CARNAGE : De la scène à l’écran

carnageafficheAdapter une pièce de théâtre sur grand écran est toujours un exercice délicat. En effet, voilà deux arts à la fois très proches et très différents. On est donc partagé entre l’envie d’être fidèle à l’œuvre originale et la transformer radicalement. Le premier choix peut aboutir à un résultat qui s’apparente plus à du théâtre filmé qu’à du véritable cinéma. Rares sont de toute façon, les adaptations qui arrivent à s’affranchir totalement de leur origine. Le nouveau Polanski, Carnage, ne cherche même pas à le faire. A tort ou a raison…

Deux couples, les Longstreet et les Cowan se rencontrent après que le rejeton des uns aient frappé le rejeton des autres avec un bâton et lui a cassé plusieurs dents. Cela doit être qu’une courte explication entre parents responsables. Mais très vite la conversation va se faire moins cordiale et tourner à l’affrontement généralisé.

Carnage est un huis-clos dans un appartement qui réunit quatre personnages pendant un peu moins d’une heure vingt pour un récit en temps réel. Rien que ces éléments revoient à l’art théâtral, pas au cinéma. Dans sa structure même, cette histoire est faite pour la scène, non pour le grand écran. Il y a bien deux petites tentatives de déplacer l’action sur le palier de l’appartement ou dans la salle de bain, mais 95% du film se déroule dans ce même salon, pas spécialement spacieux. Si ce genre de décor peut largement suffire pour que des acteurs s’expriment sur les planches, au cinéma, cela donne un film incroyablement statique.

Pourtant, on pourrait rétorquer que l’on peut faire d’excellents films dans des espaces réduits. Buried nous a prouvé l’année dernière qu’un simple cercueil peut suffire. Mais la grande différence est que ces films jouent justement sur cette exigüité pour créer un sentiment d’oppression et de confinement. Dans Carnage, on a juste l’impression d’être dans un décor tout simplement trop petit. Roman Polanski a beau varié les plans, on sent toujours sa caméra un peu à l’étroit.

Si la forme est le principal facteur limitant de Carnage, il propose heureusement un fond particulièrement savoureux. Le conflit entre les deux enfants va vite devenir un prétexte à un déballage généralisé des frustrations et des ressentiments refoulés des uns et des autres. La montée progressive de la tension et de l’agressivité des protagonistes est parfaitement dosée. Les bonnes manières et les bonnes intentions se craquellent peu à peu, chacun laissant apparaître un visage de moins en moins policé. Cette logique interne est poussée jusqu’à son terme et la courte durée du film (enfin de la pièce) fait que ce seul ressort est largement suffisant.

carnageMais encore une fois, on peut regretter que Roman Polanski n’ait pas su faire de sa caméra un outil au service de l’histoire, qui sublimerait le jeu des acteurs et qui ne se contenterait pas de nous le livrer de manière brute. En fait, si Carnage était une chanson, cette version serait un clip, plutôt bon certes, mais qui n’arriverait pas à la cheville de la version live.

Heureusement, ce qui permet tout de même à Carnage de faire passer un bon moment reste le casting. En effet, on aurait malheureusement bien du mal à voir un tel quatuor réuni sur une scène de théâtre. On peut bien sûr le regretter, mais à la fois, rare sont ceux qui auraient de toute façon eu les moyens de se rendre sur Broadway pour assister à une représentation. A-t-on vraiment besoin de départager Jodie Foster, Kate Winslet, Christoph Waltz et John C. Reilly ? Non, tant ils sont tous parfaits et mettent dans leur rôle une énergie toute…théâtrale.

Carnage est une excellente pièce de théâtre. C’est la grande leçon à tirer de ce film qui n’en est pas un.

Fiche technique :
Production : SBS Productions, Constantin Film, Versatil Cinela, Zanagar Films, France 2 Cinema
Distribution : Wild Bunch distribution
Réalisation : Roman Polanski
Scénario : Roman Polanski, Yasmina Reza, d’après la pièce de Yasmina Reza
Montage : Hervé de Luze
Photo : Pawel Edelman
Décors : Dean Tavoularis
Musique : Alexandre Desplat
Durée : 78 mn

Casting :
Jodie Foster : Penelope Longstreet
Kate Winslet : Nancy Cowan
John C. Reilly : Michael Longstreet
Christoph Waltz : Alan Cowan

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *