FISH AND CHIPS : Intolérance sans frontière

fishandchipsafficheLes années 90 ont été une sorte d’âge d’or pour les comédies sociales anglaises. La plus célèbre d’entre elles fut The Full Monty, mais le cinéma d’Outre-Manche nous a livré bien d’autres petites pépites. Parmi elles, Fish and Chips, sorti en 1999, que je me rappelle avoir vu dans un cinéma caennais, inondé quelques jours plus tôt et dont les sièges n’étaient pas tout à fait sec… Bon ok, l’anecdote n’a aucun intérêt, mais pourquoi dire toujours des choses intéressantes…

George Khan vit en Angleterre depuis 30 ans désormais. Il a épousé une Anglaise qui lui a donné 7 enfants. Il tient un petit restaurant et est fier de sa réussite. Il est aussi fier d’être Pakistanais et musulman, malgré l’exil. Il rêve d’élever sa progéniture dans le pur respect de la tradition. Mais le jour de son mariage, arrangé comme il se doit, son aîné s’enfuit. Ce dernier est alors mort aux yeux de son père, qui compte bien se rattraper avec les six autres. Mais cela sera-t-il possible quand eux se sentent Anglais et ont un fort désir de liberté ?

Ce qu’il y a de formidable dans ce genre de film, et celui-ci en particulier, c’est la manière dont ils arrivent à mêler humour et sujets très sérieux, voire graves. Immigration, intégration, racisme, voilà qui prête rarement à sourire. Mais Fish and Chips réussit à nous montrer la réalité sans l’édulcorer, tout en nous faisant rire aux éclats à plusieurs reprises. A la fois, on reste dans la mise en avant des travers humains et, avec du recul, ils restent le plus souvent risibles.

Mais le plus grand mérite de Fish and Chips est d’éviter, et de très loin, tout manichéisme. Il n’y a ni bons, ni méchants. On est plus dans « United Color of Bande de Cons ». Les personnages négatifs ne sont pas jugés, même si on prend évidemment parti pour les victimes de leur intransigeance. Le film n’élude rien, ne fait sûrement pas preuve d’angélisme. Le film porte évidemment un appel à la tolérance, mais ce n’est pas pour autant qu’il s’achève dans un happy end où tout le monde s’aime dans le pays des Bisounours. Il est des fossés qui ne peuvent se refermer le temps d’une vie, l’espoir ne pouvant venir que des générations futures.

Voilà pour le fond ! Mais Fish and Chips s’apprécie surtout parce qu’il est drôle. L’humour reste largement situationnel, mais certaines répliques, certaines péripéties arrachent de vrais éclats de rire. On est clairement pas dans l’idée d’un gag toutes les deux secondes, mais le film nous propose vraiment tous les degrés d’humour, avec toujours la même réussite. Cela ne masque pas, cela n’édulcore pas du tout le fond des problèmes qui sont traités ici. Au final, ce mélange se révèle particulièrement savoureux. Bien meilleur que la cuisine anglaise en tout cas…

fishandchipsVisuellement, notamment au niveau de sa photographie, Fish and Chips est assez daté. Mais cela n’enlève rien à l’intelligence de la mise en scène qui donne à ce film son rythme et son caractère percutant. On peut vraiment regretter que Damien O’Donell n’ait rien fait d’autre de marquant. C’est même relativement incompréhensible. Mais bon, beaucoup de réalisateurs aimeraient réaliser ne serait-ce qu’un seul film de cette qualité.

Fish and Chips est une des multiples manifestations du réservoir incroyable de talents du cinéma britannique. L’interprétation est tout simplement remarquable, bien que le casting ne soit composé que d’acteurs que l’on a très peu vu par ailleurs. Seuls Om Puri et Archie Panjabi ont tenu quelques seconds rôles dans des films ou des séries. Cela n’enlève rien au talent de l’ensemble des comédiens qui contribuent largement à faire de ce film un classique du genre.

Fish and Chips est donc un film à voir et revoir, pour son humour, mais aussi pour les sujets qu’il aborde et qui sont toujours bien d’actualité.

Fiche technique :
Titre original : East Is East
Réalisateur : Damien O’Donnell
Scénario : Ayub Khan-Din d’après sa pièce
Dialogues : Ayub Khan-Din
Musique : Deborah Mollison
Direction artistique : Henry Harris
Costume : Lorna Marie Mugan
Photographie : Brian Tufano
Montage : Michael Parker
Production : Stephanie Guerrasio, Shellie Smith, Leslee Udwin et Alan J. Wands
Durée : 97 minutes

Casting :
Om Puri : George Khan
Linda Bassett : Ella Khan
Jordan Routledge : Sajid Khan
Archie Panjabi : Meenah Khan
Emil Marwa : Maneer Khan
Chris Bisson : Saleem Khan
Jimi Mistry : Tariq Khan
Raji James : Abdul Khan
Ian Aspinall : Nazir Khan
Lesley Nicol : Tante Annie

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