Après en avoir entendu tant de bien, j’ai enfin vu les Neiges du Kilimandjaro à l’occasion de son passage sur Canal. Un film qui m’aura particulièrement parlé puisqu’il parle d’engagement politico-syndical et de l’indifférence, voire de l’hostilité, de ceux que l’on s’évertue à défendre. Bon, le film parle aussi d’amour, mais comme je l’ai vu deux heures après une rupture, cet aspect m’a quand même moins marqué sur le coup… (3615 ma vie vous intéresse…).
Michel est délégué syndical dans une entreprise où un tirage au sort doit désigner les 20 salariés qui seront licenciés. Ils refusent de ne pas mettre son nom dans l’urne et se retrouve dans le lot des mis à la porte. Avec sa femme, Marie-Claire, ils organisent une fête pour leur anniversaire de mariage où il invite ceux qui ont partagé son sort. A cette occasion, il reçoit de la part de ses amis deux billets pour se rendre en Tanzanie et une jolie cagnotte. Quelques jours plus tard, deux hommes cagoulés et armés surgissent chez eux pour leur dérober l’argent et les billets. Une expérience traumatisante. Surtout quand Michel découvre fortuitement que l’un de ses agresseurs est un de ses anciens collègues licenciés.
Les Neiges du Kilimandjaro est incontestablement un beau film. Il dit des choses profondes sur un fil narratif assez solide et épais pour que l’on ne s’ennuie pas une seconde. Certes, ce n’est pas non plus 24h Chrono, mais il y a un début, une fin, des rebondissements et un désir du spectateur de savoir où tout cela va nous mener. Une vraie réussite donc pour Robert Guédiguian qui n’a décidément pas son pareil pour filmer Marseille et les Marseillais.
Les Neiges du Kilimandjaro pose de vraies questions : Suis-je coupable si j’échoue alors que je suis le seul à essayer ? Jusqu’où peut aller l’altruisme et l’engagement ? Faut-il défendre à tout prix quelqu’un qui ne vous rend qu’indifférence et mépris ? La réflexion va bien au-delà du simple engagement syndicaliste. Ce n’est pas un film politique, c’est un film profondément humain, sans être pour autant contemplatif. Encore une fois, tout passer par une intrigue qui ne cesse jamais d’avancer.
Les Neiges du Kilimandjaro nous parle aussi de la famille, de l’amour et de l’amitié. C’est un prolongement des aspects dont je viens de parler plus haut, mais constitue tout de même un sujet bien distinct. Là encore, Robert Guédiguian ne tombe pas dans une vision simpliste et trop caricaturale du choc entre une génération poste 68 qui a vraiment essayé de changer le monde et une nouvelle plus indifférente et individualiste. Dans ce film, chacun se remet en question, sans pour autant que tout se termine dans la concorde générale. Il nous parle surtout du temps qui passe et qui ébranle aussi bien les convictions que la solidité des sentiments amoureux et amicaux.
Les Neiges du Kilimandjaro est donc un film riche et agréable à suivre. Visuellement, Robert Guédiguian reste un réalisateur classique et sobre. Il est au service de ses acteurs dont il sait parfaitement mettre en valeur le jeu. Mais il sait aussi mettre en valeur ses décors et la région de Marseille qui aura constitué la toile de fond de toute son œuvre.
Les Neiges du Kilimandjaro bénéficie d’un beau casting avec un couple Jean-Pierre Daroussin et Ariane Ascaride très convaincant. Tourner avec de tels acteurs, ce n’est pas prendre beaucoup de risque, mais on peut quand même saluer la direction impeccable de Robert Guédiguian. Ce film a aussi la confirmation du talent Grégoire Leprince-Rinquet, révélé par les Chansons d’Amour et qu’on avait aussi remarqué dans la Princesse de Montpensier.
Les Neiges du Kilimandjaro nous offre donc du fond et une belle histoire. Deux bonnes raisons d’apprécier ce film très réussi.
Fiche technique :
Production : Agat films & Cie, France 3 Cinéma, la Friche Belle de Mai
Réalisation : Robert Guédiguian
Scénario : Robert Guédiguian, Jean-Louis Milesi
Montage : Bernard Sasia
Photo : Pierre Milon
Décors : Michel Vandestien
Distribution : Diaphana
Son : Laurent Lafran
Durée : 107 mn
Casting :
Jean-Pierre Darroussin : Michel
Ariane Ascaride : Marie-Claire
Gérard Meylan : Raoul
Marilyne Canto : Denise
Grégoire Leprince-Ringuet : Christophe
Anaïs Demoustier : Flo
Adrien Jolivet : Gilles
Robinson Stévenin : Le commissaire
Karole Richer : la mère de Christophe