PRESUME COUPABLE : L’enfer du Nord

presumecoupableafficheCette année aura été pour le cinéma français l’année des films sur les erreurs judiciaires, avérées ou supposées. Après Omar m’a Tuer, voici Présumé Coupable, qui revient sur l’affaire d’Outreau, pour laquelle 13 personnes ont été accusées à tort des pires exactions pédophiles. Certaines ont même été jugées coupables en première instance de manière aléatoire et incompréhensible, avant d’être innocentées en appel. Parmi elles, Alain Marécaux dont ce film raconte l’histoire.

Alain Marécaux est huissier de justice à Outreau, dans le Nord. Un matin, la police débarque chez lui et l’arrête, ainsi que son épouse, les accusant de viol sur mineurs. Commence alors un terrible cauchemar face à une machine judiciaire qui va le broyer, alors qu’aucune preuve de sa culpabilité n’existe.

A la fin de Présumé Coupable, une partie de la salle a applaudi. C’est un phénomène suffisamment rare pour être signalé. Cela ne tient pas tant aux qualités cinématographiques bien réelles de ce film qu’à l’émotion que cette histoire, encore très fraîche dans les mémoires, véhicule dans notre imaginaire collectif. Cette sensation de proximité avec une tragédie, qui, au fond, aurait pu arriver à chacun de nous, renforce encore la facilité avec laquelle on rentre dans ce film, pour ne pas en ressortir tout à fait indemne.

Mais Présumé Coupable a l’intelligence de ne pas nous raconter cette histoire de manière trop directe et ne ressemble donc pas un documentaire enflammé et à charge contre le système judiciaire. Ce n’est pas un film sur l’Affaire d’Outreau, mais sur le calvaire d’Alain Marécaux. Ce choix permet à Vincent Gareng de nous offrir un vrai moment de cinéma, qui aurait pu exister, même s’il n’était qu’une pure fiction. Après, le fait que cela soit des faits réels ne vient qu’amplifier une émotion, qui n’est jamais facile.

Présumé Coupable ne se focalise donc pas directement sur la violence de la police, sur l’entêtement absurde et détestable du Juge Burgaud ou sur les médias qui ont rapporté les faits et livrer la réputation de ces gens aux chiens, sans jamais prendre le moindre recul. Certes tout cela apparaît mais le film se focalise beaucoup plus sur les conséquences de tout ça. Sur la vie qui se brise, sur l’amour qui ne survit pas, sur le regard des autres qui même accompagné d’un mot de soutien en dit long sur le jugement qui est déjà tombé, sur le désespoir face à la sensation qui grandit un peu plus chaque jour que le cauchemar ne prendra jamais fin.

presumecoupableMais Présumé Coupable, comme Omar m’a Tuer, constitue un exercice qui a ses limites. Il s’agit là d’un témoignage, mais qui rapporte des faits déjà connus de tous. Il n’y a pas d’éléments nouveaux, simplement la mise en image de ce que l’on savait déjà. Cependant, il nous fait prendre conscience, au moins partiellement, de ce qu’a pu être le calvaire de ses hommes et ses femmes. Si cela nous amène à ne pas juger trop vite ceux que les médias nous livrent comme coupables, alors l’exercice n’aura pas été vain.

Présumé Coupable est aussi la confirmation que Philippe Torreton est peut-être le plus grand acteur français actuel. Mais en choisissant des rôles difficiles et intéressants plutôt que populaires, il renonce peut-être à la une des journaux people (en plus, je doute qu’il soit du genre à pisser dans une bouteille…), mais sûrement pas à l’admiration de tous les cinéphiles. Ce film est aussi l’occasion d’une vraie révélation, celle de Raphaël Ferret, qui tenait pourtant son premier rôle au cinéma. Son interprétation du Juge Burgaud, à la fois sobre et terrifiante, contribue largement à la réussite de ce film.

Au final, Jugé Coupable réussit à éviter tous les pièges, notamment le voyeurisme ou la dénonciation directe et facile. Il constitue plus une piqure de rappel, plus qu’une révélation. Mais il y a des piqures de rappels parfois nécessaires.

Fiche technique :
Production : Nord-Ouest Films, France 3 Cinéma, Artémis productions
Distribution : Mars distribution
Réalisation : Vincent Garenq
Scénario : Vincent Garenq, d’après le livre d’Alain Marécaux
Montage : Dorian Rigal-Ansous
Photo : Renaud Chassaing
Son : Pascal James
Directeur artistique : Yves Brover
Durée : 102 mn

Casting :
Philippe Torreton : Alain Marécaux
Wladimir Yordanoff : Maître Delarue
Noémie Lvovsky : Edith Marécaux
Raphaël Ferret : Le juge Burgaud
Michèle Goddet : Thessy
Farida Ouchani : Myriam Badaoui
Olivier Claverie : Le procureur

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