CHRONIQUES DE LA HAINE ORDINAIRE : Il nous manque encore…

chroniquesdelahaineordinaireLe 18 avril 1988 mourrait Pierre Desproges. Voilà une perte beaucoup plus lourde que d’autres. 24 ans plus tard, l’humour français est toujours un peu orphelin de ce maître de l’humour noir, qui a tant plaisanté sur le cancer avant d’y succomber. On est toujours un peu à la recherche de son héritier. Et si un Stéphane Guillon entretient un peu la flamme, il y demeure tout de même une très grande différence entre les deux hommes. Desproges maniait la langue française comme un véritable écrivain et n’avait quelque chose à envier dans ce domaine qu’à un Raymond Devos. Pour preuve, cette édition papier de ses Chroniques de la Haine Ordinaire, qui ont occupé l’antenne de France Inter du 3 février au 24 juin 1986.

Avant de rentrer dans le vif du sujet, un petit mot sur l’édition dont je suis en possession. Il s’agit d’un livre des éditions 2. au format particulièrement original… et particulièrement pratique. En effet, il s’agit de livre au format 8x12cm, imprimé dans le sens inverse des livres de poche habituel. Ainsi, en l’ouvrant vous serez comme devant une seule page au format classique. Les caractères ne sont donc pas plus petits que d’habitude. Par contre, ces livres tiennent vraiment dans la poche et se lisent d’une seule main. L’idéal pour les transports.

Bon revenons à notre livre qui regroupe en deux vagues, correspondant aux deux tomes originaux, l’ensemble des chroniques radiophoniques. On y retrouve tout ce qui a fait le succès de Pierre Desproges. Cet humour toujours grinçant, acide et que certains qualifieront de méchant. Mais cela fonctionne et surtout cela égratigne toujours tous ceux qu’il faut savoir remettre à leur place. D’ailleurs, on pourra constater que certaines de ses têtes de turc sont toujours là, comme BHL ou Indochine, alors qu’il nous a quittés. Décidemment, il n’y a pas de justice ! D’autres de ses sujets favoris sont plus intemporels, comme le football, les jeunes et le surtout le racisme et l’antisémitisme qu’il pourfend régulièrement avec une efficacité inégalée.

Bien sûr, il vaut mieux avoir connu cette époque pour saisir tout ce à quoi il fait référence. Il commence très souvent l’actualité et les célébrités de l’époque avec un mordant qui fait passer les Guignols pour des Bisounours. Mais tous ceux qui sont en âge de se souvenir des années 80 apprécieront cette plongée nostalgique… même si Desproges se serait sûrement moqué de ce genre de sentiment. En tout cas, c’est une façon beaucoup plus intelligente de se replonger dans l’univers politiquo-médiatique de cette décennie que tous les éditions des Enfants de la Télé.

Comme je l’ai évoqué plus haut, les Chroniques de la Haine Ordinaire constituent également une occasion de se rappeler combien Pierre Desproges savait manier la plume. Les jeux de mots sont nombreux, subtils et servent toujours son propos. Il y a là un vrai amour de la langue française chez celui qui n’avait jamais peur de traiter ses propres auditeurs d’analphabètes. D’ailleurs, les chroniques dans lesquelles ils commentent le courrier qu’il reçoit sont parmi les plus drôles. Même s’il s’agit de retranscriptions de chroniques radiophoniques, on prend un vrai plaisir à la leur lecture, bien au-delà du simple humour noir.

Les Chroniques de la Haine Ordinaire constituent donc une très bonne occasion de se rappeler combien Pierre Desproges était grand et combien il manque aujourd’hui.

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