TERRAFERMA : Le paradis n’est plus ce qu’il était

terrafermaafficheAprès m’être rendu deux fois en Belgique (pour deux merveilleux voyages), en République Tchèque et en Norvège ces dernières semaines, je continue mon tour d’Europe du cinéma avec une destination plus classique cette fois-ci : l’Italie avec Terraferma. Il s’agit du nouveau film de Emmanuele Crialese, qui nous conduit sur la même petite île au large de la Sicile que dans Respiro, un film qui avait séduit le public et la critique, mais qui m’avait profondément ennuyé. Cette fois, par contre, je partage entièrement tout le bien qui a pu être écrit sur ce film !

Filippo et son grand-père font partie des derniers pêcheurs d’une petite île au large de la Sicile. Ce n’est plus suffisant pour vivre, alors l’été venant, ils décident de louer leur maison et de transporter les touristes sur leur bateau. Mais l’arrivée d’un groupe de clandestins va venir bouleverser leurs projets.

Le plus grand mérite de Terraferma est d’aborder un sujet plutôt grave, la traversée de la Méditerranée, au péril de leurs vies, par des clandestins venus d’Afrique, tout en étant jamais plombant. Beaucoup d’humanité, de l’humour, de très beaux paysages, des personnages attachants, tout ça donne un savoureux mélange où on ne s’ennuie jamais. Autant, Respiro était purement contemplatif, autant celui-ci est rafraîchissant et jamais inutilement mélodramatique.

C’est donc avant tout un film profondément humain et qui pose de vraie question sur le devoir de désobéissance quand des vies sont en jeu. La valeur de l’existence est-elle supérieure à celle de la loi ? La réponse peut sembler évidente, mais quand on risque soit même de détruire tout ce que l’on a construit, elle l’est tout de suite beaucoup moins. Jusqu’où peut-on aller dans le sacrifice ? Où s’arrête l’indifférence coupable ? Terraferma ne prétend pas apporter la moindre réponse à ces interrogations, sur lesquelles on peut discourir à l’infini. Mais il ne nous fait pas échapper au « et moi, qu’est ce que je ferai ? »… Là encore, la réponse est rarement évidente…

Terraferma séduit aussi par ses personnages auxquels on s’attache immédiatement. A une ou deux exceptions près, il ne sont pas du tout manichéens, ce qui contribue à l’intérêt du propos, mais aussi au processus d’identification. C’est un élément clé de ce film, car si les protagonistes nous laissaient froidement indifférents, on n’arriverait jamais à tout à fait entrer dans cette histoire très bien menée par ailleurs. C’est par leur intermédiaire que le film échappe aux bons sentiments et au misérabilisme en nous mettant face à la complexité de certains problèmes quand ils sont vécus par de vrais gens, avec leurs problèmes, leurs qualités et leurs défauts. On échappe ainsi totalement au « il faut, y a qu’à » parce qu’Emmanuelle Crisale a su parfaitement nous faire partager les sentiments des personnages.

terrafermaEnfin, Terraferma est un régal par ses décors. Emmanelle Crisale est visiblement amoureux de cette île, petit coin de paradis au milieu de la Méditerranée. Certes, il nous explique toujours qu’il n’est pas toujours facile de vivre au paradis, mais au moins, c’est un régal pour les yeux. On a vraiment envie d’y partir en vacances, de profiter des paysages et la mer bleue turquoise.

S’il y a une qualité que l’on peut reconnaître à Emmanuelle Crisale, c’est un vrai don pour la direction d’acteurs. Il a l’habitude de faire tourner des acteurs pas forcément hyper connus (même en Italie) et arrive toujours à tirer le meilleur. Dans Terraferma, nous pourrons découvrir notamment Donatella Finocchiaro, en mère de famille écartelée entre le soucis de préserver sa famille et son humanité, et le jeune Filippo Pucillo, écartelé entre à peu près les mêmes choses… A la fois, c’est le sujet central du film…

Terraferma est donc un film qui pousse à réfléchir, mais qui le fait sans être sinistre. Un film humaniste et rafraîchissant sous le magnifique soleil de la Méditerranée.

Fiche technique :
Production : Cattleya, Babe film, France 2 Cinéma, RAI Cinéma, Canal +
Distribution : Bellissima Films
Réalisation : Emanuele Crialese
Scénario : Emanuele Crialese, Vittorio Moroni
Montage : Simona Paggi
Photo : Fabio Cianchetti
Décors : Paolo Agnello
Musique : Franco Piersanti
Durée : 88 mn

Casting :
Filippo Pucillo : Filippo
Donatella Finocchiaro : Giuletta
Beppe Fiorello : Nino
Mimmo Cuticchio : Ernesto
Martina Codecasa : Maura
Tiziana Lodato : Maria
Claudio Santamaria : Finanziere

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