UN PROPHETE : Je prophétise une pluie de Césars

unpropheteafficheParmi les grands réalisateurs français, Jacques Audiard figure en bonne place. Bon sang ne sachant mentir, on sent chez lui un vrai amour et un vrai respect du cinéma. Contrairement à bien de ses collègues nationaux, il connaît la différence entre un long métrage et un téléfilm. Un Prophète, récompensé à Cannes par le Grand Prix du Jury, vient confirmer l’immense talent de ce grand cinéaste, même si j’émettrai quelques bémols personnels.

Malik a 19 ans et vient d’écoper de 6 ans de prison. Il tente de rester à l’écart de la vie carcérale, de ses clans et de sa violence. Mais la réalité vient vite le rattraper et il tombe sous la coupe de César Luciani, gangster corse qui règne en maître sur la prison. Pour lui et pour sauver sa propre vie, il devra tuer un autre détenu.

Un Prophète est un film sombre et dur. Mais c’est aussi un film surprenant, dont le scénario ne vous mènera pas là où vous le pensiez. La morale de l’histoire est dérangeante et ambiguë. Le parcours de Malik n’est absolument pas tracé d’avance et ne formera en rien une ligne droite. Ce film intrigue, questionne, prend le spectateur à témoin d’une réalité où rien n’est blanc, ça c’est certain, mais où le noir a lui aussi bien des nuances. On pourra reprocher à Jacques Audiard de ne pas avoir forcément apporté de réponses aux questions que son film soulève. Mais y’a-t-il vraiment de réponses à des questions aussi complexes ?

Un Prophète, c’est également deux magnifiques performances d’acteurs. Ne cherchez plus le prochain César du Meilleur Espoir Masculin, il s’appelle Tahar Rahim. Il pourrait même n’être pas très loin d’emporter également celui du Meilleur Acteur. Son jeu n’est peut-être pas flamboyant, mais il est d’une troublante justesse. Il incarne avec le même bonheur et le même talent toutes les phases de l’évolution de son personnage.

A ses côtés, le prochain César du Meilleur Acteur dans un Second Rôle, Niels Arestrup, un vieux routier du cinéma français. Déjà à l’affiche de De Battre, mon Cœur s’est Arrêté, il se voit offrir par Jacques Audiard un deuxième rôle à la hauteur de son immense talent. D’ailleurs pour incarner aussi magistralement « César Luciani » quand on s’appelle Niels Arestrup, il ne faut pas en manquer !

unpropheteLa caméra de Jacques Audiard ne se contente pas rester posée là, en attendant que ça se passe. La lumière, le montage, les mouvements à l’intérieur même des plans sont là pour aider à raconter l’histoire et souligner l’émotion des personnages. Certes, il en fait peut-être parfois un peu trop, mais cela reste toujours bref et de toute façon cent fois plus intéressants et orignal que la manière de filmer de la plupart de ses collègues français.

Le petit bémol vient pour moi du rythme imprégné à Un Prophète. Ce film aurait duré 2h, au lieu de 2h30, il aurait été incontestablement un très grand film. Certes, cette durée permet au scénario de louvoyer, nous plongeant dans une abîme de perplexité, nous demandant comment tout cela va donc pouvoir finir. Mais elle nous fait aussi souvent flirter avec le bord de la falaise de l’ennui. On n’y tombe jamais, mais on se fait parfois un peu peur à l’idée d’y sombrer.

Un Prophète est donc un film exceptionnel par bien des points. Mais la perfection n’étant pas de ce monde, il rate de peu le statut de chef d’œuvre.

Fiche technique :
Production : Why not productions, chic films, page 114
Réalisation : Jacques Audiard
Scénario : Thomas Bidegain, Jacques Audiard
Montage : Juliette Welfling
Photo : Stéphane Fontaine
Décors : Michel Barthélémy
Distribution : UGC distribution
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 149 mn

Casting :
Niels Arestrup : César Luciani
Tahar Rahim : Malik 

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