LE CONGRES, LE PARTI SOCIALISTE ET MOI…

congrespoitiersCela fait un moment que je n’ai pas écrit un billet dans cette rubrique de mon blog. Pourtant, le parti où je milite vient de traverser le moment qui se prête le plus aux analyses et aux commentaires sur sa propre action. Un congrès est une séquence longue qui aura occupé les militants socialistes pendant près de trois mois et qui vient à peine de s’achever avec la constitution des listes pour les Régionales, qui ont largement découlé du résultat des différentes élections internes.

Ce moment de militantisme intense prend évidemment beaucoup de temps… ce qui en laisse d’autant moins pour s’amuser à discourir sur le net. De plus, les affaires internes au PS ne concernent que ses militants et ont déjà trop tendance à s’étaler en dehors pour ne pas en rajouter une couche. En m’inscrivant dans une organisation collective, j’en accepte les règles du jeu et je serai publiquement solidaire de ce qui ressort de ce moment somme toute démocratique, même si le résultat n’est pas celui que j’escomptais. Que ça soit localement ou nationalement. Ceci explique donc mon silence pendant tout ce temps.

Je ne vais donc pas rentrer dans les détails de tout ce à quoi j’ai pu assister pendant ces trois derniers mois. C’était la première fois que je suis autant impliqué dans une telle séquence, c’était la première fois que je me rendais physiquement à un congrès national, j’aurais donc beaucoup à dire sur la manière dont tout cela s’est passé, sur le microcosme politique en général et la manière dont se forment les élites politiques de notre pays. S’il me restait une once d’illusion idéaliste sur ce milieu, je l’ai définitivement perdue. Il me serait donc particulièrement facile de me lancer dans une diatribe contre ces hautes sphères qui ne se soucient guère du brave militant de terrain que je suis, et encore moins du peuple. Je pourrais sombrer dans l’aigreur et le mépris, charger le « système » et ceux qui le font vivre de toutes les fautes, de l’entière responsabilité de tous les malheurs du monde et de toutes les injustices. Mais je laisse ça à d’autres qui le font bien mieux que moi.

Un congrès devrait être un moment d’introspection pour chaque composante du Parti Socialiste. Du 1er secrétaire national au militant de base. Mais ce qui m’a frappé, c’est l’incapacité chronique de chacun à faire son propre bilan avant de faire celui, forcément mauvais, des niveaux supérieurs. Evidemment, cela n’a rien de spécifiquement socialiste, cela se vérifie dans à peu près toute organisation humaine pyramidale. Cela traduit à mon sens une perte du sens collectif que je ressens à tous les niveaux et dont j’ai déjà maintes fois parlé. Personne n’est plus responsable de rien, ne veut surtout pas l’être, mais ne se privera pas d’exprimer son mécontentement à la première décision qui lui déplaît. En tant qu’élu local, je le ressens au travers de l’indifférence décourageante de la population qui ne porte aucun intérêt aux sujets de fond, mais se mobilisera contre le premier immeuble construit en face de chez eux.

Si on en revient au congrès du PS, tout cela donne naissance à la figure du « saint militant », que personne n’osera jamais critiquer, tout comme aucun homme politique ne dira plus jamais « les Français sont de veaux ». Et comme la base ne s’adonne que très difficilement à l’autocritique cela aboutit à des analyses très incomplètes, pour ne pas dire creuses. Le Parti Socialiste ne va pas très bien, il serait difficile de le nier, mais non, ce n’est pas que la faute de François Hollande et de Solférino. La base dont je fais partie est loin d’être exempte de tout reproche, mais comme cette dernière se pose en victime permanente, il est quasi impossible de lui faire admettre quoique ce soit et encore moins de l’inviter à changer.

Ma première réunion de section a suivi directement l’élection de Nicolas Sarkozy, élément déclencheur de mon adhésion. Je me revois encore très bien écouter, un peu intimidé, mes camarades se livrer chacun à leur tour à leur analyse de la défaite. Je me rappelle surtout très bien m’être demandé de quoi ils parlaient… En effet, les discours étaient souvent ceux de militants analysant tout par le prisme de problèmes internes au Parti ayant eu un impact somme toute limité sur l’opinion. Les raisons profondes et réelles de cet échec ne furent que peu présentes dans la discussion. 8 ans après, j’espère avoir conservé la capacité à sortir d’une vision du monde déformée par une pratique militante, qui devient par la force des choses une part importante de son existence. Je n’ai absolument pas la prétention de toujours y arriver et je n’ai donc aucune envie de me poser en donneur de leçons.

