LE CONCERT : 15 minutes de grâce absolue

leconcertafficheL’année 2009 aura été une année particulièrement riche au niveau cinématographique. Certes, ce sont surtout les premiers mois de l’année qui ont vu une incroyable densité de films d’une qualité rare. Les têtes d’affiche resteront pour moi Slumdog Millionnaire et les Noces Rebelles. Mais le reste de l’année ne fut pas en reste. Il a notamment recélé deux parmi les plus beaux moments de cinéma qui m’ait été donné de voir. Deux moments de grâce cinématographique absolue. Le premier fut les premières minutes de La-Haut. Le second est les dernières minutes du Concert. (NB : On aurait pu rajouter la dernière scène d’Inglourious Bastard, mais la séquence en question est tout de même beaucoup plus longue).

Au début des années 80, Andrei Filipov était le plus grand chef d’orchestre d’URSS et était connu internationalement. Mais quand Brejnev décida d’exclure les musiciens juifs du Bolchoï, il refusa de se soumettre. Il y travaille toujours 30 ans plus tard, mais en tant qu’homme de ménage. Un jour, il intercepte un fax invitant l’orchestre à venir se produire au théâtre du Châtelet. Germe alors en lui l’idée folle de retrouver ses anciens musiciens, de les faire passer pour l’orchestre officiel du Bolchoï et de les emmener à Paris.

A la fin du Concert, j’ai assisté à deux phénomènes extrêmement rares. Nous étions à la séance de 22h à l’UGC de la Défense. Déjà, le public a spontanément applaudi à l’arrivée du générique… et surtout une bonne partie de la salle est restée tout au long de ce dernier. Si c’est chose fréquente dans Paris intra-muros, je suis très souvent le seul à rester jusqu’au bout du générique à la Défense. Ce fut loin d’être le cas cette fois. On ne quitte pas facilement ce film, surtout avec ce qu’il nous fait vivre dans ces dernières minutes.

Mais avant d’en venir à la fin, parlons un peu du reste. Le Concert est une comédie très drôle, parfois un peu lourdingue, mais globalement réussie. Un des ressorts comiques repose sur le sens système D des Russes depuis la chute du communisme et le choc brutal avec le capitalisme. Lorsque la troupe des musiciens arrive à Paris, tout cela tourne un peu au cliché et on sent qu’il est temps que le film passe à autre chose… à la musique !

Tout le film est construit pour nous amener à ce moment final. A ce fameux concert, où l’orchestre interprète le Concerto pour Violon et Orchestre de Tchaïkovski, un des plus beaux morceaux jamais écrits (le nom ne vous dit peut-être rien comme ça, mais si on vous le fredonne, il y’a de forte chance que vous le connaissiez). Le Concert est loin d’être dénué d’une certaine gravité, mais elle est totalement masquée pendant 1h45 par la farce, parfois un peu grossière. Mais quand la musique commence à retentir, elle éclate d’un coup, violemment, sans que vous l’ayez une seule seconde vu venir. Vous aviez passé le film à rire aux éclats et bien, à ce moment là, vous restez au fond de votre fauteuil, vous vous taisez et vous pleurez pendant 10 minutes non stop ! Des larmes de joie et de tristesse mêlées, bref des larmes d’émotion pure.

leconcertRadu Mihaileanu a parfaitement réussi son coup. Il y’a bien des critiques à formuler sur les trois quart de ce film. Mais c’est pour mieux tromper l’ennemi… Enfin, ce n’est sans doute pas vraiment fait exprès, mais honnêtement, en sortant de ce film vous aurez de toute façon totalement oublié tout ce qui précède. Il fallait bien que je vous en parle, mais c’était presque superflu.

Le Concert fut aussi pour moi une confirmation. Celle de l’immense talent de Mélanie Laurent. J’ai été un des rares à encensé sa performance dans Inglourious Bastard qui a plutôt reçu des critiques. Et bien, je maintiens que c’est une très grande actrice, pas forcément pour son jeu spectaculaire, mais par un charisme mêlant à la fois force et faiblesse. Elle est ici tout simplement étincelante et on oublie totalement que, dans la séance finale, ce n’est évidemment pas elle qui joue du violon.

Mais de manière globale, tout le casting est vraiment remarquable. Aleksei Gustov, sur lequel une large partie du film repose, livre là une performance magnifique, aussi bien dans les moments d’humour que dans les moments d’émotion. Le reste des acteurs jouent surtout sur le registre de la comédie pure, mais y mettent assez d’énergie pour faire passer même les moments un peu moins subtils. Un mot enfin sur la trop rare désormais Miou-Miou qui nous fait regretter ici qu’elle ne soit plus cantonnée qu’aux seconds rôles.

Le Concert n’est pas un film à voir uniquement si on aime la musique classique. Cela n’a rien à voir. C’est le mélange des émotions véhiculée par le scénario et les images qui sont soudain sublimées par la musique. Cette dernière est un langage universel qui prend ici tout son sens. Aucun des éléments n’aurait fait un tel effet s’il n’avait été en parfaite harmonie avec les deux autres. Un tel moment se vit rarement et je ne sais d’ailleurs pas si j’aurais vraiment envie de revoir ce film, de peur que l’expérience ne soit pas la même la seconde fois.

Le Concert ne vaut pas que par son dernier quart d’heure, cela serait injuste. Mais ce dernier vaut à lui seul largement le déplacement ! Inoubliable !

Fiche technique :
Production : Les Productions du Trésor
Distribution : Europacorp
Réalisation : Radu Mihaileanu
Scénario : Radu Mihaileanu, Alain Michel Blanc, Matthew Robbins
Montage : Ludovic Troch
Photo : Laurent Dailland
Décors : Stan Reydellet
Son : Pierre Excoffier, Selim Azzazi, Bruno Tarrière
Musique : Armand Amar
Costumes : Viorica Petrovici, Maira Ramedhan Levi
Durée : 120 mn

Casting :
Alexeï Guskov : Andreï Filipov
Dimitri Mazarov : Sacha Grossman
Melanie Laurent : Anne-Marie Jacquet
François Berléand : Olivier Morne Duplessis
Miou-Miou : Guylène de la Rivière
Lionel Abelanski : Jean-Paul Carrère

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *