WEST SIDE STORY : Ainsi naissait le cinéma moderne

westsidestoryafficheA la question absolument essentielle « Quel est le plus grand classique de l’histoire du cinéma ? », j’ai évidemment une réponse à apporter. Certains diront que j’ai des réponses à apporter même sur les sujets dont j’ignore tout, mais bon, dans le domaine du 7ème art, j’ai quelques connaissance à faire valoir. Bref, je dirai qu’ils sont deux. Autant en Emporte le Vent d’une part… Sauf que je déteste ce film. Heureusement, je citerai également West Side Story. Il faut dire, quoi de plus classique qu’une adaptation d’une des histoires les plus éternelles qui soit : Roméo et Juliette.

Le quartier de West Side à New York est marqué par les tensions entre deux bandes rivales. D’un côté, les Jets, composés d’immigrés d’origine irlandaise ou polonaise. De l’autre, les Sharks, composés de Porto-Ricains. Pour régler définitivement leurs différents, un duel doit être organisé. Mais au même moment, Tony, ancien chef des Jets, et Maria, sœur du chef des Sharks, tombent follement amoureux.

West Side Story marque un tournant dans l’histoire du cinéma. Sorti en 1961, il marque la fin de ce qu’on appelé l’âge d’or d’Hollywood. En effet, il va casser beaucoup de codes en proposant la première comédie musicale à l’intrigue dramatique (qui n’a donc rien d’une comédie) et doté d’un fond social. Mais le succès n’en fut pas moins fulgurant. Aussi bien aux Etats-Unis qu’en France, le film va rester à l’écran de certains cinémas pendant près de quatre ans sans discontinuer. Il sera également récompensé par 10 Oscars. Bref, un monument du cinéma.

Après, on peut entamer le débat : West Side Story a-t-il vieilli ? De mon point de vue, cette question est aussi absurde que se demander si la Joconde ou Hamlet sont passés de mode. Bien sûr, toutes ces œuvres ont été réalisées dans un contexte et une époque déterminée et en sont justement la représentation. C’est d’ailleurs là un de ses principaux intérêts. Oui, ce film est daté… et c’est tant mieux ! Surtout si on considère que la représentation des quartiers populaires américains dans des comédies musicales modernes donne désormais Sexy Dance…

Si West Side Story reste et restera longtemps un film extraordinaire, c’est avant tout grâce à cette musique et ces chansons signées Leonard Bernstein. Une bande-originale entre swing et jazz et qui laisse entrevoir ce qui allait devenir le rock… Vous me direz que le rock existait déjà en 1961, mais le film est l’adaptation d’une comédie musicale de Broadway, jouée à partir de 1957. A la fois, il paraît que Starmania est un opéra-rock, donc toutes ces étiquettes ne veulent pas dire grand chose. Seuls survivent le génie et les mélodies éternelles. Il est vrai que certains éléments peuvent surprendre, comme ce très long générique avec une image fixe et la musique en fond. Cela correspond à la notion d’ouverture, héritée de l’Opéra classique, où un morceau introductif annonce toutes les principales mélodies que l’on retrouvera plus tard.

Dans West Side Story, on chante, mais aussi on danse. On sent bien que les chorégraphies viennent de la scène car l’influence de la danse classique se fait grandement sentir. Tout est assez codifié et ne cherche pas le réalisme. Cela est particulièrement visible dans les scènes de bagarres qui peuvent paraître gentillettes. Mais la danse constituait justement un moyen de représenter de manière assez symbolique une violence physique qui n’avait pas sa place à l’écran à l’époque. Hors contexte, ça pourrait presque prêter à sourire, mais il faut bien comprendre qu’il s’agissait là d’une véritable transgression. Les chorégraphies de Jerome Robbins resteront pour longtemps des modèles du genre.

