TETE DE TURC : Une première réussie

tetedeturcafficheQuand un acteur se décide de passer de l’autre côté de la caméra, c’est pour le meilleur ou pour le pire, car ce sont réellement deux métiers très différents. Pascal Elbé s’est donc lancé en nous livrant Tête de Turc, un premier film très réussi, qui constituera très certainement une des meilleures productions française de l’année.

Bora a 14 ans et vit dans une cité désœuvrée. Un jour, lui et ses copains s’en prennent à un médecin urgentiste, dont la seule faute est d’avoir un gyrophare sur sa voiture. Pris dans l’hystérie collectif, il finit par jeter un cocktail Molotov sur la voiture du médecin déjà inconscient. Le groupe se disperse, mais Bora prit de remords revient et sauve la vie de sa victime. Le frère de cette dernière étant inspecteur de police, très vite d’importants moyens sont mis en œuvre pour retrouver le coupable. Mais l’omerta fait piétiner l’enquête. En attendant, tout le monde souhaite féliciter le héros, sans se douter une seule seconde qu’il est aussi celui qu’ils cherchent à envoyer en prison.

Tête de Turc est un film sur des fractures. Fractures sociales, générationnelles, familiales, ethniques, géographiques… C’est surtout un film sur tout ceux qui essayent d’avancer malgré elles. Mais trop souvent, elles constituent autant de murs trop solides pour être brisés. Mais n’allez pas croire que ce film est un manifeste politique. Il y’a certes un contexte fort, riche et malheureusement d’actualité, mais il constitue vraiment une toile de fond pour une histoire puissante et dense.

Tête de Turc n’est ni vraiment un polar, ni vraiment un film noir. Le personnage interprété Roschdy Zem de flic torturé aurait eu sa place dans une œuvre de ces types-là, mais ce n’est qu’une petite facette de ce film dont le contenu est d’une richesse rare. Pascal Elbé s’est attaqué à un sujet difficile et s’en est remarquablement sorti. Ce film sera peut-être moins culte que la Haine de Matthieu Kassovitz, mais est sûrement plus subtil et moins caricatural. Et tout cas, ça fait plaisir de voir un film français sachant allier un sujet sérieux avec une forme qui en fait un film solide et jamais ennuyeux.

tetedeturcLa seule faiblesse de Tête de Turc est peut-être son dénouement qui se focalise sur le seul aspect de cette histoire, qui en compte beaucoup, qui n’a pas vraiment d’intérêt. Certes, c’est une manière d’achever l’histoire, mais cela donne l’impression qu’il manque une réelle conclusion à tout ça. Une fin forte aurait vraiment donné une autre dimension à cette histoire. Cela n’enlève rien à son intérêt, mais cela fait sortir de la salle sur une petite pointe de frustration.

Tête de Turc est aussi une très belle affiche. Roschdy Zem, on l’a dit, dans un rôle qui maîtrise parfaitement. Pascal Elbé qui se dirige lui-même et qu’il le fait bien. Le jeune Samir Makhlbouf s’en sort remarquablement bien dans un rôle loin d’être facile. Mais la vraie star de ce film reste la sublime Ronit Elkabetz que l’on avait découvert dans le formidable La Visite de la Fanfare. Son personnage est de loin le plus intéressant et la performance est à la hauteur.

Tête de Turc lance donc la carrière de réalisateur de Pascal Elbé sur les meilleurs rails. Je ne sais pas s’il arrivera toujours à trouver un sujet aussi fort et aussi bien traité, mais en tout cas, les qualités sont là.

Fiche technique :
Production : Alicéleo, France 2
Distribution : Warner Bros France
Réalisation : Pascal Elbé
Scénario : Pascal Elbé
Montage : Luc Barnier
Photo : Jean-François Hensgens
Décors : Denis Mercier
Son : Pierre Tucat
Musique : Bruno Coulais
Durée : 87 mn

Casting :
Roschdy Zem : Atom
Samir Makhlbouf : Bora
Pascal Elbé : Simon
Ronit Elkabetz : Sibel
Omar Ait-Raiss : Hassan
Florence Thomassin : Mouna

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