LA CONQUETE : Place des petits hommes

laconqueteafficheUn film politique, qui plus est extrêmement réaliste, ne semble pas vraiment rimer avec comédie. Pourtant, avec une caméra qui cherche à nous montrer les êtres humains, avec leurs défauts et leurs faiblesses, on se rend vite compte que les arcanes du pouvoir sont le lieu rêvé pour un excellent vaudeville. Grands et petits de ce monde sont souvent frappés des mêmes travers, que l’Histoire, avec un grand H, a tendance à effacer. La Conquête constituait un pari osé, qui nous plonge au cœur de l’histoire avec un petit h de l’arrivée au pouvoir de Nicolas Sarkozy. Le résultat est particulièrement convaincant, malgré quelques limites.

2002, Jacques Chirac est réélu Président de la République. Comme premier ministre, il choisit Jean-Pierre Raffarin, au grand dam de Nicolas Sarkozy. Mais ce dernier, ne va pas tarder à afficher clairement ses ambitions présidentielles pour 2007. Et rien, ni personne ne l’arrêtera. Surtout avec Cécilia à ses côtés…

On a beaucoup parlé de la performance de Denis Podalydes, imitateur bluffant de notre Président. La voix, les tics, la démarche, le regard, tout y est. Un travail aussi impressionnant que celui de Marion Cotillard dans la Môme. Après, on peut toujours débattre sur la valeur réelle de tels rôles d’imitation plus que de composition. Surtout, que cela concerne à peu près tous les personnages. Bernard Le Coq en Chirac et Samuel Labarthe en De Villepin sont eux-aussi criants de ressemblance. Et vous n’aurez aucun mal à reconnaître d’autres personnalités politiques, pas forcément nommés, comme Rachida Dati ou Frédérique Lefebvre.

L’axe principal du scénario se situe sur la relation entre Nicolas Sarkozy et sa femme Cécilia. Quelque part, la conquête du pouvoir n’est qu’un décor pour ce mélo dont la fin est déjà connue. Un décor qui prend beaucoup de place, mais le fil rouge reste bien le déchirement de ce couple qui doit malgré tout sauver les apparences jusqu’au jour de l’élection. Notre Président y apparaît comme un homme éperdument amoureux, constamment partagé entre l’amour pour sa femme et son amour du pouvoir. On sait bien celui qui finir par l’emporter, mais la Conquête nous montre bien comment un tel destin en mouvement est inarrêtable.

laconqueteMais la Conquête reste néanmoins sans complaisance pour ses personnages et il est difficile de dire qu’il les rend plus sympathiques en les rendant plus humains. Au contraire, on plonge en plein cœur du décalage entre leur médiocrité d’hommes et la grandeur qu’ils doivent afficher en public. Ce décalage, s’il est inévitable en politique, donne un air de farce à chacun de leur agissement, alors que c’est le destin même du pays qui se joue. D’ailleurs, la musique est là pour le souligner constamment, avec des airs que l’on attendrait plus sur la piste d’un cirque que dans les salons de l’Elysée. Si on ajoute à cela des répliques sûrement trop bonnes et cinglantes pour être véridiques, ce film nous offre quelques moments d’anthologie délectables, comme le dernier déjeuner de travail entre Domique De Villepin qui vient de prendre la tempête CPE en pleine figure et un Nicolas Sarkozy qui sati pertinemment qu’il n’a plus rien à craindre de lui. Tout cela est étonnamment drôle, même si, parfois, on aimerait penser que tout cela n’est pas vrai.

Mais toutes ces qualités constituent au final la grande limite de La Conquête. A force de vouloir nous raconter les évènements au plus près de ce qui s’est réellement passé, on n’apprend au final pas grand chose… pour peu qu’on s’intéresse un minimum à la politique. Certes, vous me direz, tel n’était pas du tout là le propos de ce film. Mais il lui manque quand même des éléments qui en ferait autre chose qu’une imitation du réel même particulièrement réussie. Chaque médaille a son revers, on ne peut pas voir le beurre et l’argent du beurre… Bref, il était sûrement impossible de franchir cette limite sans changer radicalement le film, alors apprécions-le pour ce qu’il est.

La Conquête est donc un exercice cinématographique osé, mais parfaitement exécuté. Mais le partie pris d’un récit qui colle à la réalité ne nous permet pas de dépasser le stade de la sympathie pour cette histoire donc connaît déjà le dénouement.

Fiche technique :
Production : Mandarin cinéma, Gaumont
Réalisation : Xavier Durringer
Scénario : Patrick Rotman
Montage : Catherine Schwartz
Photo : Gilles Porte
Décors : Eric Durringer
Distribution : Gaumont
Musique : Nicola Piovani
Durée : 105 mn

Casting :
Denis Podalydès : Nicolas Sarkozy
Florence Pernel : Cécilia Sarkozy
Benrard Le Coq : Jacques Chirac
Jippolyte Girardot : Claude Guéant
Samuel Labarthe : Dominique de Villepin
Grégory Fitoussi : Laurent Solly
Pierre Cassignard : Frédéric Lefebvre
Saïda Jawad : Rachida Dati
Dominique Besnéhard : Pierre Charron

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