DESOLANT DEBAT

debathollandesarkozyBon voilà un billet que j’ai quelque peu hésité à écrire. Déjà parce qu’en tant que militant socialiste, je suis censé répandre la bonne nouvelle et toujours positiver. Mais bon, restant un modeste conseiller municipal d’opposition dans une ville ignorée des hommes et de Dieu s’il existait, je m’octroie le droit de dire ce que j’ai vraiment pensé du débat d’hier soir.

Déjà, je l’ai trouvé guère intéressant, voire même parfois assez désolant. J’ai bien une idée sur la faute à qui, je vais y revenir, mais force est de constater qu’aucun des deux candidats n’a vraiment été la hauteur dans la teneur et la précision de ses propos. Le temps respectif passé sur les sujets a parfois été consternant, comme si l’important était de mettre son adversaire en défaut, qu’importe si le sujet est au fond anecdotique. Bref, mon côté côté cartésien-scientifique-ingénieur a été profondément déçu.

Dans l’exercice pur du débat et de la rhétorique, à mon sens Nicolas Sarkozy a démontré sa supériorité. En effet, il a emmené François Hollande sur son terrain, loin du débat d’idées clair et courtois, comme avait pu l’être celui de 1995. Le candidat socialiste s’en est sorti bien mieux que ce l’on n’aurait pu craindre, faisant parfois preuve d’une énergie et d’une agressivité qu’on ne lui connaissait pas forcément, mais, tous les amateurs de sport vous le diront, quand on joue sur le terrain de l’adversaire, on perd. En fait, ce que je regrette vraiment, c’est que le Corrézien n’ait pas su remettre le débat à la hauteur des enjeux. Face aux insinuations, raccourcis, pour ne pas dire mensonges (sur certains points, ils ont été avérés) de son adversaire, il a parfois essayé de se lancer dans des explications de fond avec pédagogie. Et il faut bien avouer qu’à ces moments-là, il a parfois bafouillé et ce n’est pas toujours montré convaincant. Mais on touche là les limites de l’exercice : comment expliquer une politique chargée de résoudre un problème aussi structurel et pérenne que le chômage en quelques minutes, avec quelqu’un qui vous interrompt régulièrement pour détruire la clarté de votre raisonnement ? Et à ce petit jeu là, le Président sortant est bien meilleur.

Mais la victoire de Nicolas Sarkozy n’est qu’une victoire à la Pyrrhus. Autrement dit une défaite… Le débat d’hier soir était sa dernière carte, il l’a abattu et on sait bien qu’elle ne changera pas le cours profond du jeu. En fait, si Nicolas Sarkozy a réussi à entraîner François Hollande sur son propre terrain, il n’a sans doute pas bien mesuré que ce dernier n’était pas celui où il pourrait gagner des électeurs (si tant est que cela soit possible à trois jours de l’élection et après plusieurs mois de campagne). Le Président sortant a réussi magnifiquement à renverser les rôles comme il sait si bien le faire. Mais ceci a eu en fait deux résultats fâcheux : faire apparaître François Hollande comme son égal et surtout concentrer le débat sur les propositions et les positions de ce dernier. Or, en politique, quand on parle d’un adversaire qui n’est pas le sortant, que ce soit en bien ou en mal, on lui fait de la publicité. Décidément, la campagne de Nicolas Sarkozy aura été au final qu’une succession de mauvais choix.

Il y a bien des choses que j’aurais aimé entendre hier soir. Evidemment, il est un peu facile de tenir ce genre de propos, à froid, le cul dans son fauteuil. Je le mesure bien en repensant à toute mes debriefings personnels après chaque Conseil Municipal, où je n’arrête pas de me dire « merde, j’aurais du dire ça ! J’aurais du répondre ceci ! ». En fait, j’aurais surtout aimé que François Hollande mette plus en avant le vrai enjeu de civilisation que peut recouvrir le choix de dimanche. Le mot peut paraître fort, mais on est bien dans une vraie opposition qui va bien au-delà des points techniques sur lesquels les discussions ont tourné.

Nicolas Sarkozy s’est beaucoup vanté hier soir, et parfois avec habileté, sur la manière dont notre pays a mieux résisté que certains pays. Parfois avec une certaine mauvaise foi, notamment sur le chômage qui ne pouvait pas augmenter autant qu’ailleurs en proportion pour la simple et bonne raisons qu’il était déjà haut avant la crise. Souvent en mettant en avant des faits ou des chiffres qui sont tout à fait exacts. Face à ça, François Hollande a essayé de démontrer que le pays n’a pas bien si résister que ça de manière pas toujours très convaincante pour la simple et bonne raison que ce n’était pas tout à fait exact (mais pas complètement faux). Le vrai contre-argument est que la politique de Nicolas Sarkozy n’y est pour rien, bien au contraire.

Notre pays bénéficie de ce que l’on appelle en économie « des amortisseurs automatiques ». Ce sont tous les mécanismes de solidarité et de protection sociale qui limite l’impact immédiat des crises sur les ménages. C »est ainsi que la consommation s’est toujours bien maintenue et nous a évité une récession beaucoup plus profonde. Or, Nicolas Sarkozy n’a eu de cesse de s’attaquer à ces mécanismes, jugés archaïques et inefficaces. Le fameux « assistanat, cancer de la société ». Mais c’est bien ce dernier qui a permis au Président-candidat de se targuer de résultats moins pires qu’ailleurs. Or en les affaiblissant, il rendra d’autant plus difficile le redémarrage de notre économie et surtout nous fragilisera en cas de nouvelles crises…

… Bon, je m’arrête là parce que sinon, je vais me lancer dans une très longue explication technique et qui nécessitera moult arguments et exemples. Ce qui démontre justement que ce genre de raisonnement est totalement inadapté à un débat de ce type. Pour y réussir, il vaut mieux être maître de la simplification et la caricature et guère de se soucier de la cohérence et de la pertinence du fond… Tout ce que n’est pas François Hollande et c’est tant mieux !

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