AJAMI : fractures sanglantes

ajamiafficheAjami est un film sur des fractures… Bon, je sais, j’ai dit exactement la même chose du dernier film sur lequel j’ai écrit, l’excellent Tête de Turc de Pascal Elbé. Mais que voulez-vous, ces deux films ont plus en commun qu’il n’y paraît.

Dans le quartier de Jaffa, un jeune garçon se fait froidement assassiner pour un règlement de compte qui ne le concernait en rien. De là, se nouent plusieurs destins qui se croisent, souvent avec violence. Si juifs, arabes et chrétiens cohabitent, les tensions entre les communautés restent plus fortes que tout.

Ajami parle donc d’êtres humains qui, s’ils se côtoient physiquement, sont séparés par des barrières infranchissables. Et chaque tentative de les contourner se voit sanctionner par ceux qui habitent de chaque côté du mur. Il ne fait pas bon de vouloir tisser des liens avec « l’ennemi ». Si Israël et les territoires palestiniens sont un tout autre contexte que la banlieue parisienne, on y retrouve la même violence qui naît du replis en communautés qui luttent les unes contre les autres.

Mais Ajami, comme Tête de Turc, c’est avant tout un scénario puissant et dense. Le film se découpe en chapitres qui se focalisent chacun sur un personnage avant que tout le monde se retrouve pour un final, dont on ne comprend le sens que dans les dernières secondes. Le contexte politique est donc très fort, mais reste vraiment une toile de fond et si cet aspect ne vous intéresse pas, vous pourrez tout de même apprécier ce film remarquablement bien construit.

Ajami n’est pas à proprement spectaculaire, il n’y a pas vraiment de scène d’action, mais il y’a beaucoup de rythme. L’histoire est riche en rebondissements. Le final nous est dévoilé par petits morceaux et on sent bien qu’il faudra avoir toutes les pièces du puzzle pour comprendre exactement ce qui se passe. C’est un procédé classique mais qui est ici parfaitement mis en œuvre et maintient l’intérêt du spectateur au plus haut pendant toute la durée du film.

ajamiAjami fut tourné quasiment uniquement avec des acteurs amateurs. Cela ne se ressent absolument car tout le casting, très fourni, est remarquable. On pourra donc saluer à la fois le talent des deux co-réalisateurs en termes de direction artistique et évidemment l’ensemble des acteurs. La réalisation caméra à l’épaule, image genre caméra amateur, est un style classique quand l’immersion du spectateur est recherchée. Mais heureusement, Scandar Copti et Yaron Shani savent aussi qu’un plan a le droit de durer plusieurs secondes, alors on n’échappe à l’envie de vomir… Pour ça, attendez pas critique de The Green Zone qui arrive très vite.

Ajami confirme que le cinéma israélien est un des plus dynamique et imaginatif qui soit. Il sait parler des problèmes de la région avec intelligence et talent. Bien sûr, on peut imaginer que beaucoup de productions locales, qui ne sortent pas de leurs frontières d’origine, ne sont pas du tout du même acabit. Mais c’est vraiment enrichissant d’avoir une vision plus « locale » de ces problématiques que ce qui peut nous être proposé au Journal Télévisé.

Ajami est donc un très bon film aux intérêts multiples, aussi bien sur la forme que sur le fond. S’il est profondément marqué par le contexte où il se déroule, il se suffit malgré tout à lui-même.

Fiche technique :
Production : Inosan Productions, Twenty twenty vision, ARTE, Vertigo Films
Réalisation : Yaron Shani, Scandar Copti
Scénario : Yaron Shani, Scandar Copti
Montage : Yaron Shani, Scandar Copti, Burkhard Althoff, Doris Hepp
Photo : Boaz Yehonatan Yacov
Distribution : Ad Vitam
Son : Kai Tebbel
Musique : Rabiah Buchari
Directeur artistique : Yoav Sinai
Durée : 118 mn

Casting :
Youssef Sahwani : Abu Elias
Fouad Habash : Nasri
Ibrahim Frege : Malek
Shakir Kabaha : Omar
Eran Naim : Dando
Scandar Copti : Binj

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