AU PAYS DU SANG ET DU MIEL : Loin d’Hollywood, si près de nous

aupaysdusangetdumielafficheAngelina Jolie a un parcours des plus étonnants. Icône glamour d’Hollywood, elle enchaîne les navets avec quelques grands rôles parfois difficiles (l’Echange ou Un Cœur Invaincu notamment). Elle est à la fois connue pour son histoire d’amour avec Brad Pitt et ses engagements humanitaires, pour lesquels elle ne fait pas que de la figuration (ambassadrice du Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU). Pour son premier film de l’autre côté de la caméra, elle a effectué un choix étonnant et passablement risqué. Un film, Au Pays du Sang et du Miel, sur un sujet difficile, la guerre en Bosnie, tourné sur place avec des acteurs locaux dans la langue du pays. Un véritable défi, relevé avec un talent non exempt de maladresses.

Ajla et Danijel sont deux jeunes gens qui auraient pu commencer une histoire d’amour comme il en existe tant. Mais ce soir là, un attentat ravage le dancing où ils se trouvent. Très vite, une guerre civile ravage la Bosnie et les transforme en ennemis. Ils se retrouvent quelques mois plus tard dans un camps militaire où elle est gardée comme esclave. Mais de tels sentiments peuvent-ils perdurer au milieu d’un telle barbarie ?

Au Pays du Sang et du Miel est un film témoignage, bien plus qu’un film politique à thèse. Bien sûr, il y a des méchants, les Serbes, et des victimes, les musulmans bosniaques. Mais le film ne juge pas, il relate. Son plus grand défaut est même de tourner quelque peu au catalogue. Toutes les formes d’exactions doivent être montrées, étirant ainsi l’intrigue sur plus de deux heures, la faisant souvent tourner en rond, au point d’en devenir répétitive. La prise de recul est minimale, il n’y a pas d’explications, à part quelques discours nationalistes de la part du général serbe, et Angelina Jolie ne cherche pas à remettre les choses dans leur contexte. Le film ne s’attarde même pas vraiment sur la passivité de l’Occident, même si elle est tout de même évoquée. Mais reste la barbarie, que l’on sait réelle, mais dont on prend conscience ici de manière très directe.

Au Pays du Sang et du Miel reste avant tout l’histoire de Ajla et Danijel. Une histoire d’amour au milieu de l’horreur, voilà un sujet bien casse-gueule, où les bons sentiments peuvent facilement rendre ridicule le reste du propos, aussi honorable soit-il. Angelina Jolie a presque réussi à éviter tous les pièges qui se dressaient devant elle. La relation ambiguë entre un bourreau et sa victime ne constitue pas non plus un sujet nouveau. Il est traité ici avec beaucoup d’intelligence, sans lourdeur et si le dénouement est au fond le seul possible, il s’en dégage tout de même l’émotion d’une grande histoire. On ne ressort pas tout à fait indemne de ce film.

aupaysdusangetdumielOn sent bien qu’Angelina Jolie a mis beaucoup d’elle dans ce film. Dénoncer tout ce qu’on veut, bien au chaud à Hollywood est à la portée de la première star venue. Mais le risque artistique est ici trop réel pour que la démarche ne soit pas d’une totale sincérité. On ne réalise pas un film en bosniaque de plus de deux heures, aussi dur, pour se faire mousser. Surtout que sa réalisation reste d’une sobriété remarquable, entièrement au service de son sujet. Certes, le point de vue reste romanesque, avec toutes les limites que cela suppose, mais Au Pays du Sang et du Miel reste une fiction, pas un documentaire.

Le casting est donc composé entièrement d’acteurs locaux, presque tous entièrement inconnus. Seul Rade Serbedzija est un visage connu d’Hollywood, puisqu’on l’a vu dans des seconds rôles dans Eyes Wide Shut, Mission Impossible II, Snatch, Harry Potter ou X-Men le Commencement. Les deux personnages principaux sont interprétés pas deux très beaux acteurs. On savait grâce à Emir Kusturica que la région n’en manquait pas. On pourra donc ajouter Zana Marjanovic et Groan Kostic à la liste.

Au Pays du Sang et du Miel n’est donc vraiment pas ce qu’on attendait d’une actrice comme Angelina Jolie. Mais c’est l’être humain qui s’est investi dans cette œuvre poignante et convaincante, malgré un caractère romanesque parfois maladroit.

Fiche technique :
Production : GK Films
Distribution : Metropolitan FilmExport
Réalisation : Angelina Jolie
Scénario : Angelina Jolie
Montage : Patricia Rommel
Photo : Dean Semler
Décors : Jon Hutman
Musique : Gabriel Yared
Durée : 127 mn

Casting :
Rade Serbedzjia : Nebojsa
Zana Marjanovic : Ajla
Goran Kostic : Danijel
Nikola Djuricko : Darko
Branko Djuric : Aleksandar
Dzana Pinjo : Nadja

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