Suite à l’élection de François Hollande, le PS du continue à vivre sa vie de parti politique. Ses principaux leaders désormais Ministre et Martine Aubry partie bouder à Lille, il fallait bien trouver quelqu’un pour garder la maison. Un peu comme François Hollande lui-même en 1995 suite à la victoire aux législatives et la formation du gouvernement de Lionel Jospin. Un peu (beaucoup… totalement…) par défaut, c’est Harlem Désir qui sera chargé de cette mission. Pour cela, il fallait organiser un congrès. Il aura eu lieu à Toulouse. Il sera resté comme peut-être le moins intéressant de l’histoire du PS. Du moins, sur le front des idées. Car c’est peut-être ici que bien des graines d’auto-destruction furent semées.
Fraîchement arrivée au pouvoir, le parti ne pouvait évidemment pas afficher trop vite des signes de désunion. La totalité des leaders se rangèrent donc derrière une seule et grande motion unitaire, qui ne ferait face qu’à des motions anecdotiques, même si celle conduite par Stéphane Hessel fit un peu parler d’elle, vu l’identité de son premier signataire, âgé alors de 95 ans. L’aile gauche du PS présentait bien également une motion, mais elle était privée de son principal leader, Benoît Hamon, obligé en tant que Ministre de se ranger derrière la motion majoritaire. Bel exemple d’unité ? Ou erreur stratégique ?
La suite prouvât qu’il s’agissait bien de la seconde option. En effet, inviter dans une même motion des « leaders » que l’on ne sait pas forcément profondément acquis à sa cause ne constitue en rien une garantie de soumission de leur part. Cela a par contre permis à tous les faux amis du Présidents de placer des hommes et des femmes à eux dans les instances du parti. Ainsi, l’aile gauche (on ignorait alors ce qu’était un frondeur) fut représentée à la fois par des signataires de la motion affichant d’ors et déjà un certain scepticisme face à la politique prônée par François Hollande (ce qui était logique)… et par des signataires de la motion qui aurait du logiquement rassemblé les vrais soutiens du Président. Dans ces passagers clandestins se trouvait notamment la garde rapprochée de Benoît Hamon et celle d’Arnaud Montebourg. Quand on y repense en sachant ce qui s’est passé ensuite, on se rend compte à quel point la frontière entre volonté de rassembler et naïveté coupable est fine.
La meilleure illustration de ce jeu de dupes restera incontestablement ce qui s’est passé dans les Yvelines et que j’ai eu la « chance » de vivre aux premières loges. Benoît Hamon avait été parachuté dans mon département quelques mois plus tôt, suite à la perte de son mandat de député européen. Il fallait bien le recaser quelque part. Il n’était évidemment pas question pour lui de se contenter d’être là. Les instances du parti lui avaient concédé un département profondément ancré à droite comme terrain de jeu pour le neutraliser et il avait bien l’intention de jouer y compris contre son propre camp. C’est d’ailleurs ce qu’il fait de mieux, mais j’aurais le temps d’y revenir souvent.
La première étape allait être pour lui de prendre le contrôle de la fédération départementale. Mais il eut l’intelligence de sentir qu’il devait avancer masqué. Dans un département où les adhérents sont avant tout des cadres, un positionnement trop à gauche de la gauche aurait été voué à l’échec. Heureusement pour lui, le monde politique offre assez d’ambitieux et d’ambitieuses pour autoriser ce genre de manœuvre. Pour profiter de la confusion idéologique provoquée par cette grande motion qui n’avait d’unitaire que de nom, quoi de mieux que d’aller débaucher quelqu’un supposé être à l’opposé du spectre politique du PS. Benoît Hamon trouva ainsi le moyen d’avancer comme pion l’ancienne représentante du courant animé par Pierre Moscovici. Comme quoi, les grands écarts ne se font pas que dans les salles de gymnastique. La plupart des militants de terrain étant loin, et grand bien leur fasse, de ces petites manœuvres, cela fonctionna parfaitement.
Cette campagne départementale fut marquée par quelques épisodes savoureux. A côté du pôle hamoniste et du pôle hollandais, dont je faisais partie, on vit émerger comme candidate la compagne du Maire de Conflans St Honorine. Elle avait comme atout d’avoir le contrôle de la plus grosse Section du département. Le soir du premier tour, le résultat fut longtemps incertain. A notre grande déception, elle semblait devant nous pour la deuxième place. Mais certains résultats prêtaient à contestation avec des adhésions pas très nettes de dernière minute. Finalement, le résultat d’une commune où elle gagnait beaucoup de voix fut annulé. Au final, le candidat que je soutenais et elle se retrouvaient à égalité parfaite. Dans ce cas-là, les règles du parti indiquent que c’est le plus ancien en termes de date d’adhésion au PS qui l’emporte. C’est ainsi que nous nous sommes retrouvés au deuxième tour. Le lendemain, la Section de Conflans St Honorine passa d’une centaine de votants… à trois… Sans ce report de voix, nous n’avions aucune chance et Benoît Hamon prit tranquillement le contrôle de la fédération des Yvelines, qui cessa alors de servir à quoi que ce soit d’autre si ce n’est servir ses intérêts personnels.
Cette campagne départementale m’a également permis de vivre une scène qui m’a marquée. Nous sommes le midi avant le congrès fédéral qui suit l’élection. Au sein de notre groupe, nous devons attribuer les postes de conseillers fédéraux qui nous reviennent. Nous sommes plus de candidats que de places. Il faut donc choisir et désigner ce qui ne vont pas avoir satisfaction. Je suis le premier à prendre la parole pour dire que j’allais avoir bientôt une campagne municipale à mener qui allait me prendre beaucoup de temps et que j’étais donc prêt à renoncer. Je me souviens parfaitement du tonnerre d’applaudissements qui a suivi et du soulagement de certains… Un de moins, pensaient-ils ! Quand on connaît à quel point être conseiller fédéral ne sert à peu près à rien et surtout à quel point une bonne moitié de ceux qui seront finalement nommés brilleront surtout au final par leur absentéisme et leur inutilité, je ne peux qu’affirmer une nouvelle fois quelque chose dont je suis profondément convaincu : le militantisme rend un peu con…
Ah oui, j’ai failli oublier de mentionner qu’à l’issu de ce congrès Harlem Désir était devenu premier secrétaire du Parti Socialiste. A la fois, je n’aurais pas été le seul à l’avoir déjà oublié.