Cependant, depuis lors, je me bats auprès de mes camarades pour qu’à mon niveau, au sein de mon parti, nous évitions de tomber dans le piège de cette déconnexion d’avec le monde réel… ou du moins du monde tel qu’il est vécu par la majorité de la population (et même de la seule population de gauche) qui n’est pas adhérente du Parti Socialiste. Pourtant, combien de fois, ai-je entendu un de mes camarades lancer ce reproche aux dirigeants de notre parti, sans considérer une seule seconde que ce travers existe déjà chez lui ? Je me bats pour que l’on arrête de considérer que la distribution de tracts au marché constitue l’alpha et l’oméga du militantisme politique. Je me bats pour que l’on ne sombre jamais dans l’autosatisfaction et l’irresponsabilité.

Ce congrès du Parti Socialiste a été l’occasion pour beaucoup de ses membres de commenter en long et large et en travers, en bien ou en mal, l’action de François Hollande et de ses gouvernements depuis son élection. Personne n’osera dire que le bilan est merveilleux, tout le monde s’accordera sur les erreurs, les manques, les échecs. Mais moi, en tant que militant de base, en tant que simple conseiller municipal, ai-je moi-même réussi la première partie de ce quinquennat ? Je n’en suis pas si sûr. Et cette question, chaque militant devrait se la poser, si ce n’est chaque personne se sentant un minimum appartenir au peuple de gauche.

Alors que le quinquennat était à peine entamé, le peuple de gauche a vu se lever au moment du vote sur le Mariage pour Tous avec une force considérable un peuple réactionnaire que l’on imaginait en voie d’extinction. Et le moins que l’on puisse dire c’est que le peuple de gauche s’est fait laminer face à ce déluge de haine et d’intolérance. Bien sûr, il est facile de dire qu’il fallait faire autrement, qu’Harlem Désir n’avait pas les épaules pour faire du parti la courroie de transmission d’une vaste mobilisation. Mais chacun de nous, qu’avons-nous fait ?

Je suis élu d’un territoire où se situe le cœur de ce mouvement réactionnaire. J’aurais pu être en première ligne, alors que ma ville était recouverte d’affiches abjectes. J’aurais pu m’exprimer quand le Maire de Viroflay, dont je suis le premier adversaire, s’est exprimé à l’occasion de ses vœux à la population et dans le journal municipal pour affirmer son opposition à la loi Taubira. J’aurais pu faire entendre ma voix quand le monde entier a vu Viroflay recouvert de drapeaux de la Manif pour Tous lors du passage du Tour de France. Au-lieu de ça, j’étais seul à pleurer de honte devant ma télévision. Honte pour ma ville, mais aussi honte de moi. Parce que j’ai choisi la voie de la lâcheté, quand, en accord avec les camarades de ma section, nous avons choisi de ne rien faire, prétendument pour ne pas jeter de l’huile sur le feu… Ne nous voilons pas la face, j’avais juste peur de me faire emmerder, insulter ou pire encore par un des crétins qui peuplent ma ville.

A quelques kilomètres de là, Erwan Binet, le rapporteur de la loi à l’Assemblée, n’a pas eu peur lui. Il s’est retrouvé nez à nez face à des opposants particulièrement agressifs à l’occasion d’un débat qui n’a, du coup, jamais eu lieu. Il ne s’est pas défilé, il n’a pas reculé. Il a beau être député, avoir un parcours d’apparatchik, faire partie de cette élite sur laquelle il serait facile de cracher, il a fait preuve du courage qui m’a manqué.

Et où étions-nous, militants de terrain, quand Marisol Touraine se battait seul contre les médecins, la droite et, avouons-le, une partie de son propre camps pour imposer le tiers-payant ? Où sommes-nous pour défendre la réforme du collège ? J’aurais aimé que le congrès de Poitiers servent aussi à répondre à ces questions. Mais faudrait-il encore que ceux sont à même d’apporter une réponse, c’est à dire tous les militants de base et les secrétaires de section daignent un jour eux aussi se remettre parfois en question…

Mais si j’espère que les militants socialistes soient les premiers à le faire, je ne désespère pas que demain, ce soit enfin tous les citoyens qui se décident à mener cette réflexion… Parce que de la base au sommet, un militant socialiste a au moins eu le mérite un jour de quitter la passivité dans laquelle l’immense majorité se complet. Peut-être que ce jour viendra où les actes remplaceront la litanie des complaintes. Comme quoi, il me reste encore peut-être quelques illusions…

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