DE BON MATIN : Ligne (trop) droite vers l’enfer

debonmatinafficheLa violence des rapports dans le milieu professionnel a déjà fait l’objet de plusieurs excellent films français. Il est vrai que notre pays a connu une prise de conscience de la souffrance au travail, même chez les cadres, ces dernières années, avec notamment de nombreux suicides. On avait notamment pu apprécier le magnifique Le Couperet de Costa-Gavras et Violence des Echanges en Milieu Tempéré de Jean-Marc Moutot. Ce dernier nous revient avec De Bon Matin, mais qui malheureusement n’est pas à la hauteur de ses prédécesseurs.

Un beau matin, Paul Wertet se rend à son travail dans une grande banque. Il se rend dans le bureau de son supérieur et l’abat avec un revolver. Il tuera également son bras droit. Comment en est-on arrivé là ?

De Bon Matin souffre d’un cruel défaut : sa linéarité. Déjà, on connaît le dénouement dès les premières secondes. Le sujet du film est donc le processus qui amène un homme à agir ainsi. Sauf que lui aussi est connu très rapidement. Bien sûr les choses iront en empirant, les humiliations vous s’accumuler, mais de manière très régulière et sans jamais vraiment changer de nature. On cerne très vite les relations entre les personnages et elles n’évolueront jamais.

Un bon exemple réside dans son collègue dont il est le plus proche, Monsieur « de toute façon, on ne peut rien faire ». Il symbolise la passivité des autres face à l’inacceptable, la détérioration des conditions de travail et la souffrance d’un salarié. Sauf qu’il répétera toujours la même maxime, ne variant jamais de son attitude initiale, quels que soient les évènements. On est donc loin de l’intelligence du scénario de Violence des Echanges en Milieu Tempéré qui prenait tout son intérêt dans l’évolution, parfois surprenante, des personnages.

Du coup, on finit par trouver le temps long devant De Bon Matin. Aussi intéressant soit-il, le propos est loin d’être assez étoffé pour en faire un film. De nombreux aspects du scénario manquent par trop de développement pour que l’on en saisisse clairement l’intérêt, comme si Jean-Marc Mouton avait eu peur d’exploiter la moindre idée qui l’éloignerait du propos principal. On pourra saluer la démarche, mais on préfèrera relire L’Open-space m’a Tuer pour mieux comprendre ce à quoi ressemble les conditions de travail dans certains milieux professionnels. On est là typiquement devant un film qu’on aimerait aimer, mais qui se révèle être au final trop médiocre cinématographiquement pour s’enthousiasmer ne serait-ce qu’une seule seconde. On ressort de ce film le cœur gros, on a bien versé une larme ou deux, mais on sait au fond de soi qu’on aurait du être beaucoup bouleversé que cela.

debonmatinIl faut ajouter à tout cela une réalisation que l’on qualifiera de sobre si on décide d’être gentil et de minimaliste si on est dans un plus mauvais jour. Bien sûr, Jean-Marc Moutot ne fait pas dans l’esbroufe, ce qui compte c’est le propos, le propos et le propos. Mais dans De Bon Matin, seul le montage en flashbacks permanents est un minimum recherché. Une descente en enfer est un thème classique du cinéma et bien des réalisateurs ont su mettre une mise en images imaginative au service d’un sujet profond ou bouleversant. Ce n’est pas le cas ici. Cependant, pas sûr que cela aurait changé grand chose au destin de ce film qui ne restera certainement pas dans les mémoires.

S’il faut retentir une seule chose de De Bon Matin, c’est la performance de Jean-Pierre Daroussin. Il est tout simplement parfait. Mais le rôle était taillé pour lui. Peut-être trop d’ailleurs puisque, paradoxalement, cela contribue également à faire de ce film un film sans surprises. Un rôle moins marquant donc que le contre-emploi de José Garcia dans Le Couperet.

De Bon Matin est donc un film pas vraiment raté, mais trop faible dans bien des aspects pour vraiment être marquant.

Fiche technique :
Réalisation : Jean-Marc Moutout
Productrices : Margaret Ménégoz et Régine Vial
Scénario : Jean-Marc Moutout, Olivier Gorce et Sophie Fillières

Casting :
Jean-Pierre Darroussin : Paul
Valérie Dréville : Françoise, la femme de Paul
Xavier Beauvois : Alain Fisher, le patron
Yannick Renier : Fabrice Van Listeich, le jeune talentueux
Laurent Delbecque : Benoît, le fils de Paul et Françoise
Aladin Reibel : Antoine, le collègue le plus proche de Paul
François Chattot : Lancelin, le collègue accusé
Nelly Antignac : Clarisse, la collègue licenciée
Pierre Aussedat : Foucade, le grand patron
Ralph Amoussou : Youssef, le jeune malien
Frédéric Leidgens : le docteur Hogard, psychiatre du travail

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