A PERDRE LA RAISON : Processus lent et linéaire

aperdrelaraisonafficheS’inspirer d’un fait divers pour en tirer un film est devenu une mode, en particulier dans le cinéma francophone. On a déjà eu droit au très moyen Possessions en début d’année. Voici cette fois, A Perdre la Raison, qui nous vient cette fois de Belgique. Mais si le cinéma de nos voisins avait brillé récemment avec les géniaux Bullhead et Hasta la Vista, cette fois-ci, le résultat est nettement moins bon.

Mounir a été recueilli à son plus jeune âge par le Docteur Pinget, avec lequel il vit toujours. Quand le jeune homme tombe amoureux de Murielle, cette dernière finit par venir habiter avec eux. Viendront quatre enfants qui rendront la promiscuité irrespirable. Cela révèlera surtout la totale dépendance du couple vis-à-vis du Docteur, qui n’a pas du tout l’intention de s’effacer et de laisser le couple partir.

Evidemment, A Perdre la Raison se sent obligé de commencer par la fin. Bah oui, c’est obligatoire et logique désormais. On se demande même si ce ne sont pas les producteurs qui imposent ça comme condition sine qua non pour financer un projet. Rien que ce détail montre à quel point Joachim Lafosse n’a guère d’inspiration. On pourrait éventuellement arguer que cela épargne un suspense un peu malsain. Mais comme la situation est bien pourrie dès le départ, vous n’avez aucun mal à comprendre comment on va passer du début à la fin. Donc au bout de dix minutes, à peu de chose près, vous avez déjà vu le film. Cependant, vous aurez quand même droit à près de deux heures de rien, ou du moins de pas grand chose.

A Perdre la Raison est donc un film à processus. Comment un personnage passe d’un état A à un état B, ce dernier étant généralement proche de la folie. Un film sur le basculement, la chute engendrés par la souffrance et l’incompréhension. C’est un sujet cinématographique classique et qui a déjà été traité de manière parfois incroyablement brillante. Sauf qu’ici, tout cela se déroule sans réelle évolution ou véritables péripéties. Il s’agit d’un processus totalement linéaire, le tout raconté avec une grande lenteur. Ne reste donc plus que la contemplation de la douleur d’une femme, mettant le spectateur dans la position d’un voyeur sadique… qui en plus s’ennuie…

Bien sûr, l’empathie peut nous faire entrer dans cette histoire. On peut s’identifier au personnage de Murielle, partager ses souffrances, être touché par son parcours et ressentir de réelles émotions. Mais tout reste un peu facile. Joachim Lafosse semble considérer que proposer une histoire dramatique et sérieuse suffit pour donner de l’intérêt à A Perdre la Raison. Certains souligneront sans doute une grande pudeur visuelle, tout à son honneur. Personnellement, je retiendrai surtout le fait que toutes, j’ai bien dit toutes, les scènes sont trop longues, pour au fond ne rien raconter.

aperdrelaraisonA Perdre la Raison aurait presque pu être sauvé par son casting. La présence à l’écran de Niels Arestrup et son incroyable charisme est à elle-seule un vrai plaisir cinématographique. Cependant, on le retrouve dans un rôle qu’il connaît trop bien, il n’y a donc aucune surprise à attendre de ce côté-là. Tahar Rahim est plutôt effacé, mais c’est le rôle qui veut ça. On retiendra donc avant tout la belle performance d’Emilie Duquenne, qui arrive à ne pas sombrer avec le navire, alors qu’elle aurait pu facilement couler avec lui.

A Perdre la Raison est le genre de film qu’on n’a peur de ne pas aimer, sous prétexte que cela ferait de nous des spectateurs sans cœur Mais la souffrance n’a pas d’un intérêt en soi et ce film n’en a que très peu par ailleurs.

Fiche technique :
Production : Versus Production, Samsa Films
Réalisation : Joachim Lafosse
Scénario : Joachim Lafosse, Thomas Bidegain, Matthieu Reynaert
Montage : Sophie Vercruysse
Photo : Jean-François Hensgens
Décors : Anna Falguères
Distribution : Les Films du Losange
Directeur artistique : François Delaire
Durée : 111 mn

Casting :
Emilie Dequenne : Murielle
Tahar Rahim : Mounir
Niels Arestrup : André Pinget
Baya Belal : Rachida
Stéphane Bissot : Françoise
Nathalie Botefeu : Dr. De Clerck

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