LE TEMPS DES (QUASI) REGRETS

copeComme beaucoup de personne de gauche, le 5 mai 2002, j’ai voté Jacques Chirac au second tour de l’élection Présidentielle. Je l’ai fait sans aucune hésitation. Je n’ai jusqu’à aujourd’hui ressenti aucun regret, bien que jamais le Président n’a guère tenu compte des circonstances exceptionnelles, pour ne pas dire inespérées, de son élection. Nous fûmes des millions à faire de même, car il nous était pour nous impensable de ne pas voter pour un candidat aux convictions certes différentes des nôtres sur bien des points, mais qui était le seul à pouvoir s’opposer à un candidat qui n’avait que la haine comme programme.

Jamais une seule seconde, nous nous sommes interrogés de savoir si cela signifiait que le RPR ou le PS, c’était la même chose. Nous savions simplement qu’entre les valeurs démocratiques et le racisme, il n’y avait aucune hésitation à avoir. Cela ne prêtait ni à débat, ni à discussion, ni à controverse. Les adversaires d’un jour peuvent se retrouver alliés de circonstances quand les circonstances l’exigent. Etre adversaires ne signifient ni se haïr, ni se manquer de respect. Faire de la politique, c’est savoir agir de manière responsable et courageuse, et non de manière mesquine et calculatrice. Je suis le premier à revendiquer un certain droit à la mauvaise foi dans le débat d’idées et à reconnaître l’aspect théâtral de l’arène politique. Mais il est des temps où le jeu doit cesser pour faire place à l’action et à des décisions sans ambigüité pour faire barrage à ce qui menace les fondements même de notre société.

Tout était donc clair pour moi et si le 5 mai 2002 fut un jour douloureux, je n’avais jamais imaginé me dire que j’aurais pu faire autrement. Puis, j’ai entendu Jean-François Copé ce dimanche soir. Et d’un coup, j’en suis presque venu à douter du bien fait de mon attitude d’il y a 9 ans. Je sais bien que la mémoire est courte en politique et qu’il ne faut pas s’attendre à des renvois d’ascenseur, mais un tel mépris, une telle injure à l’histoire ne me semblait pas imaginable dans la bouche de celui qui reste, pour au moins un an, le chef de file du parti majoritaire en France.

Evidemment, tout cela est à replacer dans son contexte et l’attitude du peuple de gauche en 2002 est évidemment le seul qui reste justifiable. Une attitude qui reste une ligne de conduite intangible vu l’appel, dès dimanche soir, du PS, du PC et des Verts pour appeler à voter UMP en cas de duel entre un de leur candidat et un candidat du FN. C’est dans ces moments là que je me dis qu’ils ne sont pas près de me voir de l’autre bord.

On peut d’ailleurs déplorer avec force le silence plus que regrettable de Jacques Chirac dans cette affaire. On peut comprendre qu’après le report de son procès, il tente de se faire discret, mais une intervention de sa part aurait eu un poids considérable vues les circonstances. Décidemment, sa carrière politique l’aura toujours laissé à la porte de la grandeur.

Mais le plus grand enseignement que l’on peut tirer de cette attitude ignoble et inqualifiable est que l’UMP est définitivement aux abois. Il a renoncé à chasser les voix au centre et encore moins à gauche. Il concentre sa stratégie uniquement vers l’électorat frontiste. Il s’agit évidemment d’une stratégie perdante car les élections nationales se gagnent au centre. Nicolas Sarkozy avait su ménager ses deux flancs et c’est ce qui l’avait conduit à la victoire en 2007. Mais là, c’est à droite toute et il semble s’éloigner de plus en plus du chemin de sa réélection.

Notre Président a encore le temps de redresser la barre d’ici 2012, même si cela devient chaque jour un peu plus improbable. Mais son attitude et celle de son parti coupent encore et toujours un peu plus profondément le pays en deux blocs. Et ce qui est sûr, c’est qu’ils ne sont pas sur celui de la dignité.

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