J.EDGAR : Deux monstres sacrés pour un monstre

jedgarafficheLongtemps Clint Eastwood pouvait être considéré comme une machine infaillible à pondre des chefs d’œuvre à la chaîne. Malgré son grand âge, il pouvait donner des leçons de cinéma aux jeunes générations sans aucun problème. Lorsqu’en 2011, il nous a livré un Au-delà quelque peu moyen, on s’est alors dit que cela constituait un simple accident de parcours, que le déclin était encore loin et que même les plus grands peuvent avoir de légers moments de faiblesse. Le réalisateur avait l’occasion de nous le prouver avec son nouveau film, J. Edgar. Un film au propos ambitieux. Peut-être trop…

J.Edgar Hoover fut un des hommes les plus puissants du XXème siècle. Pendant près de 50 ans, il a dirigé le FBI et a exercé son pouvoir même auprès de ceux à qui il était censé rendre des comptes. Dans ces dossiers, il savait tout sur tout le monde, y compris le plus inavouable. Mais lui-même avait bien des secrets…

J.Edgar Hoover a été un des personnages les plus extraordinaires du siècle dernier. Une figure historique, autour duquel les mythes sont nombreux, car c’est un peu grâce à lui et la fondation du FBI que sont nés bon nombre de théories du complot. Mais s’il y a bien une chose sur lequel tout le monde s’accorde, c’est qu’il était avant tout un sale type, qui, sous prétexte de préserver l’ordre et la morale, a exercé un pouvoir tyrannique et manipulateur, sans contrepoids, ni contrôle. Un homme pour qui démocratie et liberté étaient synonymes d’anarchie à éradiquer.

Clint Eastwood tenait donc là un formidable sujet. A tel point qu’on se dit qu’un seul film n’y suffirait pas. Trop de choses à dire, à raconter, à expliquer, à décrypter. C’est sans doute vrai. On pourrait alors penser que J.Edgar est un film incroyablement dense. Au contraire, il manque de souffle et de force dans le propos. A force de vouloir explorer toutes les facettes du personnage, à travers toutes les époques, le propos se dilue, perd de son impact et ne développe pas de réelle réflexion.

J.Edgar n’arrive à développement pleinement que les relations du personnage avec sa mère et surtout son homosexualité. Cela constitue le fil rouge du scénario, mais on peut regretter que Clint Eastwood n’ai pas cherché à faire véritablement un film sur ces deux éléments, sans chercher à être exhaustif par ailleurs. Certes, sans connaître la vie et l’œuvre de cet homme, le propos aurait perdu de son intérêt, mais puisqu’il s’agit d’un personnage historique, on aurait pu partir du principe qu’elles étaient déjà connues du spectateur. A la fois, dans Une Execution Ordinaire par exemple, on ne nous expliquait pas qui était Staline…

jedgarJ.Edgar reste cependant réalisé par Clint Eastwood. C’est-à-dire qu’il reste un plaisir pour les yeux, avec une maîtrise artistique parfaite et une musique signée par Eastwood lui-même qui colle parfaitement à l’image. Si cela donne un certain intérêt au film, cela renforce aussi le sentiment de frustration. On a le sentiment d’être passé à côté de quelque chose de grand, d’un vrai film politique, historique et passionnant. Au lieu de ça, le film tombe dans le piège de « l’humanisation du méchant », que l’on rend presque sympathique et humain en cherchant à comprendre d’où viennent les racines du mal. Bref, il manque vraiment à ce film une opinion au-delà de la description ou de la reconstitution historique.

Si Clint Eastwood reste un immense cinéaste, même dans ses moments de faiblesse, Leonardo Di Caprio demeure un acteur d’une dimension hors du commun. A chaque nouveau film, à chaque nouveau rôle, il pose un peu plus son empreinte dans l’histoire du 7ème art. Dans J.Edgar, il est encore une fois extraordinaire de charisme et de présence à l’écran. Une grande performance d’acteur, une des plus impressionnantes depuis le début de la mode des biopics.

J.Edgar a donc rassemblé deux géants du cinéma. Chacun y a témoigné de l’immensité de son talent. Mais cela n’est pas suffisant pour sauver un scénario trop dilué pour provoquer l’enthousiasme.

Fiche technique :
Production : Malpaso, Imagine Entertainment, Warner Bros Pictures, Wintergreen Productions
Distribution : Warner Bros Entertainment France
Réalisation : Clint Eastwood
Scénario : Dustin Lance Black
Montage : Joel Cox, Gary D. Roach
Photo : Tom Stern
Décors : James J. Murakami
Musique : Clint Eastwood
Durée : 135 mn

Casting :
Leonardo DiCaprio : J. Edgar Hoocer
Naomi Watts : Helen Candy
Armie Hammer : Clyde Tolson
Judi Dench : Annie Hoover
Jeffrey Donovan : Robert Kennedy
Josh Lucas : Charles Lindbergh

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