COMPARAISONS ET MAUVAISE FOI

reformesretraitesCe qu’il y’a de merveilleux dans le débat (enfin si on peut appeler ça un débat) autour de la réforme des retraites, c’est qu’il oppose généralement des gens ignorants à des gens de mauvaise foi, quand les interlocuteurs ne sont pas les deux à la fois. Il est vrai que le problème est assez technique et même après avoir relativement bien potassé le sujet, comme moi, on arrive vite à dire plusieurs fois « je ne sais pas » face à quelqu’un qui vous interroge.

Et comme tout problème complexe, il n’y a pas une seule façon de le traiter et tous les « faut qu’on », « y’a qu’à » ne sont généralement que l’expression d’un manque de réflexion réelle…ou de calcul politique. Mais le pire dans tout ça, c’est quand même la comparaison internationale sensée constituer une preuve ferme et définitive. Comme si l’intelligence des autres pouvaient servir à compenser le fait que l’on en manque…

La droite a donc trouvé son argument imparable : on bosse plus longtemps ailleurs donc on n’a qu’à faire la même chose. Bon déjà premièrement cette assertion, sans être fausse dans l’absolu, est généralement totalement erronée vu la manière dont elle est présentée. En effet, les systèmes sont tellement différents que la comparaison généralement présentée, celles des âges légaux, n’a que peu de sens. Les seuls chiffres de comparaison qu’il soit logique de comparer, les seuls qui permettent de se rendre compte de la réalité du système, est celui de l’âge moyen de départ effectif à la retraite. Et là les écarts entre pays européens sont beaucoup réduits. Et surtout, l’affirmation « les Allemands bossent déjà jusqu’à 65 ans » se trouvent totalement contredite puisque l’âge moyen de sortie du monde du travail outre-Rhin était, en 2008, de 61,4 ans pour les femmes et 62,1 pour les femmes.

Certes, en France, les chiffres sont de 59,1 et 59,4 ans. On peut donc tout de même affirmer que nous travaillons moins longtemps chez nous. Mais il faut mettre ça en parallèle avec un autre paramètre, celui de l’emploi des seniors. La différence entre l’Allemagne et la France est énorme dans ce domaine. Avant la crise qui a radicalement perturbé les marchés du travail, le taux d’activité des 55-59 ans était de 63,2 en Allemagne contre 54,5% en France. Ce n’est pas un écart, mais un gouffre. Un gouffre qui traduit la méfiance des entreprises françaises vis-à-vis des seniors. Un gouffre qui creuse le déficit des comptes sociaux, puisqu’il prive le pays de cotisations retraite et induit le versement d’indemnités-chômage. Un gouffre qui contribue également fortement à l’écart d’âge moyen de départ à la retraite dans nos deux pays. Si les Français partent plus tôt que leurs cousins allemands, c’est souvent qu’ils n’ont pas le choix… si ce n’est de partir en retraite avec une pension largement diminuée.

Et là, on touche au chiffre que la droite se garde bien de rappeler. En Allemagne, l’âge minimal de cotisation pour toucher une pension à taux plein n’est que de 35 ans contre bientôt 41,5 ans en France (il est même de 30 ans en Grande-Bretagne). Et là, on voit immédiatement la différence entre nos deux pays : en Allemagne, on part plus tard mais avec l’assurance de toucher la retraite maximale que l’on peut espérer, contrairement à la France où le départ se fait plus tôt, mais avec de grands risques de subir une décote, particulièrement sévère dans notre pays, de sa pension. Avec la réforme que l’on nous propose, le salarié va subir une double peine. Il devra partir plus tard, mais sans gagner aucune garantie quant au montant de sa pension, bien au contraire puisque la durée de cotisation va encore s’allonger d’ici 2020.

La réforme des retraites ne va donc pas aligner notre système sur celui de nos voisins. Il va créer le système le plus injuste et le plus sévère de tous les pays développés. En fait, le but ultime de la réforme est bien de faire baisser le montant moyen des pensions. Une mesure invendable politiquement. Mauvais foi quand tu nous tiens…

P.S : il y’a un dernier chiffre capital que je n’ai pas évoqué ici, c’est le taux de remplacement, c’est à dire l’écart entre salaires et pensions. J’ai passé pas mal de temps à chercher des chiffres clairs… Mais il n’en existe pas. En effet, il faut à la fois comparer les régimes généraux, les régimes complémentaires et les régimes fiscaux des pensions. Le seul document qui allait aussi loin concluait sur le fait… qu’il était difficile de conclure, même si les différences ne semblaient pas énorme au final.

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