BULLHEAD : Il était une fois en Belgique

bullheadafficheLa Belgique est connu pour un certain nombre de choses, comme sa faculté à vivre sans gouvernement, ses frites et ses habitants particulièrement sympathiques. Elle l’est moins pour son cinéma, si ce n’est par C’est Arrivé Près de Chez Vous et un certains nombres d’acteurs et d’actrices qui font le bonheur des films hexagonaux, dont la magnifique Cécile de France. Et bien, c’est un tort puisque ce pays ne produit pas qu’un multitude de bières merveilleuses, mais aussi des films magistraux, comme Bullhead.

Jacky est fils d’éleveur taiseux, qui soit gérer les blessures du passé. Mais il tient tout de même une place importante dans un vaste trafic d’hormones. L’assassinat d’un agent fédéral qui enquêtait sur le sujet va rendre tout à coup les acteurs de la filières particulièrement méfiants. Les rapports deviennent tendus et l’étau se resserre autour de ce petit monde, qui ressemble à s’y méprendre à une mafia.

Ce film aurait pu s’appeler Le Parrain chez les taureaux. Mais c’est surtout à Il Etait une Fois en Amérique qu’il fait penser. Une histoire d’amitié entre l’enfance et l’âge adulte entre des personnages qui vivent dans un monde illégal et violent. On sait bien que ce genre d’histoire est particulièrement cinégénique et on le pensait réservé aux réalisateurs d’origine italienne. Mais Michael R. Roskam n’a rien à envier à un Sergio Leone ou à un Coppola tant son film est abouti, fascinant, passionnant.

Bon, je m’emballe un tantinet, mais c’est assez mérité. Il y a tout de même une grande différence entre Bullhead et les films que je viens de citer. On n’y retrouve pas ce romantisme, ces décors urbains magistraux et ce sens de l’esthétisme grandiose. On est ici dans le monde de la terre, pour un film noir, poisseux, où la violence dans les rapports humains n’est pas cachée par des manières et des apparences. Du coup, ce film a un côté dépaysant, malgré la proximité géographique, nous faisant découvrir un monde où le cinéma ne nous avait jamais emmené.

Bullhead est donc un film à la fois classique et radicalement original. Il explore également profondément la personnalité de son personnage principal, beaucoup moins séduisant, moins brillant, qu’un Don Corleone, mais infiniment plus complexe. On ressent pour lui une affection plus sincère qu’une simple admiration ou qu’une fascination morbide. Cela donne une vision plus réaliste, plus humaine d’une forme de grand banditisme, qui nous procure tout de même encore une fois le frisson d’une vie dictée par la violence.

Bullhead se démarque par un scénario particulièrement brillant, où la tension est palpable de la première à la dernière seconde. Il est d’une remarquable intelligence en nous dévoilant peu à peu des éléments qui viennent enrichir l’intrigue et nous apporte un regard nouveau sur les évènements qui ont précédé. On rentre totalement dans ce histoire pour n’en sortir qu’après un dénouement certes classique et logique, mais qui conclut parfaitement ce film. Une vraie maîtrise dans l’écriture, à partir d’un sujet qui peut laisser dubitatif.

bulheadLa réalisation est sobre, mais pas moins aboutie. La tension palpable ne l’est pas que par la qualité du scénario. Elle est aussi visuelle. Nous faire pénétrer dans l’esprit d’un personnage aussi peu bavard que Jacky peut passer que par les images. Les moments d’intimité, où il se retrouve seul dans sa chambre, en disent plus long sur lui que tous les dialogues. On pénètre dans son esprit, nous faisant plonger encore plus profondément dans cette histoire, dans cet univers à la fois étonnement proche et étonnement dépaysant.

L’interprétation est à l’image du film, sans esbroufe, pas forcément hyper spectaculaire, mais totalement maîtrisée et aboutie. Matthias Schoenaerts constitue la vraie révélation de ce casting. Et la qualité de sa performance ne se limite pas à son physique particulièrement impressionnant. Son rôle quasi muet (bon j’exagère un peu là) n’aurait pu être aussi convainquant sans un vrai talent d’acteur.

Bullhead est sans doute le deuxième grand film de 2012, après la Taupe. Comme quoi, certains cinémas ne font peut-être pas dans la quantité, mais dans la qualité.

Fiche technique :
Production : Savage Film, Eyeworks, Artemis produtions, Waterland Film
Distribution : Ad Vitam
Réalisation : Michaël R. Roskam
Scénario : Michaël R. Roskam
Montage : Alain Dessauvage
Photo : Nicolas Karakatsanis
Son : Benoit De Clerck
Musique : Raf Keunen
Directeur artistique : Walter Hoevenaars
Durée : 129 mn

Casting :
Matthias Schoenaerts : Jacky Vanmarsenille
Jeroen Perceval : Diederick Maes
Jeanne Dandoy : Lucia Schepers
Barbara Sarafian : Eva Forrestier
Tibo Vandenborre : Antony De Greef
Frank Lammers : Sam Raymond
Sam Louwyck : Marc De Kuyper

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