WADJDA et SYNGUE SABOUR – PIERRE DE PATIENCE : Combats de femmes

Le hasard du calendrier et de la programmation cinématographique m’a conduit à voir dans la même soirée deux films assez proches par leur sujet : Wadjda et Syngué Sabour – Pierre de Patience. Deux films sur la condition féminine dans deux pays dont ce n’est pas vraiment le point fort, à savoir l’Arabie Saoudite et l’Afghanistan. Deux très beaux films surtout, très émouvants, même si l’un m’a plus convaincu que l’autre.

wadjdaafficheWadjda est déjà un événement en soi puisqu’il s’agit du premier film tourné en Arabie Saoudite, un pays où il n’y a aucune salle de cinéma. Un film qui plus est réalisé par une femme, Haifa Al Mansour, et qui traite forcément de sujets assez tabous. Une histoire simple, celle d’une jeune fille qui a l’aube de l’adolescence ne rêve que d’une seule chose : avoir un vélo. Mais dans une société d’une telle lourdeur, aussi oppressante pour les femmes, cela tourne vite à l’aventure qui va demander beaucoup de courage et d’entêtement.

Wadjda rejoint la démarche de Une Séparation, le film iranien qui a séduit le monde entier l’année dernière. Il ne s’agit pas d’un film revendicatif ou porteur d’un message contestataire flagrant. Non, il nous montre la société saoudienne telle qu’elle est, sans rien qui puisse être frappé par la censure. Mais il nous la montre avec un rien d’ironie qui en souligne son absurdité parfois totale. Pas la peine d’en rajouter, le quotidien se suffit à lui-même pour délivrer un message fort. Une démonstration brillante qui amène le spectateur à sourire, tout en mesurant toute l’horreur de cette oppression.

wadjdaWadjda n’est jamais frappé de lourdeur grâce notamment à son remarquable personnage principal. Cette jeune fille espiègle, un rien rebelle et surtout terriblement têtue délivre à elle seule un formidable message d’espoir. La tendresse que l’on ressent immédiatement pour elle nous fait rentrer dans l’histoire et surtout apporte un vrai rayon de soleil dans une société qui en manque tant. Le film n’est donc jamais déprimant et l’on en sort avec une petite part de l’énergie déployée par la jeune fille pour accéder au vélo de ses rêves. Un grand bravo donc à Waad Mohammed qui lui donne vie.

synguesabourafficheSyngué Sabour – Pierre de Patience est quant à lui l’adaptation par l’auteur elle-même du Prix Goncourt 2008. Une histoire qui nous emmène en Afghanistan, où la guerre vient de commencer, à la rencontre d’une femme qui veille son mari, un taliban, plongé dans le coma depuis quelques jours. Devant cet homme à la fois si familier et étranger, immobile et silencieux, elle va libérer sa propre parole, lui dire enfin ce qu’elle peut ressentir et par la même se libérer le corps et l’esprit.

Syngué Sabour – Pierre de Patience est donc un monologue face à un personnage immobile, sous forme d’un huis-clos dans une pièce assez réduite. On peut reconnaître un grand mérite à Atiq Rahimi pour avoir tout de même réussi à nous livrer un vrai film, grâce à quelques flashbacks, mais surtout une caméra jamais statique. Mais forcément elle se heurte aux limites de l’exercice et d’un point de vue purement artistique, le résultat est parfois à l’étroit. Ceci n’enlève rien à l’intérêt du propos, même si tout cela nous mène à une fin que l’on voit venir d’un peu trop loin.

Cependant, on ne peut que saluer la prestation de Golshifteh Farahani sur les épaules de laquelle repose une grande partie du film et qui s’en sort magistralement. Et je ne dis pas ça que parce qu’elle est incroyablement belle. L’émotion ne pouvait passer que par elle et elle parvient parfaitement à nous la transmettre. C’est en grande partie grâce à elle que Syngé Sabour – Pierre de Patience constitue tout de même globalement une belle réussite. 

WADJDA :
Production : Razor Film
Distribution : Pretty pictures
Réalisation : Haifaa Al Mansour
Scénario : Haifaa Al Mansour
Montage : Andreas Wodraschke
Photo : Lutz Reitemeier
Décors : Thomas Molt
Son : Sebastian Schmidt
Durée : 97 mn

Casting :
Reem Abdullah : La mère
Waad Mohammed : Wadjda
Abdullrahman Al Gohani : Abdallah
Ahd : Mme Hussa
Sultan Al Assaf : le père

SYNGUE SABOUR – PIERRE DE PATIENCE
Production : Studio 37, The Film, Razor Film, Corniche, Arte France Cinéma, Jahan-E-Honar Productions
Distribution : Le Pacte
Réalisation : Atiq Rahimi
Scénario : Atiq Rahimi, Jean-Claude Carrière d’après le roman d’Atiq Rahimi
Montage : Hervé De Luze
Photo : Thierry Arbogast
Décors : Erwin Prib
Son : Dana Farnzanehpour, Noemi Hampel, Lars Ginzel
Musique : Max Richter
Durée : 102 mn

Casting :
Golshifteh Farahani : La femme
Hamidreza Javdan : L’homme
Massi Mrowat : Le jeune soldat
Hassina Burgan : La tante

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