LOINTAIN SOUVENIR DE LA PEAU (Russel Banks) : A 760 mètres de l’humanité

lointainsouvenirdelapeauIl y a bien longtemps que je n’avais pas été aussi enthousiaste à propos d’un livre. Non que Lointain Souvenir de la Peau soit sans défaut, mais il traite de manière remarquable d’un sujet auquel peu aurait osé s’attaquer. Il nous plonge en effet dans le monde des délinquants sexuels qui aux Etats-Unis sont souvent condamnés à demeurer à plus de 760 mètres de toute école ou terrain de jeu. Or, dans un espace urbain, cela les condamne à vivre entre eux dans les rares endroits répondant à ces critères.

Le personnage principal n’a rien d’un prédateur et tient plutôt du pauvre type. L’équilibre était difficile à trouver tant ce genre d’acte n’incite pas à l’empathie. Il fallait faire preuve d’une infinie subtilité pour nous faire aimer quelqu’un à propos duquel le terme d’antihéros est un doux euphémisme. Le Kid, c’est son nom, n’est présenté ni comme une victime, ni comme un coupable. Lointain Souvenir de la Peau illustre justement la complexité réelle d’une situation qu’on aurait vite fait de repeindre en noir et blanc.

Russel Banks est un véritable auteur militant. Son œuvre a toujours constitué un moyen pour délivrer un message, dénoncer, pointer les absurdités et les injustices. Lointain Souvenir de la Peau est évidemment une réaction à cette société où l’on construit de minuscules terrains de jeu juste pour empêcher des condamnés à vivre à proximité, sans se préoccuper une seule seconde des implications d’un système aussi binaire. Mais ce livre a l’immense mérite de ne juger personne, de ne pas donner de leçon, mais cherche simplement à enrichir la réflexion du lecteur.

Lointain Souvenir de la Peau est surtout remarquablement bien écrit. Le style de Russel Banks est fluide et vivant et c’est un vrai plaisir de se laisser imprégner par ses mots. Le récit nous est livré à travers différents points de vue, différents modes de narration. Mais ces techniques sont toujours employées à bon escient, pour souligner le propos et non simplement pour la frime ou l’originalité. Le seul vrai reproche que je formulerais à propos de ce roman est peut-être un dénouement qui n’est pas au niveau du reste, comme si l’auteur n’avait pas vraiment su comment conclure.

Lointain Souvenir de la Peau nous montre donc à quel point l’humanité est capable du meilleur comme le pire, sans qu’il soit toujours facile de savoir de quel côté on se situe. Mais une chose est sûre, ce roman fait partie du meilleur.

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