PREPAREZ VOS MOUCHOIRS : Transgression oscarisée

preparezvosmouchoirsafficheSi vous voulez briller en société, vous pouvez jouer à un petit jeu. Demander à vos interlocuteurs de retrouver les 12 (+2) films français qui ont été récompensés aux Oscars depuis 1948. Ce petit jeu peut vous occuper assez longtemps car rien ne garantit que quelqu’un dans l’assemblée cite spontanément Les Dimanches de Ville d’Avray, de Serge Bourguignon, ou La Vie Devant Soi, de Moshé Mizrahi. Un Homme et une Femme, de Claude Lelouch, ou La Nuit Américaine, de François Truffaut, auront peut-être un peu plus de chance d’être mentionné. Et pour épater vos amis, n’oubliez pas de répondre Préparez vos Mouchoirs, de Bertrand Blier, récompensé en 1979.

Raoul est marié à Solange. Il en est encore terriblement amoureux et se désespère de la voir sombrer dans un état léthargique et dépressif. Pour l’en sortir, il « l’offre » à un inconnu, Stéphane, assis derrière eux au restaurant. Mais rien n’y fait. Les deux hommes, devenus amis, mettent alors tout en œuvre pour redonner le sourire à Solange.

Que Préparez vos Mouchoirs ait été récompensé aux Oscars est doublement étonnant. Déjà parce que ce n’est pas le film de Betrand Blier ayant eu le plus de succès, ni celui qui a le plus marqué les esprits dans notre pays. Les Valseuses, Buffet Froid ou Tenue de Soirée restent ses œuvres ses plus significatives. Enfin, il est vrai que nombre de prix ont été donnés à de nombreux films totalement oubliés aujourd’hui (souvent à tort, parfois à raison).

Mais ce qui est encore plus surprenant, c’est que l’académie des Oscars ait récompensé un film aussi transgressif, à des années lumières d’un puritanisme qui colle pourtant à la peau d’Hollywood. Une telle chose serait totalement inimaginable aujourd’hui et c’est bien dommage. Mais voilà, nous étions encore dans les années 70 et la chape du politiquement correct n’était pas encore tombé sur le monde. Dans un autre style, un producteur accepterait-il encore aujourd’hui de donner vie aux Aventures de Rabbi Jacob ?

Mais revenons plus précisément à Préparez vos Mouchoirs. On y retrouve tout ce qui a fait le succès de Bertrand Blier. Un sens inné de la provocation, de la critique acerbe du conformisme et des bonnes mœurs. On y retrouve encore une fois des personnages bien comme il faut, finissant par se lâcher et trouver ainsi un bonheur et une joie de vivre qui les avaient depuis longtemps abandonnés. Le tout s’accompagne d’un humour parfois noir, souvent décalé et presque toujours subversif. On y retrouve aussi le témoignage de la libération sexuelle survenue dans la décennie précédente et qui s’exprime ici avec force.

preparezvosmouchoirsMais si Préparez vos Mouchoirs est moins culte que les Valseuses ou que Buffet Froid, c’est tout simplement parce qu’il est un peu moins drôle. Il recèle bien quelques morceaux de bravoure, quelques apparitions succulentes, Sylvie Joly et Michel Serrault en tête. Mais aussi quelques passages un peu longuets, où le propos et l’humour tournent en rond. On est bien là devant un classique du cinéma français, mais pas un de ses plus grands chef d’œuvres.

Préparez vos Mouchoirs constitue aussi l’occasion de retrouver un des plus extraordinaires duos du cinéma français, Gérard Depardieu et Patrick Dewaere. C’est aussi une nouvelle occasion de regretter que ce dernier soit parti trop tôt, bien trop tôt. Leur complicité à l’écran est nouvelle fois évidente et constitue l’axe principal sur lequel repose le film. Car en face d’eux, Carole Laure est un peu palote. On est loin du trio Miou-Miou, Jeanne Moreau, Isabelle Huppert qui les accompagnait dans les Valseuses. Ceci explique en grande partie la légère différence de qualité entre les deux films.

Préparez vos Mouchoirs reste un grand moment de cinéma transgressif, à une époque où ce dernier avait encore droit de cité, même sur Hollywood Boulevard.

P.S : Pour ceux qui se demandent pourquoi j’ai mis (+2) lors de mon introduction à propos des films français primés aux Oscars, c’est que je compte aussi Z de Costa-Gavras qui a concouru sous le drapeau algérien et La Victoire en Chantant de Jean-Jacques Annaud sous les couleurs ivoiriennes.

Fiche technique :
Réalisateur : Bertrand Blier
Scénario, Adaptation et Dialogue : Bertrand Blier
Photographie : Jean Penzer
Musique : Georges Delerue, ainsi que des oeuvres de Mozart et Schubert
Décors : Eric Moulard
Montage : Claudine Merlin
Son : J.P Ruh
Production : Ariane-Films et CAPAC (France) – Belga Films et SODEC (Belgique)
Pellicule 35mm, couleur par Eastmancolor
Date de sortie : France : 11 janvier 1978
Durée : 1h48

Casting :
Gérard Depardieu : Raoul
Carole Laure : Solange
Patrick Dewaere : Stéphane
Michel Serrault : Le voisin
Eléonore Hirt : Mme Belœil
Jean Rougerie : M. Belœil
Sylvie Joly : La passante
Riton Liebman : Christian Belœil (sous le nom de Riton)
Liliane Rovère : Marthe la serveuse de bar (« Bernadette »)
Michel Beaune : Le médecin dans la rue

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