L’impopularité croissante de François Hollande et du gouvernement et les très mauvais résultats des élections municipales et départementales ont évidemment laissé des traces au sein du Parti Socialiste. Après les premières, le remaniement et l’arrivée de Manuel Valls furent l’occasion d’exfiltrer un Harlem Désir dépassé par les événements en le nommant Secrétaire d’Etat aux Affaires Européennes. Acte absolument lamentable, une nomination à ce genre de poste n’étant évidemment pas faite pour régler des affaires internes à un parti. Certes, son long passé de député européen ne le rendait pas totalement illégitime pour une telle fonction, mais la manœuvre était trop grosse pour croire vraiment que c’est sa compétence qui avait prévalu.
Pour le remplacer, Jean-Christophe Cambadélis est nommé Premier Secrétaire par intérim et va le rester un long moment, en dehors de toute procédure prévue par les statuts du PS. Personnellement, j’étais assez effaré par cette arrivée aux manettes d’un homme qui représente pour moi tout ce qui pose problème au PS. Un parfait apparatchik, ayant prouvé à de maintes reprises sa parfaite incompétence (cf. la campagne des européennes 2009), qui ne reste député que parce qu’il bénéficie d’une circonscription acquise au PS (enfin jusqu’en 2017…)… Je me rappelle très bien avoir dit un jour que jamais je ne voterai pour lui si jamais il devait être candidat au premier secrétariat. La suite me prouvera qu’il ne faut vraiment jamais dire jamais.
La situation au Parti allait être remise à plat par un Congrès devant avoir lieu cette fois-ci à Poitiers. Il apparut vite qu’il allait se transformer en un duel entre les supporters du gouvernement et les frondeurs. Ou plus classiquement dans l’histoire du PS, entre les sociaux-démocrates et les marxistes. Certes, deux autres forces se proposaient bien au suffrage des militants. Des forces se voulant être celles choisissant l’apaisement et tourné vers le fonctionnement du Parti. Mais comme souvent dans les situations tendues, où les clivages sont importants, la place laissé à une troisième voie est resté minime.
Pourtant, ce Congrès avait commencé par une phase de contributions où les textes proposés étaient extrêmement nombreux (27). Comme toujours, je le ai tous lus et décidé de donner ma signature à un texte porté par un collectif de jeunes militants, nommés Bougez les Lignes. Le texte était excellent, mais comme peu de gens l’avaient lu et qu’il n’était soutenu par aucun poids lourd national, il passa totalement inaperçu. Etant le seul signataire des Yvelines, j’ai même eu l’honneur de présenter le texte lors du débat départemental.
Mais au moment des motions, les textes sur lesquels les adhérents sont amenés à voter et qui structurent les instances du parti, tout ce petit monde se rassembla autour de quatre textes seulement, dont aucun n’était vraiment emballant. Me voyant mal abandonner mes camarades sociaux-démocrates yvelinois avec qui j’avais tant travaillé ces dernières années et ne voulant certainement pas laisser le moindre champ libre aux frondeurs, je me ralliais donc à la motion dont le premier secrétaire était Jean-Christophe Cambadélis.
J’avais un peu l’impression de donner ma voix au triomphe de la médiocrité. Cela traduisait à quel point l’appareil du Parti était laissé aux seconds couteaux, quand les figures les plus influentes voguaient plutôt dans les sphères gouvernementales. D’un côté, il y avait quelque chose de sain dans cette situation. Le pays avant le Parti comme on dit. Mais avec le recul, cette perte de substance de l’appareil a marqué le début d’un déclin qui ne semble pas depuis vouloir s’arrêter.
Pendant plusieurs semaines, les militants PS vécurent donc au rythme des débats entre les différents textes. Personnellement, j’assistais à celui organisé en commun avec la Section voisine de Vélizy, où je prenais longuement la parole pour défendre le texte, que je présentais un peu plus tard dans une petite Section toute proche. Mais je retiendrais surtout de cette période le débat départemental, où les deux principaux textes furent présentées par deux figures nationales : Laurence Rossignol pour les soutiens du gouvernement et Gaétan Gorce, le Maire de la Charité/Loire, chère à mon cœur, pour les frondeurs.
L’ambiance s’avéra relativement électrique et tendue. Mais je mesurais surtout à quel point il ne ressortait plus grand chose de ces débats qui aurait dû être d’idée ou de fond. La fédération étant devenue depuis un moment le fief de Benoît Hamon, les interventions du public se montrèrent majoritairement hostiles au gouvernement. La plupart des arguments avancés ne traduisait pas vraiment une hauteur de vue. Je me rappelle particulièrement de l’intervention tout sauf spontanée d’une des principales lieutenantes de la majorité fédérale, connue pour sa hargne et son agressivité. Elle expliqua que, proche du peuple, elle avait souvent l’occasion de discuter avec de simples citoyens qui lui auraient dit que parmi toutes les décisions prises par le gouvernement, la hausse de la TVA de 19,6 à 20% serait celle qu’ils ne sauraient pardonner.
Cette attaque, sortie tout droit d’un argumentaire prêt à l’emploi, n’avait strictement aucun sens. Pour la simple raison que cette hausse de la TVA n’avait eu strictement aucun impact sur les prix. Tout simplement parce qu’augmenter la TVA de 0,4% ne change pas l’immense majorité des prix qui sont soit ronds, soit du type 9,90 euros. Les entreprises ne sont pas soudainement mises à vendre leurs produits 9,92 euros. Bref, cette hausse avait été entièrement absorbée par les entreprises et donc augmenté discrètement les prélèvements qui pesaient sur elles. Une mesure qui aurait du donc satisfaire l’aile gauche. Mais voilà, dans leur vision totalement manichéenne des choses, TVA = impôt injuste = instrument du démon. Seul le diable pouvait donc oser augmenter la TVA. Cela aurait pu passer pour une erreur de bonne foi, si cela n’avait été dit avec un ton de donneur de leçons plein de morgue et de certitudes, venant d’une jeune fille qui n’avait pas la moindre idée de ce qu’est une entreprise et de la manière dont elle fixe ses prix.
Dans cette ambiance délétère et comptant surfer sur l’impopularité du gouvernement, l’aile frondeuse pensait pouvoir enfin mettre main basse sur le parti après toute une vie dans l’opposition. Mais le PS est un parti avant tout social-démocrate et la motion soutenant le gouvernement obtint une large majorité dès le premier tour (60%), l’aile gauche se trouvant cantonnée une nouvelle fois sous les 30%, soit son étiage habituel. L’élection ensuite de Jean-Christophe Cambadélis ne fut plus qu’une formalité, ce dernier remportant 70% des voix.
Tout ce petit monde se donnait alors rendez-vous à Poitiers. Et pour la première fois, je me rendais moi aussi à un congrès du Parti Socialiste.