WE NEED TO TALK ABOUT KEVIN : Faites des enfants qu’ils disaient !

weneedtotalkaboutkevinafficheSi jamais votre envie de vous reproduire a survécu à Un Heureux Evénement, je vous propose une thérapie beaucoup plus radicale. Résultats garantis. Après avoir vu We Need To Talk About Kevin vous ne verrez plus jamais une chère tête blonde de la même façon. Vous réaliserez que derrière chaque enfant peut se cacher un dangereux psychopathe, sadique et manipulateur.

Eva est une femme seule dans une banlieue triste. Elle subit le regard des autres et quelques brimades de temps à autres, la renvoyant au sentiment de culpabilité que la dévore. Sa faute ? Avoir donné naissance à Kevin…

Dans la série des grands méchants du cinéma, aux côtés de Darth Vader et Freddy Kruger, on pourra rajouter Kevin. Bien sûr, et sans rien dévoiler du film, le Kevin de 16 ans est particulièrement peu sympathique. Mais le Kevin de trois ans vaut déjà son pesant de cacahuètes. Et aucun exorcisme n’y pourra bien, cet enfant est juste foncièrement monstrueux et s’amuse à torturer lentement sa mère au fil des années. Et évidemment, ça n’ira pas en s’arrangeant à mesure qu’il grandit.

La grande audace de We Need To Talk About Kevin réside donc dans cette transgression : faire d’un enfant, habituellement symbole cinématographique de l’innocence, de l’altruisme (ce qui est quand même une belle connerie) et de la gentillesse, un être que l’on ne peut s’empêcher de détester, qui nous effraye et nous révolte, est particulièrement osé. Surtout que le film aurait pu facilement sombrer dans une surenchère spectaculaire mais qui aurait complètement décrédibilisé le propos. Là au contraire, il souligne parfaitement le caractère insidieux et quotidien d’une vraie persécution psychologique. Bon, tout cela finit un à coups de grosses ficelles, mais globalement le tout reste quand même très convaincant.

La mise en forme de We Need To Talk About Kevin porte lui beaucoup plus à débat. Il est vrai que cette construction en multiples couches temporelles qui se déroulent en parallèle, obligeant le spectateur à faire l’effort constant de se replacer dans la chronologie se situe dans l’air du temps. Le flash-back devient de plus en plus la norme et non plus l’exception. Mais personnellement, je trouve que le procédé est ici utilisé plutôt habilement et contribue à créer la tension narrative. Racontée de manière linéaire, cette histoire n’aurait sûrement pas eu le même impact.

weneedtotalkaboutkevinAu-delà du montage, la réalisation de Lynne Ramsay est très sobre, presque austère. Mais elle contribue parfaitement au caractère oppressant de We Need To Talk About Kevin. Les gros plans, nombreux, sur les visages de Kevin ou de sa mère renvoient à la froideur et au désespoir qu’ils ressentent respectivement. Le film cultive tout du long cette tension qui nous fait réaliser combien la catastrophe finale est inévitable.

We Need To Talk About Kevin nous permet surtout d’apprécier la prestation extraordinaire de Tilda Swinton, connue surtout pour incarner la méchante sorcière dans Narnia. Elle tient là peut-être le rôle de sa carrière. Dès la première seconde, elle semble porter toute la misère du monde sur son visage qui se décompose de plus en plus au fur et à mesure que son enfant grandit. A ses côtés, le trop rare John C. Reilly dont le personnage manque malheureusement un peu d’épaisseur. Enfin, espérons que les jeunes acteurs qui incarnent Kevin tenaient là un rôle de composition.

We Need To Talk About Kevin, malgré quelques défauts, constitue un film dérangeant et transgressif. Mais il nous plonge aussi dans une réalité qui existe malheureusement parfois, loin des clichés hollywoodiens.

Fiche technique :
Production : Independant Films
Réalisation : Lynne Ramsay
Scénario : Lynne Ramsay, Rory Stewart Kinnear, d’après le roman de Lionel Schriver
Montage : Joe Bini
Photo : Seamus McGarvey
Décors : Judy Becker
Distribution : Diaphana
Son : Paul Davies
Musique : Jonny Greenwood
Durée : 110 mn

Casting :
Tilda Swinton : Eva
Ezra Miller : Kevin
John C. Reilly : Franklin
Ashley Gerasimovich : Celia
Siobban Fallon : Wanda
Ursula Parker : Lucy
Jasper Newell : Kevin enfant

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