West Side Story nous raconte une histoire connue et éternelle. Mais c’est justement parce qu’elle a été raconté par des œuvres aussi intemporelles qu’elles font désormais partie du patrimoine commun. Ce qui fait l’intérêt de ce film est le travail de transposition de cette intrigue dans un contexte différent. On peut comprendre que le public des années 60 ait plus été touché par cette version que par la rivalité entre les Montaigu et les Capulet à Vérone au XVème siècle. Shakespeare n’avait lui-même fait qu’adapter une histoire déjà existante. Ce film poursuit ce mouvement perpétuel de la culture humaine !

westsidestoryD’un point de vue cinématographique, West Side Story est à la fois représentatif du classicisme hollywoodien, mais ouvre une nouvelle ère. On est encore dans un cinéma où les plans séquences sont nombreux, où le spectateur a le temps de comprendre ce qu’il voit. Mais Robert Wise a su introduire des innovations visuelles. La scène du dancing et la représentation du coup de foudre entre Tony et Maria mélange réalité et imaginaire de manière surprenantes pour l’époque, même si les comédies musicales ont toujours été à la pointe à ce niveau-là. A la fois, on ne danse pas et on ne chante pas dans la vraie vie. Même s’il peut paraître un peu vieillot pour certains, notamment du fait d’une narration assez lente, il reste le film qui a fait entrer le cinéma hollywoodien dans la modernité. Une modernité que nous vivons encore aujourd’hui.

West Side Story, comme toutes les grandes histoires d’amour, est avant tout l’histoire de deux amoureux. L’inoubliable Nathalie Wood, la seule qui a connu une grande carrière après ce film, incarne une Maria qui continue inlassablement à nous faire tomber amoureux. Le jeu de Richard Beymer est peut-être un peu plus daté et ne correspond plus vraiment à l’archétype de l’idéal masculin d’aujourd’hui. Mais son rôle et son personnage font partie à jamais du patrimoine cinématographique. Un mot enfin sur Marni Nixon, la doublure voix de Nathalie Wood, qui fut aussi celle de Deborah Kerr dans le Roi et Moi et surtout celle d’Audrey Hepburn dans My Fair Lady. Jamais créditée au générique, cette chanteuse a pourtant largement contribué à faire de ces films des légendes éternelles.

West Side Story fait peut-être moins pleurer désormais, alors qu’au moment de sa sortie, des salles entières en ressortaient en larmes. On est sans doute plus blasé désormais. Mais il n’en reste pas moins une force incroyable à ce film fondateur. Des générations entières à aimer ce film, tout comme on continue à jouer Shakespeare. Le génie est intemporel, West Side Story aussi !

Fiche technique :
Réalisation : Robert Wise et Jerome Robbins (séquence dansées)
Scénario : Ernest Lehman d’après le livret de la comédie musicale d’Arthur Laurents, Stephen Sondheim et Leonard Bernstein
Lyrics : Stephen Sondheim
Musique : Leonard Bernstein
Chorégraphie : Jerome Robbins
Photographie : Daniel L. Fappani
Montage : Thomas Stanford
Production : Robert Wise
Pays : États-Unis
Durée : 152 minutes (2 h 32)
Dates de sortie : États-Unis : 18 octobre 1961 (avant-première New York), 13 décembre 1961 (sortie nationale) ; France : 2 mars 1962

Casting :
Natalie Wood : Maria
Marni Nixon : Maria (voix chantée)
Richard Beymer : Tony
Jimmy Bryant : Tony (voix chantée)
Russ Tamblyn : Riff
Rita Moreno : Anita
Betty Wand : Anita (voix chantée)
George Chakiris : Bernardo
Suzie Kaye : Rosalia
Simon Oakland : lieutenant Schrank
Ned Glass : Doc
William Bramley : officer Krupke
Tucker Smith : Ice
David Winters : A-Rab
Eliot Feld : Baby John
Tony Mordente : Action
José De Vegas : Chino
Yvonne Wilder : Consuelo
Joanne Miya : Francisca

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