DE LA DEMOCRATIE… PARTIE 1

democratieOn a beaucoup parlé démocratie ces dernières semaines et encore plus ces derniers jours, entre Nuit Debout et le 49-3. Comme tous les sujets qui font la une des réseaux sociaux, cela a donné lieu à son lot d’outrages, d’approximations et de mauvaise foi, à côté évidemment aussi de réflexions de fonds et beaucoup de traits d’humour savoureux. Cependant, il apparaît clairement que la démocratie fait partie de ces notions qui semblent assez simples pour être une valeur absolue manichéenne. Une décision, un processus est démocratique ou pas, noir ou blanc, sans gris… Et pourtant…

Pour vous en convaincre, un petit test. Comment choisir démocratiquement un nombre entre un et cinq ? Vous avez une idée ? Elle vous paraît simple et incontestable ? Si elle est mise en œuvre, vous êtes sûr que personne n’attaquera la décision ? Et bien ne soyez pas si sûr de vous !

La première idée est que chacun donne un chiffre et que l’on fasse la moyenne des résultats. Voilà une technique absolument incontestable qui fera l’unanimité… Sauf qu’au lieu de la moyenne, on peut également utiliser la médiane que certains trouveront beaucoup plus juste.

On peut imaginer tout aussi bien une procédure de vote. Plusieurs sont envisageables. Un scrutin à un tour où le chiffre qui remporte le plus de vote l’emporte. Un scrutin majoritaire à deux tours, où à l’issue du premier on ne garde pour un second tour que les deux qui ont reçu le plus de suffrages (avec comme variante possibilité de triangulaire en fixant un seuil minimal pour la qualification pour le second tour). Enfin, il reste le système où à chaque tour, on élimine celui qui a reçu le moins de voix et on continue tant qu’un chiffre n’a pas reçu la majorité absolue.

Enfin, on peut imaginer des systèmes indirects. On vote d’abord pour un chef, puis pour des représentants. Le chef sera chargé de proposer un chiffre que les représentants valideront ou non. Ou bien, sans savoir besoin d’élire de chef, ce sont les représentants qui s’appliquent une des procédures citées plus haut.

Tous ces systèmes sont démocratiques. Aucun ne peut se targuer de l’être plus qu’un autre. Le bon sens voudrait donc qu’ils convergent tous vers le même résultat. Et pourtant…

Imaginons un collège des dix électeurs. 4 préfèrent le 1, 2 le 2, aucun le 3, 1 le 4 et 3 le 5….

Si on applique un des systèmes précédents, avec les procédures à un tour cela donne :
-pour la moyenne, le 3 est élu
-pour la médiane, le 2 est élu
-pour le scrutin majoritaire à un tour, le 1 est élu…

Pour les autres systèmes, on peut imaginer très facilement des scénarios où le 4 ou le 5 sont élus…

Le plus étonnant est de se dire qu’une procédure parfaitement démocratique donnerait un résultat qui aurait pourtant été crédité de 0% dans les sondages.

Ce petit exercice permet surtout d’aboutir à une conclusion : quand la question n’est pas binaire (c’est à dire de type oui/non), il n’existe pas une procédure démocratique pour la trancher… Cela ne veut pas dire qu’il n’en existe aucune, mais bien qu’il en existe plusieurs parmi lesquelles il faut choisir et qui donneront des résultats différents.

Je suis moi-même surpris par ce résultat…puisque je ne l’avais pas du tout en tête lorsque j’ai eu l’idée d’écrire un billet sur le sujet. J’ai découvert ce résultat en voulant illustrer ma pensée par un exemple sans penser arriver à une telle conclusion.

Comment définir la démocratie alors ? Elle se définit non par ses règles, mais par le fait que les règles sont connues et fixes et qu’elles impliquent à un moment ou l’autre l’ensemble du corps électoral.

On mesure ici l’importance d’une Constitution dans une démocratie. Elle définit les règles du jeux et donc son respect définit à lui seul l’aspect démocratique d’une décision.

Le 49-3, inscrit dans la Constitution, n’est donc pas un acte anti-démocratique, combien même on peut regretter son usage ou son inscription dans la règle du jeu.

Surtout, à moins de considérer que « quelle réforme voulez-vous pour le code du travail ?» soit une question binaire, voir un projet qui ne recueille que 30% d’opinion favorable être adopté ne signifie en rien qu’il ne l’a pas été démocratiquement. Mais je l’ai déjà dit dans ces pages, notre démocratie meurt de tout ramener à des questions binaires.

Cependant, j’y reviendrai… En effet, les leçons à tirer de cet état de fait sont innombrables à de multiples niveaux. Notamment en termes d’amélioration du système démocratique. Il faudrait évidemment être aveugle pour ne pas voir dans Nuit Debout ou la réaction au 49-3 (qui a pourtant été utilisé près d’une soixantaine de fois depuis le début de la Vème République) un malaise infiniment profond.

Un malaise qui dépasse largement la loi El-Khomeri, François Hollande ou la France. Donald Trump, l’extrême-droite en Autriche, la montée des populisme partout, sont autant de signes d’une inadéquation des systèmes démocratiques occidentaux. Et je suis atterré à quel point les analyses restent souvent bloquées à un niveau qui reste au final totalement anecdotique par rapport à la vague de fond d’un tout autre niveau qui est en train de déferler et constitue une vraie menace.

Bref, au-lieu d’écrire un roman, comme je fais trop souvent, je vais plutôt découper l’analyse en plusieurs parties. Je reviendrai prochainement tout d’abord sur les systèmes que j’ai décrit plus haut pour voir comment ils pourraient se traduire concrètement à une échelle tout autre.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *