Les Palmes d’Or divisent souvent critiques et spectateurs. En effet, l’esprit du Festival de Cannes est de récompenser un film qui ne laisse pas indifférent. Personnellement, autant j’ai détesté Oncle Boonme, primé en 2010, autant j’avais succombé devant la beauté de The Tree of Life, ayant remporté le prix suprême l’année dernière. Cette année, le vainqueur, Amour, possède lui aussi ses admirateurs et ses détracteurs. Y compris au sein de moi-même…
Georges et Anne ont un peu plus de 80 ans et profitent de leurs vieux jours. Un matin, elle a une absence de quelques minutes, signe d’une première attaque. D’autres suivront l’enfonçant chaque fois un peu plus dans la paralysie physique puis intellectuelle. Lui, reste à ses côtés et tient la promesse qui lui a faite de la maintenir à domicile. Mais comment supporter voir celle avec qui on a vécu toute son existence sombrer dans un tel déclin de plus en plus humiliant ?
Amour est un film extrêmement fort. Comme à son habitude, Michael Haneke nous offre une oeuvre qui pourrait sembler épurée, mais qui est en fait méticuleusement construits. Encore une fois, il nous montre les évènements d’une manière crue, froide et sans réelle distanciation. On ne voit pas ce film, on y est confronté de manière directe et violente. On ne peut échapper à la déferlante d’émotion et de sentiments qui affluent de manière particulièrement intense.
Pour ces raisons, Amour est un film magnifique. Il nous montre ce que notre société cache encore, alors que le vieillissement de la population rend ce genre de situation de plus en plus fréquente. Seuls le troisième âge bien portant et dynamique a droit de citer dans les médias. Mais on sait que vieillir n’est pas toujours un doux voyage. Alors qu’on parle de beaucoup de la dépendance dans les journaux du fait de son coût qu’il faut désormais financer, on y voit rarement de personnes dépendantes. Tabou d’une époque parfois schizophrénique. Un tabou que cherche à briser Michael Haneke dans une entreprise salutaire. Il s’agit aussi d’une magnifique histoire d’amour, l’amour qui dure toute la vie, malgré tout, jusqu’au bout.
Pour ces raisons, Amour est aussi un film détestable. Encore une fois, Michael Haneke confond cinéma et voyeurisme. Il n’a aucun recul sur son sujet. Il montre certes, mais ne dit rien. Il dérange pour déranger, sans chercher à faire passer le moindre message. Le propos est au final malsain, oubliant de mettre en avant que l’horreur de la situation vient aussi du choix envers et contre tout du maintien à domicile. Les hôpitaux ne sont pas là que pour cacher les malades au reste de la société, mais aussi pour soigner et soulager.
Cette dualité est renforcée par un dénouement qui pousse à son paroxysme ce que véhicule Amour. Il est peu probable que vous entendiez la moindre mouche voler dans la salle à ce moment là. Ce film est de ceux où le silence reste encore pesant lorsque la lumière se rallume. Chaque spectateur est encore KO, incapable de sortir assez vite de l’histoire pour simplement parler à son voisin. Un film qui marque, quelque soit le sentiment qui vous habite après l’avoir vu.
Cependant, il est une chose qui fait l’unanimité à propos de Amour : la qualité de son interprétation. Pourtant, pendant les premières minutes, le jeu du couple Jean-Louis Trintignant et Emmanuelle Riva est un peu hésitant, un peu trop théâtral pour du cinéma. Mais au fur et à mesure, ils se mettent à habiter leur personnage, à sublimer leur émotions et à les transmettre avec une force incroyable au spectateur. Deux rôles différents, mais tout aussi difficiles et qui resteront parmi les plus marquants de leurs longues carrières.
Je ne sais donc toujours pas vraiment si Amour est un des plus beaux films que je n’ai jamais vus ou bien un des plus détestables. Mais l’idée même de ce débat montre que nous sommes quand même là devant un grand moment de cinéma qui ne peut laisser personne indifférent.
Fiche technique :
Production : Les films du Losange, XFilmen Wega Film, France 3 Cinéma, ARD Degeto, Canal +
Réalisation : Michael Haneke
Scénario : Michael Haneke
Montage : Monika Willi, Nadine Muse
Photo : Darius Khondji
Décors : Jean-Vincent Puzos
Distribution : Les films du Losange
Son : Guillaume Sciamma, Jean-Pierre Laforce
Durée : 127 mn
Casting :
Jean-Louis Trintignant : Georges
Emmanuelle Riva : Anne
Isabelle Huppert : Eva
Alexandre Tharaud : Alexandre
Ramon Agirre : Le concierge
Rita Blanco : la concierge
William Shimmell : Geoff
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