TOUT CA POUR CA : 10 ANS DE MILITANTISME AU PS : EPISODE 15 : Jour de fête

episode15Quand on est un militant politique en France, l’élection présidentielle reste incontestablement un moment particulièrement fort. Mais un moment un peu ambivalent car c’est aussi celui où ce qui se joue est le plus éloigné du militant de terrain. Elle constitue aussi une promesse. La promesse de faire bouger les choses à grande échelle et d’avoir un impact réel sur la vie des gens. Certes, les élus locaux jouent aussi un rôle important dans la vie des citoyens, mais pas tout à fait à la même échelle.

J’ai un souvenir flou de cette campagne. Pas d’anecdote croustillante à raconter. Les tractages n’ont pas donné dans mon souvenir donné lieu à des échanges mémorables. Mais je me rappelle de beaucoup de joie, surtout lors des deux meetings où je me suis rendu, à Vincennes et à Bercy. De la joie aussi parce que, dès le mois de décembre, tout semblait déjà plié. François Hollande l’emporterait largement au second tour face à Nicolas Sarkozy. Après tant de victoires au niveau local, le PS allait boucler la boucle, terminer d’accomplir cette reconquête après le traumatisme de 2002. Alors, au moment de faire campagne, les militants s’engageaient le cœur léger. C’était leur moment, leur récompense méritée après des années d’efforts. Il fallait donc savourer.

Certes, chaque semaine l’écart se resserrait et le doute finit par naître chez certains. Je me rappelle très bien du sketch des Guignols où Hollande et les cadres du PS chantaient « Alors on flippe ! », sur fond de baisse lente du score dans les sondages. Cependant, la différence est toujours restée significative et je me rappelle être resté serein jusqu’au bout. Certes, François Hollande m’avait un peu déçu lors du débat de l’entre deux tours, malgré la diatribe « Moi, Président » restée célèbre. Tout le monde s’accordait pourtant dire alors que les jeux étaient faits et le jour de l’élection fut une longue mais délicieuse attente.

Je souhaitais vivre comme un vrai moment historique dont j’étais acteur. Je terminais ma Présidence tournante de mon bureau de vote à 18h. Je me précipitais alors à la gare pour prendre un RER C pour rejoindre Solférino. J’y arrive une heure avant le verdict. Il est déjà difficile de se faire une place dans la rue et je vois de très très loin l’écran géant installé. La foule se fait de plus en plus compacte. Vers 19h30, Benoît Hamon au balcon du siège du PS nous fait comprendre du geste que la victoire espérée est bien là (ce qui est assez ironique quand on connaît la suite de l’histoire). En bas, nous sommes tous compressés avec des mouvements de foule qui vous entraînent sans que vous puissiez résister. J’avoue que je me sens de plus en plus mal à l’aise et que j’ai envie que tout se termine au plus vite.

Le compte-à-rebours avant 20h commence… 10…9… Bon à ce moment là les drapeaux s’agitent et on ne voit plus rien, je n’ai donc pas pu vivre cette seconde où le visage de François Hollande apparaît à l’écran. Je regrette presque d’être venu. Mais la suite sera un trop beau moment pour que les regrets ne s’estompent pas très vite. La foule se disperse en cortège pour rejoindre la Bastille. Une foule joyeuse, heureuse, qui chante et hurle sa joie. Aux balcons, nombreux sont ceux qui chantent avec nous. Avec le recul, je mesure que les « Sarkozy, c’est fini ! » étaient extrêmement présents. Les gens sont heureux de tourner une page, mais peut-être pas enthousiasme pars celle qui va s’ouvrir.

La fête à la Bastille sera belle et émouvante. Vivre ces moments-là vous donne envie de vous engager politiquement. Cette journée aura toujours une place particulière dans mon existence et pour bien des raisons autres que politiques (mais ce n’est pas le sujet ici). Tous les militants avaient sûrement tous dans la tête à ce moment là que le plus dur restait à venir. L’histoire l’aura prouvé avec une force que l’on imaginait alors pas. Reste les beaux souvenirs. Et ils sont précieux.

Il y a un épilogue à cette épisode. En effet, vous imaginez bien que compressé dans la foule un beau jour de mai, j’ai abondamment transpiré dans mon costard. Je l’ai donc porté chez le teinturier. Le jour où je vais le récupérer, je croise une amie qui rentre avec moi dans le magasin. Je lui raconte alors les circonstances qui m’ont poussé à faire nettoyer ces vêtements. Derrière son comptoir, le gérant me regarde d’un œil un peu sombre. Sur le ton de l’humour, il m’indiquera qu’il ne partage pas vraiment ma joie. Dans l’euphorie, on oublie trop vite que les déçus sont à peine moins nombreux que les satisfaits. Et que gouverner, c’est aussi gouverner pour eux. Et que si vos supporters ne vous pardonneront pas grand choses, les battus ne vous pardonneront rien.

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