TORTILLA FLAT : Un Steinbeck léger

tortillaflatJohn Steinbeck est le chroniqueur le plus célèbre de l’Amérique profonde, très profonde, on ne peut plus profonde. Ses romans Des Souris et des Hommes, A l’Est d’Eden et les Raisins de la Colère font partie des plus grands classiques de la littérature américaine. Ils décrivent un quotidien fait de misère et de drame dans une terre aride et ingrate. Tortilla Flat nous emmène dans le même décor, nous présente les mêmes personnages, mais sur un ton très différent, beaucoup plus léger, beaucoup plus gai. Une sorte de Friends chez les ploucs.

Danny revient de la guerre et s’apprête à reprendre sa vie de vagabond bon à rien. Mais son grand-père vient de décéder et lui a légué deux maisons. Le voilà donc propriétaire foncier. Une opportunité inespérée dont vont largement profiter ses amis tout aussi bons à rien que lui.

Mon parallèle avec Friends n’était pas totalement ironique, tant l’amitié est le thème central de Tortilla Flat. Les personnages font preuve d’une solidarité sans faille, malgré leur capacité à se mettre dans des situations difficiles. C’est cette cohésion qui leur permettra toujours de s’en sortir. Chacun des personnages est à la fois l’ami qu’on ne voudrait pas avoir et l’ami fidèle dont tout le monde rêve. On s’attache à chacun d’eux, nous donnant ainsi envie de faire partie de cette petite bande dont la principale occupation est de trouver un moyen de pouvoir se payer du vin, mais qui serait prête à tout pour secourir l’un d’entre deux.

Le ton de Tortilla Flat est plutôt burlesque. La galerie de personnages, tous haut en couleur, est particulièrement savoureuse et donne un charme particulier et original à ce roman vraiment surprenant pour cet auteur. Mais en conservant un décor qu’il connaît et maîtrise parfaitement, il s’y sent parfaitement à l’aise et nous livre de nouvelles merveilleuses pages de littérature. On s’amuse de les voir déployer des trésors d’énergie et d’imagination pour des causes futiles, mais capitales à leurs yeux. Il y’a un réel esprit anticonformiste dans ce roman, qui s’amuse à remettre en cause les valeurs puritaines. Ceux qui seraient jugés comme respectables dans la société réelle deviennent ici les indésirables face à une solidarité spontanée et fraternelle, qui ne se soucie guère des conventions.

En effet, la plume de Steinbeck reste la même, avec cette puissance incroyable. Du coup, Tortilla Flat donne parfois une impression bizarre avec un décalage avec la légèreté du propos et le style d’écriture qui reste le même que pour les histoires dramatiques qu’il nous réserve habituellement. Mais ce mélange des genres n’est pas forcément désagréable car l’écriture de Steinbeck reste admirable pour elle-même. Certains trouveront peut-être que cela alourdit l’ensemble, mais cela contribue surtout à faire de ce roman une curiosité littéraire réjouissante.

Tortilla Flat n’est pas réellement un chef d’œuvre, mais un roman avec une réelle personnalité, insufflée par son auteur. Relativement court, il ravira les amateurs de burlesque original.

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