ALBERT NOBBS : Glenn Close pas si loin de l’Oscar

albertnobbsafficheOn a beaucoup parlé de la performance de l’extraordinaire Meryl Streep dans le très mauvais la Dame de Fer (enfin d’après ce que j’ai lu, je ne l’ai pas vu), récompensé par un Oscar visiblement mérité. Il est par contre fort regrettable que celle-ci ait éclipsé celle de Glenn Close dans Albert Nobbs, un très beau film qui est malheureusement sorti dans l’anonymat, lors d’une semaine très riche cinématographiquement.

Au XIXème siècle, Albert Nobbs est un majordome d’un hôtel de Dublin. Il est particulièrement discret, réservé, presque secret. Ceci pour une très bonne raison, il est en fait une femme qui se travestit pour travailler et survivre. Alors qu’elle semble condamnée à l’isolement, elle croise la route de Hubert, homme à tout faire, embauché pour des travaux de peinture et qui s’avère partager le même secret. Cette rencontre va la pousser à s’ouvrir et reprendre, un peu, confiance en elle.

Albert Nobbs est un film à la fois social et humain. Le premier aspect lui donne son intérêt, le second son émotion, formant un tout indivisible qui nous offre un résultat remarquable. L’histoire se focalise sur un personnage, son destin, son expérience si particulière, mais arrive par ce biais là à nous offrir un tableau très large de toute une société et de toute une époque. Cette richesse donne à ce film une dimension auquel son caractère assez sobre ne le destinait pas forcément.

Que le titre de ce film soit tout simplement le nom du personnage principal n’est évidemment pas un hasard. Il constitue avant tout le récit du destin de cette femme qui doit nier ce qu’elle est pour pouvoir survivre. Elle vit évidemment dans la crainte que son secret soit éventé, ce qui l’empêche de nouer de réelles relations avec autrui. D’ailleurs, le spectateur a un peu de mal à se connecter avec ce personnage si fermé. Puis, on suit le même chemin qu’elle et on apprend peu à peu à la connaître. A mesure qu’elle retrouve un peu d’assurance, on s’attache de plus en plus et on la soutient dans ses projets. Qu’on soit obliger d’apprendre à l’aimer ne diminue en rien l’affection qu’on lui porte, bien au contraire, il est d’autant plus solide et sincère.

Albert Nobbs nous propose également une large galerie de personnages qui constitue un vrai portrait de société. Certes, cela ressemble parfois à un catalogue d’archétypes, mais sans pour autant tomber dans le cliché. Et puis, si le film ne nous permettait pas de comprendre pourquoi cette société pouvait amener une femme à se travestir pour travailler, le propos aurait grandement perdu en intérêt et aurait eu une portée limitée. Le personnage d’Albert Nobbs n’est pas qu’un objet de curiosité, c’est avant tout le produit d’une lutte pour survivre, à une époque où la société n’aidait pas les plus faibles et où le basculement dans la misère était toujours irrémédiable.

albertnobbsAlbert Nobbs est à la fois un film historique et universel. Car si le contexte sociétal est bien daté, les sentiments sont intemporels. Le temps passe, mais beaucoup de gens sont encore obligés de cacher ce qu’ils sont pour avoir droit à une chance de réussir. Le poids du regard des autres joue un rôle très important dans ce film d’une remarquable intelligence et d’une grande sensibilité. On ne peut qu’être touché par cette histoire subtile, parfois surprenante, qui arrive à créer une vraie tension narrative. Jamais le film ne sombre dans la facilité et ne devient cousu de fil blanc. Jusque dans les dernières minutes, on se demande où va nous mener l’intrigue.

Albert Nobbs permet surtout de mesure l’immense talent de Glenn Close. Cette grande dame du cinéma n’en est pas à son premier grand rôle, mais celui-ci occupera à n’en pas douter une place spéciale dans sa carrière. Elle y est absolument extraordinaire et si l’Oscar lui avait été accordé, cela aurait été tout autant mérité. Du coup, elle éclipse quelque peu le reste du casting, même si on retiendra la nouvelle très belle performance de Mia Wasiwoska (la Alice de Tim Burton) et Janet McTeer, remarquable pour une actrice qui avait pour l’instant essentiellement jouer des seconds rôles dans des séries.

Albert Nobbs est donc un des tous meilleurs films de ce premier trimestre cinématographique. On peut vraiment regretter la discrétion de sa sortie, alors que cette histoire terriblement émouvante pourra en séduire plus d’un.

Fiche technique :
Production : Chrysalis Films, Mockingbird Pictures, Parallel Film prod., WestEnd Films
Distribution : Chrysalis Films
Réalisation : Rodrigo Garcia
Scénario : Glenn Close, John Banville, Gabrielle Prekop, Istvan Szabo, d’après George Moore
Montage : Steven Weisberg
Photo : Michael McDonaough
Décors : Patrizia von Brandenstein
Musique : Brian Byrne
Durée : 113 mn

Casting :
Glenn Close : Albert Nobbs
Mia Wasikowska : Helen
Brendan Gleeson : Dr. Holloran
Jonatha Rhys Meyers : Vicomte Yarrell
Aaron Johnson : Joe
Brenda Fricker : Polly
Janet McTeer : Hubert Page

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *