38 TEMOINS : A lâche, lâche et demi

38temoinsaffichePour faire un bon film, ou tout du moins écrire un bon scénario, il faut un bon sujet. Bien sûr, certains arrivent à passionner à partir de pas grand chose, mais sans fond, la plus belle forme du monde ne sera jamais qu’un sapin de Noël avec les guirlandes, mais sans les boules. Malheureusement, ce n’est pas non plus suffisant. On peut parfois tenir un vrai bon point de départ, avant de s’apercevoir très vite que l’on ne sait pas vraiment où l’on va. C’est malheureusement le cas de 38 Témoins.

Louise rentre d’un voyage professionnel en Chine. En rentrant, elle apprend que la nuit précédente, une jeune femme a été assassinée en bas de chez elle. Tout le monde dans le voisinage dit n’avoir rien entendu. Son propre mari, Pierre, lui dit même qu’il était encore au travail au moment des faits. Mais il est distant, comme si quelque chose le rongeait. Une nuit, il finit par tout lui raconter. Il était bien dans l’appartement, il a bien entendu les cris de la victime, mais par lâcheté, il n’a pas bougé, même pas pris son téléphone. Et si lui a entendu, tous ses voisins aussi…

Que l’être humain soit capable de lâcheté et d’indifférence face à une personne en détresse et même en danger de mort est un fait incontestable. Après, dire que la lâcheté est une caractéristique presque généralisée en est une autre. Ce n’est pas tout à fait le propos de 38 Témoins, mais pas loin. Qu’autant de personnes ne daignent même pas passer un simple coup de fil (on ne parle pas de descendre se battre avec l’agresseur) est trop gros pour être plausible. Le film s’appellerait 5 témoins, cela tiendrait déjà plus debout.

Ensuite, il y a la réaction des 37 autres témoins quand Pierre se met à parler, bien trop unanime, trop monolytique. Que la plupart lui en veuille, parfois jusqu’à la haine, d’avoir brisé la loi du silence, je trouve ça même logique. Mais qu’il n’y ait pas des réactions plus nuancées et même des soutiens nuit à l’intérêt du propos. Le personnage apparaît que comme une sorte de héros solitaire, le seul à ne pas accepter sa propre lâcheté, le seul à ne pas réussir à assumer sereinement sa culpabilité. Sa parole devrait, à mon sens, libérer d’autres personnes. Le seul contre tous, net parti pris de 38 Témoins, constitue pour moi une erreur.

Je suis désolé de raconter quelque peu le film, mais je voulais exprimer clairement pourquoi je n’ai pas été convaincu par la démonstration de Lucas Belvaux. Je suis resté froid face à cette réflexion sur un vrai sujet, qui à mon sens, méritait un peu plus de subtilité. Si d’un point de vue collectif, je le trouve mal traité, par contre, d’un point de vue individuel, c’est nettement plus réussi. Le parcours intellectuel de Pierre et l’impact sur son couple constituent le cœur du film et cela permet à 38 Témoins de ne pas être tout à fait un échec. Mais il aurait été totalement réussi s’il s’était limité à cette dimension là.

38temoins38 Témoins reste tout de même l’œuvre d’un réalisateur brillant. Tout le talent de Lucas Belvaux se ressent pleinement dans un dernier quart d’heure vraiment poignant. On oublie alors toutes les incohérences ou les faiblesses pour se laisser porter par l’émotion. Notre cœur se sert et on ressent enfin à quel point la culpabilité peut être un étau oppressant et insupportable quand on doit y faire face. On pourra simplement regretter que tout le film ne soit pas à l’image de cette magnifique séquence.

Yvan Attal est égal à lui-même dans ce film. Il n’est clairement pas l’acteur le plus expressif qui soit, mais il colle du coup totalement à son personnage. La vraie révélation se nomme Sophie Quiton… sauf que ça fait au moins la troisième fois qu’elle se révèle après Qui a Tué Bambi et surtout le très bon Poupoupidou, sorti l’année dernière. Espérons que cette nouvelle très belle performance lui permettra de l’installer définitivement comme une valeur sûre du cinéma français.

38 Témoins est donc au final un film inégalement réussi. On peut donc voir le verre à moitié vide ou à moitié plein. Malheureusement pour moi, c’est surtout la frustration qui a prédominé, du au sentiment qu’il ne manquait pas grand chose à ce film pour être nettement plus convaincant.

Fiche technique :
Production : Agat Films & Cie, France 3 Cinéma, Artémis production, Jérodiade, Films sous influence
Distribution : Diaphana Films
Réalisation : Lucas Belvaux
Scénario : Didier Decoin, d’arpès son roman
Montage : Ludo Torch
Photo : Perric Gantelmi d’Ille
Décors : Frédérique Belvaux
Musique : Arne Van Dongen
Durée : 104 mn

Casting :
Yvan Attal : Pierre Morvand
Sophie Quinton : Louise Morvand
Nicole Garcia : Sylvie Loriot
François Feroleto : le Capitaine Léonard
Natacha Régnier : Anne
Patrick Descamps : Petrini
Didier Sandre : le procureur Lacourt

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