La France cinématographique continue d’explorer son histoire. En 2006, il nous avait parlé du rôle des soldats africains lors de la Seconde Guerre Mondiale au travers du magnifique Indigènes. Avec Les Hommes Libres, nous pouvons découvrir le rôle que ces mêmes populations ont joué dans la résistance à Paris. Une page de notre passé méconnue qui méritait bien un hommage sur grand écran, à défaut d’un grand film.
En 1942, Younes venu d’Algérie vit du marché noir. Arrêté par la police, il n’a d’autre choix que de les aider en acceptant d’espionner ce qui se passe à la Grande Mosquée de Paris. En effet, le recteur est soupçonné de délivrer de faux papiers. Younes y rencontrera Salim, se liera d’amitié avec lui avant de découvrir qu’il est juif. C’est alors qu’il décidera de rejoindre la combat pour la liberté.
Les Hommes Libres possèdent donc un réel intérêt historique. Avant tout, à propos de l’époque où se déroulent les évènements, mais aussi en nous projetant vers l’avenir. En effet, si de nombreux Algériens ont combattu du côté de la résistance, c’est aussi pour espérer bénéficier enfin en retour d’une réelle reconnaissance. Cela ne se passera évidemment pas tout à fait comme cela pour aboutir au conflit que l’on sait. Un film riche donc qui replace avec bonheur les choses dans leur contexte, sans parti pris ou revendications exacerbées.
Du coup, les Hommes Libres manque peut-être d’un rien de souffle épique qui aurait pu lui donner une toute autre dimension. Certes, le scénario est rythmé, avec un peu d’action et des rebondissements. On ne s’ennuie donc pas, même si cela est rarement spectaculaire. On est plutôt devant un bon polar, pas révolutionnaire, mais agréable à suivre. Mais en dehors de son contexte historique, cette histoire est de bonne facture, mais sans éclat ou génie particulier.
Les Hommes Libres pêchent en fait par des personnages un peu trop classiques, pour ne pas dire caricaturaux. Le parcours de Younes, sa prise de conscience puis son engagement, restent sans surprise. On aurait même envie de dire cousus de fil blanc. Son cousin, idéaliste, rappelle lui aussi tant et tant de personnages du même type. Seul le recteur, Kaddour Ben Gharbit, personnage historique, est un peu plus ambiguë et intéressant. Le propos aurait sans doute mérité une psychologie des personnages plus subtiles. Mais encore une fois, cela est loin de retirer tous les mérites réels de ce film.
La réalisation de Ismael Ferroukhi est à l’image de son film. Maîtrisé, mais sans grande prise de risque. Cependant, pour un premier film, Les Hommes Libres reste définitivement une réussite. On lui reconnaîtra tout de même un vrai talent dans la direction d’acteurs. Le film repose beaucoup sur ses personnages et le réalisateur d’origine marocaine sait vraiment les mettre en valeur. Espérons qu’un scénario où les personnages seront plus aboutis lui permettra prochainement d’exploiter pleinement ces qualités.
Les Hommes Libres laisse donc une grande place au talent des acteurs. Tahar Rahim occupe le rôle titre, mais plombé par un personnage trop prévisible, il se contente d’assurer une performance propre et sans bavure, mais sans génie non plus. La vraie révélation du film s’appelle Mahmud Shalaby qui possède une réelle présence à l’écran. La star de ce film reste évidemment l’inoxydable Michael Lonsdale. Pour mesurer l’immense talent de ce géant du cinéma français, on notera qu’il est aussi à l’aise ici en recteur de la Grande Mosquée de Paris qu’en moine de Thibérine dans Des Hommes et des Dieux.
Les Hommes Libres n’est donc certainement pas le film de l’année. Mais le sujet, relativement bien traité, est assez digne d’intérêt pour que le film le soit aussi.
Fiche technique :
Réalisation : Ismaël Ferroukhi
Scénario : Ismaël Ferroukhi et Alain-Michel Blanc
Musique : Armand Amar
Photographie : Jérôme Alméras
Son : Jean-Paul Mugel, Séverin Favriau, Stéphane Thiébaud
Montage : Annette Dutertre
Décors : Thierry François
Costumes : Virginie Montel
Durée : 99 minutes
Casting :
Tahar Rahim : Younes
Michael Lonsdale : Si Kaddour Benghabrit
Mahmoud Shalaby (voix chantée : Pinhas Cohen) : Salim Halali
Lubna Azabal : Leïla
Christopher Buchholz : le major Von Ratibor
Farid Larbi : Ali
Stéphane Rideau : Francis