : Julien Rey
Photo : Thierry Arbogast
Décors : Hugues Tissandier
Son : Ken Yasumoto, Didier Lozahic
Musique : Eric Serra
Costumes : Olivier Bériot
Durée : 127 mn

Casting :
Michelle Yeoh : Aung San Suu Kyi
David Thewlis : Michael Aris, Anthony Aris
Jonathan Raggett : Kim
Jonathan Woodhouse : Alex
Susan Wooldridge : Lucinda
Benedict Wong : Karma
Htun Lin : Général Ne Win

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