AGRICULTURE : SMALL IS NOT ALWAYS BEAUTIFUL

siaSalon oblige, voici que tous les candidats aux prochaines élections présidentielles ne parlent plus que d’agriculture. Ah bah voilà un sujet que j’ai la prétention de connaître, puisque c’est un peu le domaine dans lequel je travaille. Pour preuve, j’ai toujours des bottes dans le coffre de ma voiture, parce que parfois, la terre, ça colle. Cela fait dire aussi beaucoup de conneries.

S’il y a bien une chose que m’ont apportée mes études d’ingénieur agronome, c’est bien la prise de conscience que les médias relayent un certain nombre d’inepties, trouvant échos dans l’opinion. Ou alors, c’est le contraire, je ne sais pas trop. Ce qui m’inquiète vraiment, c’est qu’il n’y a pas de raison que ce phénomène soit uniquement limité à l’agriculture, ce qui me fait sérieusement douter de la fiabilité des informations que l’on peut trouver et surtout de mes propres croyances. Mais ceci est un autre débat.

Revenons à nos vaches, cochons, couvées. En tant qu’expert dans le domaine de l’agriculture (enfin paraît-il, si j’en crois certaines invitations professionnelles), je dois avouer qu’aucun des candidats n’a apporté le moindre début d’une analyse précise et pertinente, ou même d’une simple réelle connaissance du sujet. En tout cas, rien qui soit à la mesure de la complexité des questions agricoles, qui ne peuvent se régler avec deux trois idées qui flottent dans l’air du temps. Cela illustre aussi à quel point on peut faire passer une contre-vérité pour du simple bon sens.

Je ne prendrai qu’un seul exemple : le culte que semble vouer les élus pour les « petites exploitations ». Bah oui, parce que les « gros », c’est rien que des méchants qui s’enrichissent sur le dos du système et qui ne font rien qu’à polluer. Ils sont le symbole d’une agriculture productiviste, peu soucieuse de la nature, du goût et de la santé du consommateur, mais uniquement du profit. Alors que le paysan à la surface modeste traite la terre avec respect, vous vend des produits sains et défend des valeurs autrement plus respectables que l’argent.

Evidemment, tout cela est totalement caricatural. Pire, cela est souvent complètement faux. Pour le premier reproche, c’est à dire l’enrichissement par le système, si le raccourci est facile, il y a un fond de vérité. Voilà un domaine, le contrôle des structures, dont j’ai été un acteur, et il est incontestable que la Politique Agricole Commune, malgré quelques évolutions, apportent une rente de situation qui profite à ceux qui gagnent déjà très bien leur vie, à qui ont donne ainsi encore plus de facilité pour s’agrandir et accroitre leur patrimoine et leurs revenus.

Par contre, il est absolument faux de penser qu’il est logique qu’un petit agriculteur va polluer moins qu’un gros. C’est même exactement l’inverse. Si vous ne cultivez que 100 hectares, vous devrez, pour avoir un revenu convenable, tirer le maximum de profit de la moindre parcelle de terre et vous serez condamné à une agriculture la plus intensive possible. Mais le bio alors ? Effectivement, le bio rompt avec cette logique… en vous proposant des produits plus chers. J’y reviendrai.

Par contre, si vous exploitez 300 hectares, vous aurez énormément plus de latitude dans vos choix économiques et techniques. Les économies d’échelle pourront constituer des leviers puissants qui vous autoriseront à opter pour une agriculture plus extensive, c’est à dire moins polluante. Je pourrais rentrer dans de longues explications techniques, mais il faut simplement garder à l’esprit, que plus le tracteur est gros, moins il pollue. Ca paraît contre-intuitif, mais c’est en fait logique. Un tracteur plus puissant vous permettra avec le même litre de gasoil de cultiver une surface plus importante et donc de faire pousser une quantité plus importante de blé. Au final, le grain de blé qui a poussé chez l’agriculteur à 300 hectares aura généré moins de pollution et de pression sur les écosystèmes que celui qui pousse chez l’agriculteur à 100 hectares.

Comme je l’ai dit, reste le cas de l’agriculture biologique. On le sait, se situer dans cette logique augmente les coûts de production. C’est d’ailleurs tout à fait logique. En effet, l’agriculteur biologique augmente la quantité de main d’œuvre à l’hectare et nécessite le plus souvent un matériel spécifique qui est plus cher que le matériel classique. L’agriculture biologique demande donc des investissements plus importants. Et d’ailleurs, toute amélioration des techniques culturales pour les rendre plus écologiquement efficientes demandent des investissements parfois très lourds. Mais qui possède le plus de moyens d’investir, l’agriculteur à 100 hectares qui se démène déjà pour dégager un maigre revenu ou celui à 300 hectares qui dégagent lui de confortables marges ?

Mais voilà, la réponse à cette question complexifie considérablement les problèmes agricoles. Car il existe bien d’autres raisons valables de promouvoir une agriculture de petites exploitations : l’emploi, le lien social avec la population locale, le dynamisme des zones rurales profondes… Mais pour ce qui est de la pollution, c’est le modèle à grosses exploitations qui est le plus efficace pour à la fois diminuer l’impact de l’agriculture sur l’environnement et proposer des produits de qualité à des prix accessibles pour les classes sociales le plus modestes. Vouloir à la fois de l’agriculture biologique et des petites exploitations, la condamne à rester cher et limite donc sa diffusion et son développement. C’est emmerdant, mais c’est comme ça. Et ça ne sert à rien de tomber dans le déni de réalité généralisé en cours actuellement dans les discours de beaucoup d’acteurs politiques ou de la société civile.

Je n’ai aucunement l’intention ici d’affirmer qu’il faut promouvoir une agriculture qui ne compterait plus que des exploitants cultivant des surfaces toujours plus importantes. Simplement, les arbitrages doivent être rendus en ne se voilant pas la face, sinon les politiques qui en sortiront engloutiront des sommes colossales pour n’atteindre au final que très partiellement les objectifs initiaux. Mon expérience professionnelle me montre chaque jour que c’est malheureusement exactement ce qui est en train de se passer.

Et les débats actuels tendent à me faire penser que ce n’est pas prêt de changer. En attendant, il y a de quoi être inquiet pour l’environnement. Et sûrement dans bien d’autres domaines auxquels je ne connais rien…

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