Je vous ai parlé à de nombreuses reprises dans cette chronique de cet objet étrange qu’est une fédération au Parti Socialiste. Un truc qui prend beaucoup d’énergie et de temps aux militants les plus investis, sans servir à grand chose au fond. Constituer la liste des candidats pour les élections régionales constitue un des rares moment où elles jouent un vrai rôle. Et c’est bien pour ça que la majorité fédérale sortante avait tout fait pour renforcer son emprise sur les instances, en se comportant de la pire des façons et profitant d’une certaine naïveté de la part de notre collectif hollandais.
Quand les discussions débutent, nous comprenons vite que nous allons avoir un problème. En effet, parmi les élues sortantes, trois appartiennent à notre motion. Une a vendu son soutien à majorité hamoniste au moment du congrès. Une est candidate largement hors sol, mais qui bénéficie d’importants soutiens au niveau national. L’autre fait pleinement partie de notre collectif, mais certains s’en méfient (l’histoire leur donnera largement raison). A cela, s’ajoute la volonté légitime d’une des militantes les plus méritantes qui soient, qui n’a rien à envier à personne intellectuellement et moralement, de voir son travail dans l’ombre depuis des années enfin récompensé.
Or, le rapport de force issu du Congrès ne nous permet pas d’espérer autant de places éligibles (à l’époque on espère encore légitimement remporter la victoire) pour les femmes. Il faudra donc choisir. Au sein de la motion, mais aussi donc au sein de notre collectif. Les négociations s’annoncent difficile, puisque nous n’avons strictement aucun moyen de pression. La majorité n’a pas besoin de nous pour faire adopter la liste qu’elle aura choisi et à remplir les places réservées à notre motion avec des candidats qui lui plaisent. Quiconque a déjà mené une négociation dans ces conditions sait qu’il ne s’agit pas vraiment d’une négociation.
Le résultat de la discussion est sans surprise. Il n’y avait pas grand chose à espérer et le résultat est à la hauteur de nos espérances. Notre chef de file est le mieux placé de notre motion chez les hommes. Mais au gré des alliances avec nos meilleurs amis des autres partis, il se retrouvera à une modeste 10ème place sur la liste du deuxième tour. Chez les femmes, la majorité hamoniste fera strictement ce qu’elle veut et ne favorisera aucune des deux candidates issues de notre mouvement. Enfin pas tout à fait ce qu’elle veut…
Le soir de la validation de la liste (du moins celle des candidats socialistes), Benoît Hamon, qui y figure en deuxième position derrière la première fédérale, mène clairement les débats. Il annonce une liste où la candidate hors sol se situe plus loin que ce qu’elle espérait. Elle fait mine de protester. J’assiste alors à une scène les plus marquantes de ma carrière de militant. Benoît Hamon et elle se retrouvent dans les derniers rangs de l’assemblée, tout près de là où je suis moi-même assis. J’entends donc clairement ce qu’il lui dit. Ses mots sont durs et humiliants, d’une méchanceté totalement déplacée. Il lui explique que c’est lui qui décide et qu’elle n’a strictement rien à dire. Elle est visiblement choquée, elle l’écoute sans le regarder en fixant le vide devant elle, retenant ses larmes avec la plus grande des difficultés.
Cette anecdote en dit déjà long sur les mœurs du personnage. Mais l’épilogue dresse un portrait encore plus lamentable. Dans les jours qui suivent, la direction nationale du PS (et certainement Martine Aubry en personne) a ordonné que les choses rentrent dans l’ordre. La candidate humiliée retrouvera sa troisième place sur la liste. Témoigner d’un excès d’autoritarisme est souvent la preuve qu’on en manque en réalité d’une réelle autorité. Je n’appréciais aucun des deux protagonistes de cet épisode. Mais elle ne méritait certainement pas une telle humiliation. Et lui perdra toute chance que je lui apporte jamais le moindre soutien… élection présidentielle incluse.
Ce soir-là, je faisais partie des rares militants à voter contre la liste proposée, par amitié pour la militante que nous n’avions pas pu porter à la place qu’elle méritait. Cela ne changeait vraiment rien, mais je ne regrette vraiment pas. Mais ce soir-là signera le vrai début de la fin pour notre mouvement. La constitution de la liste laissera beaucoup de rancœurs, trop pour que le chemin puisse se poursuivre ensemble.
Tout ceci n’est pas grand chose de toute façon comparée à l’immense gâchis qui conduira à la défaite de la gauche à une élection qu’elle n’aurait jamais dû perdre. D’abord, la volonté de Jean-Paul Huchon de se représenter, alors qu’il était usé, avec une image brouillée, l’empêcha de préparer sereinement sa succession. Résultat, il est poussé vers la sortie sans beaucoup d’élégance, mais sur le coup, je trouve qu’il ne peut s’en prendre avant tout qu’à lui-même. Il a livré une caricature du politicien voulant s’accrocher coûte que coûte au pouvoir.
Claude Bartolone prendra donc sa suite, un peu dans l’urgence. La campagne est sans éclat. Je garde le souvenir de la réunion de Section où j’ai présenté le programme. Mes camarades viroflaysiens en soulignèrent la nullité. En bon soldat, j’essayais tant bien que mal de le défendre, mais sans vraiment y croire. Mais bon, si les élections se jouaient sur les programmes, ça se saurait. Le bon résultat du premier tour en ait la preuve. La fusion avec les liste EELV et communiste devait nous assurée la victoire.
Sur la liste communiste figurait d’ailleurs en première place dans les Yvelines une Viroflaysienne. La même qui a toujours tout fait pour ne jamais me parler. Lors de la fusion, elle hérite d’une place éligible dans le Val de Marne. Naïvement, je me dis qu’elle acceptera quand même de venir tracter dans sa propre commune pour sa propre élection, même si elle doit le faire avec des sociotraites socialistes. Nous demandons donc à la cellule locale du PC s’ils acceptent de venir distribuer des tracts avec nous le mercredi matin aux trois gares de la ville, puisque l’élection d’une des leurs est en jeu. Aucun d’eux ne viendra, laissant les socialistes qu’ils méprisent, braver le froid de décembre dès 7h du matin pour leur offrir des élus qu’ils n’auraient jamais eu sans eux. A noter que la seule militante connue d’EELV sur la commune nous a fait également comprendre que se lever tôt pour tracter n’était pas trop son truc… Vous comprendrez mieux pourquoi je ne suis pas le premier défenseur de la fameuse union de la gauche, qui ne fait que donner raison à ce genre de comportement.
Claude Bartolone perdra bêtement l’élection à cause d’une sortie non maîtrisée à propos de son adversaire, Valérie Pécresse, et de son électorat. Cela conduira une partie de l’électorat FN du premier tour à ne pas renouveler leur choix pour le second, mais voter plutôt pour les Républicains. Ces dernier l’emporteront de peu. La défaite fait que la dixième place dans les Yvelines n’est pas éligible. Notre mouvement n’aura donc aucun élu au Conseil Régional.