ROUTE IRISH : Sortie de route pour Ken Loach

routeirishafficheDans la série, on m’avait pourtant prévenu, après L’Assaut, voici Route Irish, le dernier film de Ken Loach. Sorti dans un anonymat complet, unanimement descendu en flamme par la critique, il a déjà quasiment disparu des écrans après tout juste deux semaines d’exploitation. J’aurais bien aimé m’insurger contre cette situation et la juger injuste, mais il n’en est malheureusement rien. Il s’agit bien là d’un film raté et il ne mérite que l’oubli.

Fergus vit mal la mort de son ami, autant dire son frère, Frankie. En effet, c’est lui qui l’a poussé à la rejoindre dans son job d’agent de sécurité à Bagdad. Mais ce qu’il vit encore moins bien, c’est la version officielle de la société qui les emploie. Il va mener sa propre enquête et très vite découvrir qu’on cherche à cacher quelque chose.

Il arrive à tout le monde de se planter et ce jour est arrivé pour Ken Loach. Il faut dire qu’au rythme d’un film par an, cela devait bien finir par arriver. Vue la longueur de sa filmographie, on lui pardonnera aisément et Route Irish ne représentera qu’une toute petite tâche, presque invisible à l’œil nu. Mais bon, puisque tel est mon lot, je vais tout de même vous en faire une critique un tantinet plus développée avant de rejeter ce film au tréfonds de ma mémoire.

Si la forme reste propre, c’est au niveau du scénario que Route Irish se plante totalement. Le sujet est pourtant au cœur de l’actualité et aurait pu être traité avec force. Au contraire, il est ici sans grande surprise. Le suspense est un faux suspense et même le retournement de situation final ne surprend pas vraiment. Un air de déjà-vue, pour ne pas dire de mauvais téléfilm. Les personnages y sont peut-être un peu plus fouillés, mais on ne s’y attache guère. Ken Loach a déserté les thèmes sociaux pour signer ici un film plus proche du polar, mais cela constitue un échec complet.

Route Irish confond ambiguïté et antipathie. On peut être une victime et provoquer guère de compassion. Le seul axe qui aurait pu sortir le film de sa torpeur est celui des rapports entre Fergus et la veuve de son ami. Mais, cela aboutit évidemment à la scène attendue où ils finissent par se sauter dessus… Bon ok, il renonce en cours de route, mais franchement, cela n’a rien de surprenant, rien de dérangeant, rien de provoquant et n’apporte par ailleurs rien au scénario. Un exemple assez symptomatique de ce qui pêche dans ce film qui ne fait jamais frémir l’encéphalogramme du spectateur.

routeirishRoute Irish reste tout de même un film de Ken Loach. Photographie élégante et discrète, direction d’acteurs impeccable. Mais son cinéma est bien trop basé sur le sens et la qualité des histoires qu’il raconte pour que la forme puisse un seul instant compenser les manques du fond. On sent bien que ce film n’est pas non plus réalisé par n’importe qui, mais au-delà de ce constat, cela ne nous console guère.

Un mot enfin sur l’interprétation, à laquelle on ne peut pas reprocher le relatif naufrage de Route Irish. Les deux acteurs principaux remplissent leur rôle avec un réel talent. Mark Womack et Andrea Lowe confirment que le cinéma britannique possède une réserve inépuisable de comédiens de haut niveau… et avec des accents délicieux. Car si le cinéma de Ken Loach a une vertu, c’est celle de nous faire découvrir la richesse linguistique de la Grande-Bretagne.

Route Irish est donc un film à oublier. D’ailleurs, c’est déjà fait… Mais vivement le prochain Ken Loach !

Fiche technique :
Production : Sixteen films, Why not productions, Wild bunch
Réalisation : Ken Loach
Scénario : Paul Laverty
Montage : Jonathan Morris
Photo : Chris Menges
Décors : Fergus Clegg
Distribution : Diaphana
Musique : George Fenton
Directeur artistique : Grant Armstrong
Durée : 109 mn

Casting :
Mark Womack : Fergus
Andrea Lowe : Rachel
John Bishop : Frankie
Geoff Bell : Walker

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *