Avec la Haine, en 1995, la banlieue a fait une entrée fracassante dans le cinéma français en remportant le César du meilleur film. Près de 25 ans plus tard, aucun des problèmes mis en lumière par ce film n’a vraiment été réglé, bien au contraire. Sinon, il n’y aurait pas eu les Misérables. Un long métrage qui représentera la France dans la course à l’Oscar du meilleur film en langue étrangère. Un film qui démontre à quel point cette problématique continue d’irradier le cinéma français. Et de plus en plus, ce sont les acteurs des ces quartiers eux-mêmes qui passent derrière la caméra pour en parler. A la vue de ce film, on ne peut que considérer qu’on ferait mieux de les écouter.
La personnalité de Ladj Ly peut être sujette à polémique et certains de ses propos aussi. Mais le grand mérite de Les Misérables est de nous livrer un point de vue tranché presque extrême, mais qui n’est en rien manichéen. Chaque partie prenante à sa part d’ombre et de lumière et le film ne porte aucun jugement définitif sur aucun d’eux. Le film est un constat fort sur la colère et la violence qui menace, en montre les causes, mais sans vraiment dénoncer un coupable unique. Il dénonce par contre avec une incroyable force la situation globale, le système, même si je déteste ce mot, dans lequel tous les protagonistes sont enfermés et qui ne peut conduire qu’à la haine et à l’affrontement. Chaque spectateur se fera sa propre opinion des protagonistes de cette histoire. Il pourra détester, compatir, mépriser, comprendre chacun d’eux selon sa propre sensibilité. Le grand mérite de cette histoire est de laisser ouvert l’esprit du spectateur et la fin est absolument remarquable en la matière.
Ladj Ly joint la qualité de la forme avec la qualité du propos. Sa réalisation suit vraiment la montée de la tension qui vient avec l’intrigue. Si au début, elle semble maîtrisée, mais globalement assez ordinaire, elle finira par nous immerger totalement dans les événements qui viennent conclure cette histoire. Le dernier quart d’heure est une véritable claque cinématographique qui vous fait ressortir de la salle quelque peu (ou même profondément) sonné. Il suffit de voir avec quelle lenteur la salle s’est vidée à la fin du film pour comprendre à quel point les spectateurs restaient dans un état second. Les Misérables restera un des films le plus marquant de cette année qui tire doucement à sa fin. Marquant cinématographiquement, mais aussi parce qu’il nous rappelle brutalement les démons qui rongent notre société.
LA NOTE : 15/20
Fiche technique :
Production : SRAB films, Rectangle productions, Ly Films
Réalisation : Ladj Ly
Scénario : Giordano Gederlini, Ladj Ly, Alexis Manenti
Montage : Flora Volpelière
Photo : Julien Poupard
Décors : Flora Volpelière
Distribution : Le Pacte
Musique : Pink noise
Durée : 102 min
Casting :
Steve Tientcheu : le maire
Issa Perica : Issa
Jeanne Balibar : la commissaire
Alexis Manenti : Chris
Djibril Zonga : Gwada
Damien Bonnard : Stéphane
Al-Hassan Ly : Buzz